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CINQUANTENAIRE DE LA RÉUNIFICATION : LE PÈRE LUDOVIC LADO « C’EST LA POLITIQUE DE RÉSEAUX QUI POURRIT NOS PAYS »

Au moment où, le chef de l´Etat a enfin! décidé de se rendre à Buéa pour clôturer les festivités du 50ème? 53ème? anniversaire de la réunification du Cameroun, le père Ludovic Lado s´exprime là-dessus non sans fustiger l´attitude des différents régimes sur ce sujet. Selon lui,"  les forces d’inertie de la majorité francophone dont je fais partie ont trop pesé sur la minorité anglophone, et il faut revoir cela. Encore une fois, je regrette qu’on ne soit pas assis autour d’une table pour évaluer l’expérience, en donnant aussi la parole à ces révoltés qui militent pour la sécession".
Que vous inspire la célébration du cinquantenaire de la Réunification? 
En 1961, le Cameroun anglophone  a choisi de lier son destin à celui du Cameroun francophone. Que 50 ans après on célèbre ce tournant important de l’histoire du Cameroun qui en fait un pays atypique en Afrique, c’est tout à fait normal. Comme le montre l’expérience d’autres pays comme le Canada et la Belgique, faire cohabiter deux héritages coloniaux différents dans un même pays n’est pas chose facile. C’est un mariage qui a eu ses hauts et ses bas mais le cinquantenaire mérite d’être célébré. 
Seulement une célébration d’une telle importance devrait inclure un moment d’évaluation sans complaisance du chemin parcouru et mobiliser le triangle national autour des enjeux de notre destin commun. N’oublions pas qu’il y a un nombre non négligeable de Camerounais anglophones qui regrettent aujourd’hui ce choix. Mais une fois de plus les enjeux politiques et personnels ont pris le dessus sur l’intérêt commun. Qu’on célèbre un tel cinquantenaire trois ans après signifie que le temps du prince est celui du peuple camerounais. Ça dit tout de la manière dont notre pays est gouverné, au rythme d’une personne. C’est révoltant. 
Avez-vous l'impression que les camerounais, plus de cinquante ans après sont libres? 
Un peuple majoritairement pauvre et sous la coupe d’une oligarchie prédatrice ne peut pas être libre. C’est la vérité qui libère. Nous sommes comme des esclaves et nous l’ignorons.
Selon vous le Cameroun est- il un pays libéré? 
Pour l’instant dans notre pays, et dans bien d’autres en Afrique francophone, la colonisation blanche a été simplement remplacée par la colonisation noire. Et bon nombre de colons noirs sont encore à la solde de maîtres d’hier surtout quand ils tiennent à durer au pouvoir. C’est cette inféodation qui énerve bon nombre de nos concitoyens de la partie anglophone, puisqu’en cette matière l’Angleterre n’entretient pas le même type de relations avec ses anciennes colonies que la France.   
Pourtant le régime annonce les festivités de plus de cinquante ans sous le signe de la paix, de la stabilité, de l’unité nationale, et de l'intégration... 
Oui, mais il faut se méfier de cette boulimie terminologique et démagogique dont se gargarise le gouvernement.  Donnez la parole aux anglophones et vous entendrez un autre son de cloche. Si on devait refaire le référendum de 1961 aujourd’hui, je me demande s’ils feraient le même choix.  La balance a penché plus vers l’assimilation que l’intégration. 
Selon vous quelles leçons devons nous retenir de la réunification du Cameroun? 
Personnellement, je pense que le double héritage colonial du Cameroun est en soi un atout, surtout quand on voit l’importance que prend l’anglais dans le monde aujourd’hui. Sur le plan intellectuel je suis moi-même un produit des deux systèmes. Mais c’est un atout qu’on n’a pas su valoriser. Sur le plan scolaire par exemple on a  privilégié une formule paresseuse de cohabitation à celle d’intégration comme le montrent nos lycées bilingues, c’est un gâchis. Nous n’avons pas su tirer le meilleur de chaque système pour opérer de nouvelles synthèses. Je suis d’avis que les forces d’inertie de la majorité francophone dont je fais partie ont trop pesé sur la minorité anglophone, et il faut revoir cela. Encore une fois, je regrette qu’on ne soit pas assis autour d’une table pour évaluer l’expérience, en donnant aussi la parole à ces révoltés qui militent pour la sécession.
Comment expliquer la bouffonnerie actuelle autour des festivités du cinquantenaire?
C’est la culture politique camerounaise de l’heure !  Beaucoup d’agitation et de bruit pour rien. Ce sont les apparences qui comptent. C’est une coquille vide qu’on entretient à coup de milliards. On trinque au sommet pendant que le bas-peuple fait son chemin croix. C’est révoltant !  Les Camerounais expriment leur désaveu par le désintérêt ! Mais le gouvernement dans sa bulle s’en fiche. Que Dieu nous en délivre !
Votre  point de vue sur le cas Thierry Michel Atangana, en ce moment le haut commissariat aux droits de l'homme de l’Onu, a demandé sa libération immédiate. Qu'en pensez-vous? Quelle attitude doit avoir le régime de Yaoundé ?
Vous savez la distinction entre prisonnier politique et prisonnier économique n’est pas facile à faire au Cameroun aujourd’hui, ce qui permet au prince de broyer ses serviteurs d’hier devenus indésirables.  Pourquoi le cas de Thierry Michel Atangana occupe les devants de la scène ? Est-ce parce qu’il est français de nationalité?  Et qui donc intercèdera pour Titus Edzoa et autres ?  C’est encore la politique des réseaux qui pourrit nos pays. L’attitude du régime dépendra bien sûr du rapport de forces en présence.
Merci !
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