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Lettre à Chantal Biya: je veux épouser Brenda par Félix Tatla Mbetbo

Bonjour très précieuse maman, aussi précieuse à mes yeux que l’étoile teintée d’or sur notre drapeau tricolore, précieuse que le diamant massif sur vos multiples bijoux, que vos cuirs et fourrures produits des animaux rares braconnés juste pour vous. Je suis un jeune camerounais âgé de la vingtaine, ayant acquis il y’a presque deux ans, la capacité de participer au vote. Je dois être sincère avec toi maman, j’ai manqué sciemment cette double occasion de donner ma voix. J’aime tellement ma voix que je ne veux la donner à personne : ni à l’opposition qui n’a pas besoin d’une voix en moins pour perdre les élections, ni au parti des flammes qui n’a pas besoin d’une en plus pour flamboyer davantage. Moi, j’ai toujours voulu atteindre cet âge, afin de voter pour toi, pour toi uniquement la mère des mères. Mais apparemment, d’autres choses t’intéressent que la politique et les affaires publiques. J’aurai aimé à défaut, voter pour Franck, mais il n’est pas filialement ton fils. Et même s’il avait eu cette bénédiction de la nature, je ne suis pas sure que je lui aurais accordé ma voix. Car non seulement il cache ses ambitions politiques, mais il a comme une flemme d’affronter le verdict du peuple. Ce peuple chez qui la raison est plus absente que présente, qui pourra le juger non pas en temps que « citoyen comme les autres », mais en tant que « héritier de… ». Je garde encore ma voix, et je ne pourrais pas non plus la donner à Junior, parce que je n’aurais même jamais l’occasion de le faire. Sa nature n’a pas été constituée pour une chose comme la politique et encore moins les affaires. En plus on dit de lui qu’il est discret et distrait à plusieurs points de vue. 


Je n’ose pas croire que votre royal rang aussi bien que votre majestueux sang, ne puissent fournir des âmes dirigeantes pour notre cher pays. C’est vrai que Brenda donne l’allure d’une féline qui n’a pas peur d’affronter le regard fêlé des objectifs, qui ne cligne pas les yeux face aux clichés, et qui se sent bien à l’aise à ne pas jouer les pupilles en public. C’est aussi vrai que le fait de la tirer et de l’attirer près de vous lors de certaines de vos sorties politiques, -tantôt à votre gauche, tantôt à votre droite-, dissimule beaucoup d’intentions inavouées. Peut être êtes vous en train de la faire « essayer son courage à l’ombre de vos bras » aussi doux et tendres ? A trainer et à entrainer de la petite fille à devenir elle-même la mère, la femme des femmes elle aussi ? 

C’est de cette femme dont je fantasme, c’est de cette fille dont j’ambitionne sortir l’épouse et la mère. Mais tu dois me pardonner chère maman, d’oser demander la main de ta charmante fille, dans une lettre qui friserait une demande d’emploi. C’est vrai qu’être l’amant d’une fille comme la tienne, serait pour tout jeune camerounais un travail plein. Je sais que ma demande est ouverte, et que des milliers d’autres qui me liront, par mimétisme béat, essaieront à leur tour de déposer leurs candidatures. Je sais aussi que des centaines d’autres demandes sont en cours de traitement dans votre office. D’autres ont choisi la voie directe, en chantant à Brenda des « louanges outrées jusqu’à l’idolâtrie », fantasmant même sur une désuète histoire d’amour – du genre Roméo et Juliette. Mais plusieurs se résignent, pensant à tort ou à raison, qu’être admis à devenir l’amant de votre fille, est hargneusement semblable à un concours d’entrée dans nos écoles d’élites dont je préfère taire les noms : ces centres de formation des futures « chèvres de la prairie ». Ces concours où nous avons des milliers de candidats pour une dizaine de places seulement, où avant la date du dépôt des dossiers, certains savourent déjà leur admission. Ils pensent alors que Brenda a déjà été promise, que ses prétendants sont déjà sélectionnés, et il ne reste plus qu’à publier le nom du lauréat au kairos. 

Moi je pense autrement, car je ne peux pas croire un seul instant que votre fille soit « la coupe aux grandes oreilles », un trophée à gagner, un poste auquel il faudrait postuler, ou un objet précieux que chacun chercherait à posséder à tous les prix. Je ne suis pas sûr non plus, que votre fille soit déjà destinée à un homme qu’elle n’a pas choisie elle-même, de son gré, de son cœur. Je suis aussi convaincu d’une chose, c’est qu’on ne peut pas aimer quelqu’un qu’on ne connait pas, comme on ne peut pas désirer ce qu’on ne connait pas. Si cette théorie est vérifiée, alors, comment pourras t’elle aimer d’autres jeunes que ceux avec qui elle partage le même cadre, le même standing ? Peut’ elle songer un jour aimer quelqu’un comme moi dont ‘elle ignore complètement l’existence ? Et si elle avait une idée même de ce qu’est mon existence, n’aurait’ elle pas eu plutôt de la répugnance et du dégout à mon égard ? Comment ai-je aussi pu fantasmer sur une fille moins âgée que moi, qui revendique encore des mamours de sa mamou, qui a déjà sa vie, qui jamais de cette vie n’ira dans un tourne dos, qui ne tolérerai pas la marche à pieds, ni se déplacer dans nos vieux taxis clopinant sur « nos » routes accidentellement bitumées, et que les bodyguards ne lâchent pas d’un sein jusque dans la chambre à « coucher » ? 

Vous l’avez surement, chère maman devinée. Toutes ces choses je dis, mais épris de votre fille je suis. Cette jeune et belle marquise, à qui sans hésiter je dirais, si dans mes rêves les plus fous j’avais l’aubaine historique de la rencontrer, que : « me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour ». Et si à son oreille parait obsolète cette déclaration, je pourrais l’arranger bien, et à la mode la tourner autant de fois qu’elle le voudra. Mais je ne veux pas les étapes bruler, jamais rien bruler ni casser j’ai voulu. Et je l’avais fait savoir à mes amis, dans les émeutes en février 2008, engagés. M’offusquant contre ce que j’appelle le « militantisme vandaliste », en respectueux du patrimoine matériel et culturel de notre pays, J’ai toujours voulu me poser. C’est dans le sens du respect de ces valeurs culturelles, que par vous je passe afin à votre fille arriver. Sans oublier toutefois que chez nous en Afrique noire, l’homme est le chef de la famille ! Et je sais encore plus que, l’homme n’est chef que parce qu’ainsi on l’appelle. En réalité, dans le foyer comme dans la forêt, nous savons tous que « ce sont les femelles qui chassent ». Et nos frères Toubous ont raison de dire que : dit le jour la barbe, ce que la nuit, a décidé la natte. 

Je connais reine d’Afrique l’influence que vous avez auprès du roi, je sais jusqu’où peuvent résonner le plus insoupçonnable de vos envies, et que le plus souvent elles sont des ordres. C’est vrai que je traine avec moi plusieurs tares qui joueront certainement en ma défaveur. Des tares que je n’ai pas choisies certes, mais qui s’abattent sur moi comme un oiseau de proie, une camisole de force qui m’empêche de devenir autre chose que ce que ma nature dicte que je suis. Je suis d’abord un orphelin de père, en plus je suis le dernier d’une famille quatre fois plus nombreuse que celle de Brenda. Chez nous les derniers nés n’héritent pas de leurs parents, et même si c’était le cas, qu’est ce qu’un enfant peut bien hériter en termes de biens matériels d’un père qui a passé 33 années de sa vie, à s’étouffer à la craie, à dessiner d’idiots traits d’espoir sur le « tableau noir du malheur » ? Un fonctionnaire qui comme des milliers d’autres, a vu son salaire diminuer de plus de la moitié, et ses charges tripler sans pitié aucune. Ma mère, bien avant que son pauvre mari ne casse sa craie, solidifiait déjà sa houe pour essayer de « cultiver son jardin », et espérer recevoir de la stérile terre ce que son travail d’enseignante, à elle aussi, refusait de lui offrir. 

Mon père aurait pu tirer son épingle du jeu comme beaucoup d’autres à cette époque, c'est-à-dire en signant sa carte d’adhésion au parti flamboyant des flammes. Epoque des vaches maigres, mais à laquelle plusieurs chèvres ont pu pressurer et s’engraisser. Mais il a choisi de s’opposer, oui maman, mon père était dans l’opposition, -il était un opposant. Opposant à quoi ou à qui, je ne peux ici vraiment avec clarté le dire. Je sais qu’il s’est opposé toute sa vie, pendant que ses camarades, par une transhumance inexplicable, choisissaient leur prairie et leur corde, se faisaient attacher et broutaient tranquillement. 

Je le vois sur vos fines lèvres, vous avez une question incontournable que vous voulez me poser, que vous posez d’ailleurs à tous les prétendants de votre fille. Question que vous examinez même avant de traiter telle ou telle demande : celle de l’origine tribale. Je ne vais point vous cacher mes origines ! Car le cœur qui aime, le cœur qui veut aimer, le cœur qui veut qu’on l’aime, doit être sincère : je suis un BAMILEKE. Or il parait que ni mon nom, ni ma manière de parler, de m’accoutrer, ne m’identifient en rien à un Bami. Si tant qu’il existe une manière propre aux originaires de cette ethnie de parler, de s’habiller, de manger et de vivre. Peut être alors que je suis un « mauvais Bami » : qui ne crie ni ne vie sa « BAMITUDE » ! 

Aucun membre de ma famille nombreuse n’est commerçant, personne de ma famille n’adore les cranes, personne n’est polygame... Quel genre de Bami suis-je alors ? Je suis le genre de Bami sur qui on colle d’ignobles étiquettes, à qui ont veut barrer la route en politique prétextant qu’il a la « puissance économique », à qui on veut barrer la route dans les grandes écoles prétextant qu’il fait partie des plus nombreux et intelligents. Dont on n’éprouve aucune compassion pour le massacre génocidaire dont il a été victime, prétextant qu’il a été « maquisard », -qu’on voulait éliminer comme on enlève un caillou ennuyeux dans la chaussure. Le seul fait que je sois Bami peut me disqualifier dans cette course vers mon idylle. Je ne vois même pas une lueur d’espoir m’habiter lorsque je lis le livre signé par « le père de Brenda », en page 115, disant qu’ « il s’agit de lier le gerbe de nos originalités ethniques et d’en faire le noyau de notre culture nationale ». C’est comme si il écrivait pour écrire, comme ils savent bien dire les choses pour les dire. 

Je suis rassuré d’une chose et je vous rassure, en acceptant que votre fille trempe son sang dans le mien, vous n’êtes pas en train de le souiller. Je vous sais mieux placée pour le comprendre ! Espérons que vous n’oubliez pas vous aussi vos origines, ni le parcours qui a été le votre jusqu’aux portes du palais royal. Et le Grand chef, vous n’oubliez pas aussi ses origines, lui-même qui disait être fils et petit fils de paysan, de cultivateur ! Je pense qu’il est mieux pour des prétendants de la basse classe comme nous, de vous entendre rappeler à Brenda qu’elle est fille d’un ancien fils de la forêt, et d’une ancienne fille des quartiers difficiles. Faites marcher votre fille sur le chemin qui mène à son passé lointain, et peut être chemin faisant, elle pourra croiser le mien, qui malheureusement est aussi mon présent. Certes je suis encore un jeune étudiant qui étudie pour étudier, qui vit de la chasse des notes et de la cueillette des rêves qu’il n’a pas moissonnés. 

Mais si j’arrive à valider l’ « Unité Valeureuse » qui est d’épouser Brenda, mon statut seul me donnera carte blanche partout et en tout. Je me présenterais désormais comme mari de la première fille de la première dame du premier Chef. Je pourrais sortir ma mère de son foyer enfumé, je dévierais la douane et les impôts, placerais mes proches dans des secteurs clés, construirait une insolente villa dans mon village exempt de routes, de forages, de lumière…bien sur que j’aurais mes gardes de corps, bien sur que ma Mercedes de la dernière série « s » seras blindée, bien sur que j’aurais le numéro vert du président, bien sur que j’aurais la première place dans les assemblées, bien sur que je ferais la une des journaux…bref qu’est ce que je n’aurais pas, qui est ce que je ne serais pas, qu’est ce que je ne ferais pas ? Voilà pourquoi merveille des merveilles, je veux épouser votre fille. Car au delà de l’amour que j’ai pour elle, se cache ce que je n’ai pas voulu vous cacher. 

… En attendant une suite favorable à cette demande, je vous prie de croire en la véracité de mes sentiments. Sensations émotionnelles que ne pourrais qu’exprimer succinctement, le temps d’une lettre aussi ouverte qu’elle puisse l’être. 
Cordialement, 

L’intéressé »
Félix TATLA MBETBO, chroniqueur
monsieur2035@yahoo.fr
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