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Infrastructures: Des sommes importantes sont versées à des personnes souvent fictives au détriment des vrais bénéficiaires par Younoussa Ben Moussa

Ce qui s'est passé la semaine dernière au Cameroun ressemble à une fiction dont seul notre pays a la recette. Mercredi 4 mai 2016. Joseph André Eyebe Eyebe, le Sous-préfet de l'arrondissement de Bangangté est assis dans son bureau, qu'il a intégré, il y a moins d'un mois, car ayant été nommé le 6 avril dernier par décret présidentiel. Des heures plus tard, des gendarmes frappent et entrent.

Le chef de terre, représentant du Président de la République dans l'arrondissement, est arrêté et embarqué. Son bureau est du coup scellé. Arrivé à Yaoundé, il est placé sous mandat de dépôt à la prisoncentrale de Kondengui. Son péché, il est soupçonné d'avoir participé au détournement des ressources financières allouées à l'indemnisation des populations touchées par le projet du Port en eau Profonde de Kribi. Il aurait participé à l'établissement de faux titres fonciers qui auraient permis à des personnes inconnues de percevoir indument de l'argent public, pour certains, au détriment des véritablespropriétaires des parcelles sur lesquelles ce projet structurant est implanté.

En réalité, le chef de terre n'est pas seul dans cette affaire. Ses anciens patrons et collaborateurs sont également dans la nasse. Certains ont été tirés de leur retraite. Il s'agit d'un scandale à hauteur de milliards dénoncé à l'époque par la Commission nationale anti-corruption.

En fait, tout remonte à 2010. Le 30 novembre 2010 de cette année-là, le Premier ministre signe un décret " portant indemnisation des personnes victimes d'expropriation et/ou des destructions des biens dans
le cadre des travaux de construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi dans le département de l'Océan ". Deux semaines plus tard, Louis Paul Motaze, président du comité de pilotage, se rend à Kribi pour expliquer aux populations les modalités des opérations de recensement des personnes concernées et du processus de paiement. Le recensement se fait rapidement.

Le 24 décembre, le premier chèque au titre des indemnisations est disponible. Il pèse 4 milliards. Il est remis au chef du groupement Batanga Sud. Cette première phase des indemnisations concerne une centaine de personnes. L'argent étant disponible, le directeur du projet, Nlend Banack, publie la liste des personnes à indemniser.

Scandale.

Des noms fictifs y figurent. La population dénonce ces " voisins " inconnus. L'enquête s'ouvre et aboutit à l'interpellation aujourd'hui de ces autorités administratives. Kribi n'est pas unique. Les mêmes problèmes ont été constatés dans les projets tels que l'autoroute Yaoundé-Douala et Yaoundé-Nsimalen, le stade d'Olembé, la route Sangmélima-Djoum-Ouesso, le barrage de Memvelé etc. C'est à croire que les indemnisations constituent le vrai blocus au développement du Cameroun.

Les textes normatifs

Comment en est-on arrivé là, alors que la démarche à suivre est connue de tous. Selon les textes normatifs en la matière, après avoir identifié le site, le travail qui vient après consiste à identifier les personnes touchées par le projet. Une commission est donc désignée pour cette tâche qui déterminera aussi les biens meubles ou toutes autres choses affectés.

Lors de l'évaluation, toutes les parties prenantes sont invitées. L'Etat mobilise alors les moyens pour indemniser les victimes, mais aussi les recaser. C'est après cet exercice que les premiers engins débarquent sur le site. Un exercice bien encadré par des textes, selon la nature du terrain et sa valorisation.

Pour les terrains nus par exemple, résultant d'une détention coutumière ayant donné lieu à l'obtention d'un titre foncier ou dont la demande d'immatriculation directe a reçu l'avis favorable de la commission consultative compétente à la date de publication de l'arrêté déclarant d'utilité publique les travaux en cause, l'indemnité est calculée au taux minimum officiel des terrains domaniaux non viabilisés du lieu de situation de l'immeuble, tel que fixé par la circulaire du 22 mars 1994.

Pour les cultures, l'indemnisation est calculée sur le taux de pieds, de l'âge, et du prix urbain des différentes spéculations tel que prescrit par le décret No : 2003/418/PM du 25 février 2003.

Nonobstant la clarté de toutes ces dispositions, l'on assiste à des délits d'initié.

Le Jour :Younoussa Ben Moussa

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