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Le double défi de M. Talba Malla

Le nouveau patron de l'unique raffinerie du Cameroun doit trouver la recette pour sortir l'entreprise de l'état de tension de trésorerie quasi permanente causé par les retards dans le versement des subventions étatiques.

Les augures de la Banque mondiale pour cette année risquent de doucher l'enthousiasme de M. Ibrahim Talba Malla Oumate au moment où il s'empare des rênes de la Société nationale de raffinage (Sonara). L'institution de Bretton Woods estime la facture de la subvention des produits pétroliers à 400 milliards de FCFA. Or, le gouvernement projette 220 milliards de FCFA pour cette rubrique dans le budget en cours d'exécution. Un écart de 180 milliards à résorber, mais qui prend des proportions gigantesques au fil du temps et impacte lourdement le fonctionnement de l'entreprise.

Depuis quelques années, le raffineur camerounais vit une tension de trésorerie quasi permanente au point d'inquiéter les bailleurs de fonds. L'examen de sa situation est l'objet d'une attention particulière des différentes missions de consultations d'un Fonds monétaire international devenu en quelque sorte son Avocat auprès des autorités. «Les montants cumulés de ses obligations (l'Etat, ndlr) envers la Sonara à fin 2011, y compris l'encours des arriérés à fin 2010, étaient de 445 milliards de francs CFA (3,7% du PIB). L'Etat a réglé ces obligations par les moyens suivants: i) paiement au comptant (97 milliards de francs CFA); ii) annulation des impôts dus par la Sonara (105 milliards de francs CFA) et iii) émission de titres (à échéance de 10 ans) en faveur de la Sonara (80 milliards de francs CFA). Après ces opérations, il reste des obligations dont l'encours se chiffrait à 163 milliards de francs CFA à fin 2011 », note le rapport issu de la mission de mai 2012.


«ETAT MAUVAIS PAYEUR»

Cette dette de l'Etat à l'égard de la Sonara est le fruit d'une politique délibérée du pouvoir dont la finalité consiste à acheter la paix sociale en maintenant artificiellement bas le prix des carburants (super, gasoil, pétrole lampant). Un coût en déphasage avec le prix auquel la Sonara achète du pétrole brut sur le marché mondial, la différence étant supportée par le Trésor public. C'est à ce point que débute les ennuis d'une entreprise confrontée à un «État mauvais payeur».

Depuis son instauration en 2004, la subvention est passée de 16,4 à plus de 309 milliards de FCFA en 2011. Une courbe croissante qui pèse sur les finances publiques et met à mal le compte d'exploitation de l'entreprise. Pour se donner un peu d'oxygène en attendant la manne étatique, la Sonara s'est tournée vers les banques pour survivre, fort de cette garantie qu'est la signature de l'Etat. Ce qui n'a pas manqué d'inquiéter le FMI: «Les longs retards dans les paiements de l'Etat à la Sonara ont pesé sur sa liquidité et amplifié ses besoins d'emprunts bancaires, alertait déjà, en 2010, l'institution de Bretton Woods. Afin 2009, la Sonara était devenue le plus gros emprunteur de neuf des douze banques exerçant leurs activités au Cameroun. Pour plusieurs banques, les créances sur la Sonara représentaient plus de 90% des fonds propres réglementaires.» La conséquence de cette addiction pour les prêts est une «concentration excessive des crédits en faveur de la Sonara» qui fait courir un risque sérieux sur le système bancaire dans son ensemble si l'entreprise se trouve dans l'incapacité d'honorer ses engagements.


Cependant, le raffineur fait aussi courir sur lui des soupçons sur une fixation des prix des carburants peu transparente. Au point où il lui est reproché de se «sucrer» sur le dos de l'Etat. Même le FMI nourrit quelque grief à ce propos. «La formule pourrait être simplifiée et rendue plus transparente. En particulier, on ne sait pas bien pourquoi et comment les droits de douane sur le pétrole brut importé par la Sonara des pays non membres de la Cemac (le Nigeria, ndlr) sont inclus dans le calcul du prix de parité à l'importation des produits raffinés», observe l'institution. Les autorités ne sont pas en reste dans les réserves formulées sur la structure des prix des carburants, notamment pour les aspects concernant la Sonara. En 2009, M. Essimi Menye, ci-devant Ministre des Finances, décide d'y voir clair en commandant une étude à ses services. La mission n'aura jamais accès à la raffinerie pour obtenir les informations nécessaires à la pénurie de la matière première.


CHALLENGE DE LA COMPÉTITIVITÉ

Au fait de la situation en tant qu'administrateur, M. Ibrahim Talba Malla Oumate devra jouer serré pour rétablir la confiance avec la tutelle. L'actuel Directeur Général de Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph) va devoir achever le chantier de l'extension et de la modernisation de la raffinerie entamé en 2010. La première phase, d'un montant de 200 milliards provenant essentiellement des concours bancaires, s'achève à la fin de l'année. L'une des principales réalisations étant la dotation d'une salle de contrôle aux normes et opérationnelle depuis février 2012.

Toutefois, le challenge de la compétitivité passe par l'extension. La capacité de production annuelle, actuellement de 2,1 millions de tonnes, doit passer à 3,5 millions de tonnes au terme de la seconde phase du projet. Est-ce suffisant? L'unique raffinerie de Côte d'Ivoire peut produire 4 millions de tonnes par an. La plus petite en France produit au moins 10 millions de tonnes annuelles. En outre, les experts de la Cemac dressent un tableau des raffineries de la sous-région qui cadre parfaitement avec la situation qui prévaut à Limbé. «L'offre de produits raffinés de la Cemac est caractérisée par plusieurs raffineries de petite taille, de technologies obsolètes, dont aucune n'est rentable, prévient le Programme économique régional élaboré en 2009. Les raffineries nationales n'ont pas la taille critique satisfaisante et sont, un poids pour les Etats (subventions) sans pouvoir assurer l'autosuffisance en produits raffinées de pétrole.» Les auteurs estiment qu'une raffinerie compétitive doit disposer d'une capacité de 7 millions de tonnes annuelles.

La mue passe aussi par l'acquisition et l'installation de l'hydrocraqueur permettant le raffinage du brut camerounais. Lors de sa mise en service, à la fin des années soixante-dix, la raffinerie ne disposait pas de technologie capable de transformer l'or noir issu de nos bas-fonds. L'effet étant que, de nos jours, l'entreprise achète 90% de sa matière première au Nigeria (85%) et en Guinée équatoriale. Une donne que les installations à venir vont devoir changer, sous la houlette du nouvel homme fort de la raffinerie de Limbé.
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