M. le président.
Le gouvernement dont vous avez la charge a déposé vendredi 28 Novembre 2014 le
projet de loi no 962/Ppjl portant répression des actes de terrorisme, à la
Chambre basse du parlement et défendu par le ministre de la Justice, garde des
Sceaux, Mr Laurent Esso, lundi 1er décembre devant la Commission des lois
constitutionnelles. Ce projet de loi comme nous pouvons bien l’imaginer vient
encadrer la situation exceptionnelle que vit notre pays suite aux attaques répétitives
de la secte Boko haram. Mais alors force est de constater qu’il laisse
entrevoir une ambiguïté profonde à l’analyse des différents articles qui le
constituent. D’avantage il remet au goût du jour la peine de mort, pratique
hautement répréhensible par la communauté internationale avec pour chef de file
les Nations unies.
M. le président,
lors de l’avènement du multipartisme dont vous êtes le grand artisan, vous
invitiez solennellement les camerounais à quitter la pénombre du maquis pour
occuper l’espace public afin d’exprimer l’un des droits inaliénables en matière
de démocratie qui est la liberté d’expression. Et vos efforts (discutables
certes), depuis lors, pour la démocratisation de notre pays ont été louables.
Mais à la lecture de ce projet de loi, on est en droit de se demander si votre
gouvernement ne souhaite pas amorcer un retour aux années despotiques de votre
prédécesseur. En effet, traitant de l’acte de terrorisme, l’article 2 stipule
que sera passible de la peine de mort toute personne menant une activité
susceptible d’occasionner des dommages physiques, matériels, aux ressources
naturels, a l’environnement, etc. Cet article complété par l’article 8 évoque,
que sera condamne d’une peine de quinze à vingt ans et d’une amende de
vingt-cinq millions à cinquante millions toute personne faisant l’apologie d’acte
de terrorisme.
Cela
voudrait dire implicitement Monsieur le président, que tout camerounais, c’est-à-dire
votre compatriote, qui choisit de manifester son mécontentement ou même de
faire l’une des multiples marches de soutien qui vous sont généralement destinées,
et qui dans son parcours écrase malencontreusement une plante (dommage à l’environnement)
sur son passage, est susceptible d’être condamné à mort. Et l’instigateur de
cette marche de défiance ou de soutien, passible de vingt années de réclusion
criminelle.
M. le président,
il me revient de constater que cette disposition s’inscrit dans la foulée de la
cacophonie juridique visant à encadrer toute manifestation et dont le but
ultime serait de réduire au silence toute personne qui choisit d’élever la voix
chez nous. Rappelez-vous que nous sommes passés du régime de la déclaration des
manifestations, à l’autorisation. Désormais nous nous gargarisons d’aborder non
moins fièrement la pénalisation; et de quelle façon !!! Je me rends compte que
votre harem politique, suite aux évènements du Burkina Faso, sentant votre régime
rentré très lentement mais très sereinement dans la phase critique d’agonie, se
prend à s’imaginer un savant mélange des pratiques aussi hitlériennes comme
machiavéliques dans l’optique de contrer toutes velléités de défiance pour soit
vous faire représenter en 2018 (ce que je vous déconseille vivement), soit de
faire passer un dauphin qui ne se pliera pas au jeu démocratique de notre pays.
M. le président,
dois-je vous rappeler que cette loi n’est que la copie conforme de ce qui se
fait de mieux présentement au pays des pyramides (Egypte) où les sympathisants
des frères musulmans (Parti politique) sont conduits à la potence, suite à des
parodies de procès, pour la simple raison qu’ils ont manifesté leur soutien à
cette organisation politique, qui est la conséquence de leur défiance au
pouvoir en place. Pas plus tard que le 2 décembre 2014, 150 égyptiens se sont
vus être assignés la peine de mort. Est-ce que l’exemple navrant égyptien doit
dorénavant faire jurisprudence au Cameroun?
Permettez-moi
de vous présenter une esquisse de conséquences si jamais cette loi est votée
dans sa forme originale. C’est ainsi que de deux choses l’une:
* Au lieu de
desservir le terrorisme, elle participera à son éclosion: C’est dire que les
camerounais par respect à cette loi, retourneront dans le maquis tout en se
livrant à des pratiques aussi illégales, qu’illicites; ce qui formera un
terreau favorable à toutes activités terroristes visant à déstabiliser notre
pays. Pire encore elle nous enverra 50 années en arrière à la période peu
glorieuse de votre prédécesseur ou la démocratie n’était qu’un voeu pieux et ou
quiconque choisissait l’oeuvre suicidaire de dire, à la veille, son désaccord
au prince, répondait le lendemain, et sans aucune forme de procès aux absents
présents.
* L’ouverture
inéluctable d’une boucherie humaine: Pas besoin de sortir de polytechnique pour
s’imaginer que des camerounais, qui en ont plein le dos, et dans une entreprise
de défiance totale, choisiront de se constituer en victimes expiatoires,
arborant au passage des slogans tels « A la patrie ou à la mort, nous
vaincrons », pour braver les forces de l’ordre qui avec pour objectif de
redonner force au droit, n’hésiteront certainement pas à faire ce pour quoi ils
sont formés à Koutaba et autres, c’est-à-dire appuyer sur une détente.
M. Biya, je
vous en prie, n’ouvrez pas les portes de l’enfer au Cameroun. C’est la raison
pour laquelle je vous prie de réaménager cette disposition en déterminant
explicitement et sans ambiguïté aucune ce que l’on devrait entendre par acte de
terrorisme. La vie physique et démocratique des camerounais en dépend.
Je suppose
que dans notre pays, comme dans toute autre nation, l’éducation d’aujourd’hui
représente la façon de penser de demain. C’est dans la foulée de ce
raisonnement qu’un programme stratégiquement élaboré est offert aux apprenants
qui orienteront leur mode de pensée critique vers l’idéal prédéfini par les
soins de vos collaborateurs. C’est ainsi que dans les années 2000, mes
camarades et moi, se sont vus proposer un ouvrage de Victor Hugo intitulé “Le
dernier jour d’un condamne”. La quintessence de cette oeuvre est un
plaidoyer contre la peine de mort.
Au moment où
l’on constate une baisse tendancielle du nombre de condamnations à mort et des
exécutions dans le monde, (soit 140 pays sur les 197 pays que reconnait les
Nations unies), notre pays décide de s’y prendre comme un manche, en
revendiquant victorieusement cette pratique abjecte et obscurantiste.
Devrais-je vous rappeler que la justice devrait être réparatrice et non
destructrice? Devrais-je vous rappeler que le droit à la vie fait partie des
droits inaliénables de tout citoyen du monde et par ricochet du camerounais?
Devrais-je vous rappeler que le plus crapuleux des criminels bénéficie aussi de
ce droit inaliénable? Sommes-nous condamnés au Cameroun à nous asseoir
inlassablement au banc des médiocres du monde? Ne sommes-nous pas épuisés d’être
constamment et parfois même fièrement, à la traine de l’humanité?
Dans nos écoles,
vous nous avez appris à dire NON à cette pratique. Ne venez pas déshonorer
aujourd’hui ce qui a été la quintessence de notre éducation. M. le président,
je ne doute point de votre volonté de vouloir sauvegarder l’intégrité de notre
territoire et des camerounais qui y vivent. C’est la raison pour laquelle je
vous demande d’explorer l’hypothèse de la perpétuité pour les plus récalcitrants,
et de la relaxe suivie de la réinsertion après un certain nombre d’années passées
derrière les barreaux, pour ceux qui ont entrepris la voie du changement. Je le
rappelle: La justice est réparatrice et non destructrice.
Tout en espérant
que ce projet de loi que je trouve salutaire, (A des situations
exceptionnelles, des mesures exceptionnelles), soit réaménagé avant un
quelconque vote devant notre parlement, veuillez recevoir, M. le président, l’expression
de mon soutien patriotique dans cette guerre que le Cameroun mène contre Boko
Haram.
Arsene
Kouamen – Londres, UK
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