Monsieur Ateba Eyene,
La convocation du collège électoral en vue des élections sénatoriales du 14 avril 2013 a jeté un discredit sur les intentions de candidature aux postes de Sénateurs faites aussi bien antérieurement que postérieurement. Et pour cause, la prorogation, le 30 mai 2012, du mandat des élus municipaux devant élire les Sénateurs ne correspond à aucune disposition constitutionnelle. Constitutionnellement, les maires et les conseillers municipaux tiennent leur mandat du peuple et non d’un décret. Le mandat des conseillers municipaux et des maires étant désormais antérieur à leur fonction actuelle, ceux-ci vivent dans l’illégalité de leur statut et ne peuvent prétendre à celui de grands électeurs dans la perspective des sénatoriales prochaines.
Les partis politiques et les organisations de la société civile se sont indignés et se sont levés comme un seul homme pour dire leur opposition à cette prorogation qui constituait une confiscation de la démocratie, et ont rejeté l’idée de l’organisation des sénatoriales avant les communales, puisque cela ne vise qu’à empêcher aux autres formations politiques une reconquête des communes et, par ricochet, un contrôle du Sénat. Au sein de la population et dans la diaspora, une atmosphère de consternation mêlée au dégout de la politique et à la baisse du sentiment national et patriotique s’est emparée des coeurs et des esprits. Si, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, les Camerounais se sont tant distanciés de la convocation du corps électoral en vue de ces sénatoriales, c’est parce que la question reste pendante de savoir quelle valeur sera accordée à des Sénateurs choisis dans illégalité par des élus municipaux dont la représentativité n’est plus vérifiable sur le terrain.
Cette distanciation est donc fondée, surtout qu’un Sénateur est avant tout l’incarnation d’une certaine honnêteté intellectuelle, l’exemple d’une rectitude morale établie, le garant des valeurs traditionnelles et éthiques intangibles d’un peuple. À ce titre, il ne peut accepter d’être mal élu. Il ne peut accepter d’être choisi ou d’être nommé dans un contexte de faux où ses concurrents ont été arbitrairement éliminés. Son honnêteté intellectuelle et sa rectitude morale lui recommandent d’exiger d’être bien élu par des conseillers municipaux et des maires eux-mêmes bien élus dans un contexte sain, équitable et juste.
Voilà, monsieur Ateba Eyene, la seule condition qui donnera, à votre candidature et à celle de tous les autres jeunes, un sens et une valeur. Ne participez pas aux sénatoriales du 14 avril prochain. Gardons frais à l’esprit que dans notre pays, on peut faire la politique autrement que par les manipulations, non seulement pour l’équilibre des acteurs, mais aussi dans la perspective de la paix véritable tant recherchée. Ne tombons pas dans les pièges de l’opportunisme et de la facilité que nous tendent ces manipulations.Vous aurez votre chance, dans un système plus élégant, plus propre et plus juste, d’être Sénateur. Votre véritable mission aujourd’hui, la nôtre à nous tous, consiste à nous battre pour l’émergence de ce système sain. C’est notre mission de saisir les plus hautes autorités de la république sur l’urgence d’un retour à la logique constitutionnelle afin que soient organisées dans la transparence démocratique les communales et les législatives avant les sénatoriales. Seulement alors, votre candidature prendra tout son sens.
Ne trahissons donc pas les aspirations de notre génération, combattante qu’elle a toujours été, exemplaire qu’elle a toujours voulu être perçue. Même si la tentation persiste à l’idée que l’appartenance à un parti donne droit à la jouissance des opportunités qu’il offre, souvenez-vous que vous avez souvent été critique par rapport au fonctionnement de ce parti, cherchant à le moderniser de l’intérieur. Souvenez-vous aussi que la posture intellectuelle que vous vous êtes bâtie ne vous autorise plus au jour d’aujourd’hui à entrainer la jeunesse camerounaise dans les méandres de l’illégalité.
Participer à ces sénatoriales organisées avant les communales et les législatives reviendrait à cautionner les jongleries institutionnelles interminables qui, en matière de mal gouvernance, ont ramené le Cameroun à plusieurs années en arrière, avec toutes les conséquences économiques, diplomatiques, sociales et culturelles qui sautent chaque jour à nos yeux. Par ces temps durs où la jeunesse camerounaise croit en l’avènement d’une deuxième république plus juste et plus démocratique et recherche les repères qui affermiront son patriotisme perdu, nous devons garder à l’esprit que demain, dans ce Cameroun nouveau, aucun bon joueur ne manquera d’équipe.
Partant de ce fait, la nouvelle posture intellectuelle et morale de la jeunesse camerounaise et africaine ne doit souffrir d’aucune ambiguïté si nous voulons pour le Cameroun et l’Afrique un avenir qui inspire espoir. Et si telle n’est pas notre vision commune, si sous nos tropiques nous ne pouvons plus résister au sacrifice de notre propre foi en nos idéaux, alors il ne nous restera plus qu’à laisser l’histoire dire son jugement, le plus sévère et le dernier.
Maurice NGUEPE
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