J'appartiens à une école de pensée, à une école politique, les deux en moi sont indissociables. J'ai rencontré Antony Giddens en 2004 ; il m'a été présenté par le sociologue québécois, André Turmel qui rentrait alors, d'une année sabbatique passée en Angleterre à la London School of Economics. Quand on a fait ses classes auprès de Pierre Bourdieu et de Pierre Bréchon, il est difficile d'épouser d'un trait Giddens mais il faut savoir dépasser les cloisons pour une confrontation d'idées. Je l'ai fait afin que je puisse me trouver une place dans la grande famille de la social-démocratie qui tarde à se faire un chemin dans nos pays en Afrique et tout particulièrement au Cameroun.
Comment faire du social tout en prônant la liberté d'entreprendre ? Comment parler de la protection de la faune dans un pays où l'on ne pense qu'à sa survie au quotidien parce que l'autosuffisance alimentaire n'est plus qu'un lointain souvenir, que l'on importe le riz à plus de 212 milliards pour l'année 2014 suivant les révélations du journal Repères du 19 septembre 2014 sous la plume de Sylvain Andzongo ? Qu'en 2015 la dette extérieure du pays est de 6 000 milliards de Fr CFA et augmente en 2016 de 28% ? Comment parler d'environnement alors que la forêt est considérée comme l'ennemi de l'homme ? Comment parler de l'habitat pour tous alors même que l'on ignore ici le logement social ? Comment parler de l'amélioration de l'habitat alors que l'on n'a jamais rien vu d'autre depuis des générations ? Même les sujets les plus simples d'apparence peinent à prendre corps dans le débat public : l'eau potable, l'électrification urbaine et villageoise, la construction des latrines, la circulation routière et son cortège d'accidents, la santé avant même la sécurité sociale, l'école pour tous avant les réformes nécessaires pour penser le développement
Ce débat est pourtant nécessaire, sinon nous mourrons pour laisser le champ libre à la barbarie et à la sauvagerie. Car, en face il n'y a aucune proposition,aucune construction, même si nous avons l'impression que c'est en face qu'il y a tout et que tout devrait venir. La voie que je propose au Cameroun est nécessaire pour renforcer la présence des services publics (santé, transport, éducation, sécurité). Il faut également renforcer les impôts parce qu'il (l'impôt) participe en premier à la construction de l'idée même d'Etat et des Institutions qui l'accompagnent, mais aussi participe à réinventer l'Etat-providence.
Il faut construire une école qui installe et revendique le travail comme une valeur. L'Etat doit justement être présent auprès des plus faibles et ils sont les plus nombreux ; il doit soutenir l'initiative privée, se risquer avec nos entrepreneurs. La présence, la visibilité de la police doit être permanente dans une société comme la nôtre qui est encore à 60% rurale avec une population à 67% analphabète. Il faut penser le développement à partir de la périphérie et des campagnes afin de ne pas vider nos compagnes de leurs forces constructives et productrices.
La famille est en débat dans notre pays et il est important de lui donner un caractère national et non universel pour respecter les cosmogonies nôtres tirées des trois religions qui structurent notre société ; les religions traditionnelles, l'Islam et le Christianisme, oui les religions ont un rôle à jouer dans l'espace public, un rôle de régulation loin de la laïcité dont nous n'avons ni l'histoire ni la composition sociologique. Il est indispensable que la famille soit encadrée par des dispositions constitutionnelles – nous devons ouvrir le débat sur l'égalité des chances, contre l'égalitarisme souvent citée, mais qui ne mène pas loin : tout le monde est pour l'égalité des chances, mais pour la mettre en pratique, il faut commencer par bien redistribuer les cartes. Nous devons faire vivre les penseurs pour que le Cameroun puisse enfin se tenir sans béquille. Tout ceci peut nous sembler trop théorique, mais que non, toute action, toute mise en mouvement se pense et c'est là l'essence même de la structuration qui vise à nous faire appréhender les structures sociales sous l'angle du mouvement.
Il y a deux ans, j'ai pris le temps de démontrer dans un long article publié dans les colonnes d'Aurore Plus no. 1626 12 septembre 2014 et N0 1627 16 septembre 2014, l'incohérence du DSCE dans la politique de développement mise en place par le gouvernement camerounais. Je crois que beaucoup aujourd'hui partagent cette analyse, mais il ne suffit pas de la partager, encore faut-il proposer autre chose, cette autre chose qui devrait pouvoir tenir debout. Nous ne pouvons penser le développement de notre pays que sur les bases d'un dialogue entre la grande masse paupérisée et la minorité régnante qualifiée par beaucoup de bourgeoisie néocoloniale. Nous ne devons pas écrire notre histoire, l'histoire de nos peuples comme un simple mouvement dont la direction est perceptible ; elle a des courbes et des pentes parfois abruptes Il nous revient de leur donner, aux pentes, des coups de pics afin de niveler un pays qui ne demande qu'à être construit.
Je suis entré dans la social-démocratie comme certains entrent en religion, mais j'ai gardé le sens de la critique herméneutique si chère à Pierre Bourdieu, j'ai épousé la plume et la pioche de Jean-Marc Ela qui a suffisamment pénétré la brousse, cependant suivit par peu de monde.
Le Cameroun est à la croisée des chemins, il faut donc faire des choix judicieux. Le DSCE a créé de nombreuses structures fictives dont le but semble être de soustraire l'argent à l'Etat donc au contribuable camerounais. Quelle est sur le terrain l'action, le travail, la contribution du Comité d'Appui au Développement Local (le CADEL), que sont devenus les Conseils Régionaux pour l'Emploi (CRE), peut-on aujourd'hui nous présenter, 8 ans après leur création-énumération dans le DSCE, les bâtiments qu'ils occupent et les effectifs qui sont les leurs avant même d'interroger leurs actions sur le terrain ? Comment fonctionne le Conseil National de la Décentralisation (CND) plaque centrale du transfert des compétences aux collectivités décentralisées ? Où sont les locaux de la Direction Générale de l'Economie et de la Programmation des Investissements Publics dans notre pays ? A-t-on évalué les Groupement d'Initiatives Communes (GIC) avant de les mettre à la poubelle ? Qu'est devenu le Projet d'Appui au Développement de la Microfinance Rurale (PADMIR)? Où est passé le Projet d'Introduction des Normes de Rendement dans l'Administration Publique Camerounaise (INORAC)?
Toutes ces interrogations ont pour but de nous amener à comprendre que nous avons beaucoup de possibilités de créer de la croissance sans argent supplémentaire et sans apport extérieur. L'Etat n'est-il pas le bien qui est commun à tous les enfants du Cameroun ? Si tel est donc le cas, l'Etat a pour premier devoir de veiller à ne jamais gaspiller l'argent public. L'Etat se doit aussi de maîtriser ses propres dépenses de fonctionnement, il doit faire un effort pour faire des économies notamment sur les dépenses immobilières, bref l'Etat doit au quotidien faire des efforts pour la réduction de son train de vie. Le journal Repères dans sa livraison du 24 septembre 2014 rend public un rapport du CONSUPE qui fait froid au dos. Sommes-nous toujours dans le bon sens quand la ligne directe d'un directeur général arrive en 16 ans à un milliards deux cents millions de francs cfa de dépense téléphonique? La priorité des priorités dans ma conception du développement est l'investissement pour créer des emplois et aussi former, innover et élever le niveau de l'éducation pour faire toute la place à la jeunesse.
La jeunesse camerounaise redoute l'avenir, il est donc nécessaire de construire la confiance entre les institutions, les entreprises et la jeunesse, ce sont les entreprises qui créent des emplois et les politiques les incitent, voilà pourquoi nous devons créer tous les jours un environnement favorable. Dans cette ligne qui est la nôtre il est nécessaire de comprendre et d'intégrer y compris dans la formation de notre jeunesse qu'il n'y a pas de croissance sans désendettement et en même temps, il n'y a pas désendettement sans croissance. C'est ce que font toutes les économies du monde. Le social-libéralisme c'est la croissance et l'emploi, c'est la protection des plus faibles d'entre nous, c'est muscler le ventre mou de notre pays car si l'on ne donne pas un pouvoir d'achat aux ménages nous ne pouvons pas relancer la consommation.
Que voyons-nous ? Les plus nantis n'ont pas leurs enfants dans nos écoles, eux-mêmes et leurs épouses font leurs courses hors du pays c'est aussi cela la fuite des capitaux parce que cet argent-là ne revient dans le pays. Dans sa livraison du 24 septembre 2014, Aurore Plus met au grand jour le chiffre de 17 000 morts par an de suite d'Accident Vasculaire Cérébral dans un pays où il n'existe pas un embryon de recherche visant à stopper l'expansion d'une telle maladie. Pourquoi ?
L'effondrement du niveau de vie, en particulier des classes les plus nombreuses, les jeunes, les sans-emplois, les ménagères, les paysans agriculteurs paupérisés. Au Cameroun aujourd'hui 67% des levées de corps concernent la tranche d'âge de 0 à 42 ans ! Ce n'est donc plus une supposition mais une affirmation, les jeunes d'aujourd'hui vivront moins bien et moins longtemps que ne vivaient leurs parents et grands-parents. Nous devons donc faire du redressement du pouvoir d'achat des camerounais une priorité essentielle, le Cameroun est un bassin d'emplois qu'il faut activer en adoptant une autre politique économique et c'est une affaire de tous et non de quelques-uns. C'est indispensable pour accroître le niveau de vie de tous.
Correspondance : Dr Vincent-Sosthène FOUDA-ESSOMBA Président Du Mouvement Camerounais Pour La Social-Démocratie [M.C.P.S.D]
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