Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

Louis-Marie KAKDEU : Comprendre et lutter contre l’homosexualité au Cameroun

Il n’est pas possible de prendre des mesures administratives conservatoires et respectueuses des exigences des droits de l’homme contre l’homosexualité si l’on ne comprend pas tous les contours du phénomène. Il est politiquement incorrect et inefficace de voter pour ou contre un fait de société dont on n’a aucune connaissance. Je veux dire que la loi sur l’homosexualité au Cameroun comme bon nombre d’autres lois ne se repose sur aucune étude connue et dont les recommandations peuvent être discutées. Par conséquent, le débat sur l’homosexualité est religieux ou mieux, le phénomène est assimilé à la sorcellerie.

Pourtant, qu’on partage ou non cette pratique, il est scientifiquement faux d’assimiler l’homosexualité à la sorcellerie. Et le débat continue d’évoluer comme c’est le cas le plus souvent chez nous, en devenant des affaires de personnes, sans que l’on ne songe à créer une commission ou à commander une étude à cet effet. Dans le cadre de ce papier, je voudrais en tant que chercheur et sur la base des témoignages des personnes homosexuelles, relever quelques conditions de vie qui favorisent le développement de l’homosexualité et faire au fur et à mesure des recommandations à caractère pédagogique pour endiguer le phénomène sans violer les droits de l’homme. Je m’intéresserai aussi au phénomène de sorcellerie et j’essayerai de montrer qu’il n’y a pas d’amalgame possible à faire.

La cause de l’homosexualité aujourd’hui n’est pas seulement de nature exogène. Mon intérêt scientifique pour l’homosexualité naît de l’époque où je vivais dans le quartier populaire et estudiantin de Bonass à Yaoundé 1 pendant la première partie de mes études. Dans ma cité, une voisine qu’on admirait bien est devenue lesbienne et on a vu venir le phénomène. Comme activité parascolaire, elle était handballeuse au sein de l’équipe de Tonnerre dirigée par Roger Milla et elle avait l’habitude d’aller s’entraîner au stade Matéco (de l’université). Puisque Bonass était situé juste en contrebas du stade, elle avait l’habitude de revenir à la cité avec une coéquipière qui voulait se nettoyer avant de rentrer chez elle question de faire propre.

Au fil du temps, dans l’ambiance des vestiaires, elles allaient prendre la douche ensemble et l’appétit est venu en mangeant ! Les garçons de ma cité étaient très choqués. Nous nous demandions pourquoi cela était arrivé entre filles alors que nous, garçons, chômions juste à côté. Et c’était de belles filles en plus, du moins à nos yeux ! Personnellement, je me suis intéressé au phénomène et au cours de mes études doctorales, alors que je travaillais sur la communication autour du VIH/SIDA, j’ai pu interroger les homosexuels. En Europe, j’ai trouvé un terrain très fertile à cette recherche. On retient que socialement, on ne devient pas volontairement homosexuel tout seul ; c’est toujours en compagnie d’une personne devenue très proche. Je peux citer quatre témoignages en guise d’illustration :

1. Les filles qui sont devenues volontairement homosexuelles au Cameroun l’ont été à cause d’une relation très poussée avec une copine. Ce sont de « vraies » copines qui risquent de devenir lesbiennes parce qu’elles ne se cachent rien ; elles se disent tout : « je connaissais tout sur le corps de ma copine ; je pouvais palper son corps par curiosité ; au départ, c’était juste pour voir et finalement, c’est arrivé. » Une autre dit que c’est arrivé sous la douche à force de « savonner » sa copine. On observe que les lesbiennes pour la plupart ont déjà été hétérosexuelles un jour dans leur vie. Les lesbiennes Camerounaises appartiennent mieux à la catégorie des bisexuelles. En Europe, l’essentiel des informatrices avouent avoir déjà embrassé une autre fille au moins une fois. De plus en plus, cela devient une réalité chez nous.
Cela veut dire que si une fille hétérosexuelle ne veut pas prendre le risque de devenir homosexuelle, alors elle limite la nature de sa relation avec ses copines les plus proches. Les filles doivent éviter ce genre de relations où « on ne se cache rien ».

2. Certains garçons sont devenus homosexuels dans leurs adolescences à cause de leur curiosité avec leurs plus grands potes respectifs. Nous avons reçu un témoignage selon lequel, à l’âge de la puberté, deux potes volaient les préservatifs de leurs parents pour aller essayer. Le problème est que, plus il était exciter à essayer, plus ils avaient envie d’aller plus loin et d’utiliser. A force de vouloir jouir, ils ont fini par prendre la résolution qu’il fallait caresser le porteur du préservatif. Et c’est comme cela que c’est arrivé. Cela veut dire que les parents doivent être très attentifs et vigilants pendant la phase de puberté des enfants et cesser de penser que c’est une malédiction.


3. Il s’avère aussi que beaucoup de sportifs deviennent homosexuels à cause de l’ambiance obscène des vestiaires.  Tout d’abord, il faut noter que les sportifs aiment bien se taper sur les fesses. Et lorsque dans les vestiaires, les gens se tapent sur les fesses nues, alors cela est de nature à changer des idées dans le sens propre. Cela signifie que si un sportif veut limiter les risques d’homosexualité dans son milieu d’activité, alors il évite de prendre l’habitude de se mettre nu dans les vestiaires et surtout de festoyer dans ces conditions.

4. Enfin, le dernier témoignage est celui de la prison. Au Cameroun, il y a le quartier des hommes et le
quartier des femmes. Notre informant dit qu’on n’a que trois choix lorsqu’on est prisonnier pour une longue durée. Soit l’on s’abstient, ce à quoi il ne croit pas puisque les prisonniers pour la plupart du temps n’ont pas fait le vœu de chasteté, soit l’on se masturbe ou soit l’on se laisse aller avec son/sa codétenu(e). Cela  veut dire que si les autorités camerounaises veulent lutter contre l’homosexualité dans le milieu carcéral, alors soit elles encouragent les mariages en prison comme ce fût le cas avec Yves Michel Fotso et elles créent des conditions favorables à l’accouplement des mariés, soit elles libèrent la cour pour permettre aux hommes de draguer les femmes. Sinon, comment voulez-vous enfermer dans un cachot les gens de même sexe pendant 20 ans et condamner l’homosexualité ?

On peut dire au passage à nos familles qui célèbrent comme signe de réussite social le voyage de leurs enfants en Occident qu’elles ne peuvent pas vouloir le beurre et l’argent du beurre car, ces enfants vont en Occident adopter la sexualité des occidentaux sinon, ils/elles n’auront pas de femmes/maris ou de papiers ! Même les positions que les hétérosexuels prennent aujourd’hui lors des rapports ne sont pas catholiques !Il en ressort donc que l’homosexualité n’a rien de sorcier et on peut être déçu que des universitaires comme Charles Etéba Eyéné en fasse leur crédo. Des sociologues camerounais comme Séverin Cécile Abéga, pour ne parler que de lui, définissent la sorcellerie comme étant des phénomènes qui dépassent l’entendement collectif. On peut être déçu donc qu’un chercheur comme Atéba Eyéné affirme de façon péremptoire que l’homosexualité est la sorcellerie ou qu’il s’agit des pratiques des « loges » (franc-maçonnerie en l’occurrence). Il ne faut pas faire d’amalgame. Pendant mes études à Lausanne en Suisse, j’ai eu la chance de voir le siège de la Franc-maçonnerie (c’est public) et de rencontrer des franc-maçons qui s’assument ; ils ne sont pas homosexuels. Ce débat biaisé éloigne les Camerounais de la réflexion sur les vraies dispositions règlementaires qui devraient permettre de faire face aux exigences du monde égalitaire auquel nous aspirons tous. S’il y a lieu d’ajuster la loi au Cameroun aujourd’hui, ce serait beaucoup plus pour garantir un milieu du travail libre et égalitaire. L’Etat ne pourra pas encadrer l’orientation sexuelle des citoyens. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi les mêmes personnes qui s’opposent à l’homosexualité ne militent pas pour interdire le sexe oral par exemple : Est-ce catholique Monseigneur Tonyé Bakot ?

Sociologiquement, la pensée scientifique et religieuse est influencée par l’imaginaire populaire. Le drame au Cameroun est que cet imaginaire est machiste. J’entends par machisme la tendance de certains hommes ou femmes à mettre en avant de manière exacerbée et exclusive la virilité des hommes et de croire que les femmes leur seraient inférieures dans tous les domaines et qu’elles pourraient même être des esclaves sexuelles sans émouvoir l’opinion. La société machiste camerounaise invalide l’homosexualité dans le milieu professionnel mais, valide l’hétérosexualité des patrons qui abusent de leurs collaboratrices. Au Cameroun, le problème est moins celui de l’orientation sexuelle que celui du harcèlement sexuel. En gros, la société pense qu’un patron homosexuel qui harcèle un homme est sorcier tandis qu’un patron hétérosexuel qui harcèle une femme est normal. Par exemple, suite à la suspension du  Pr Pierre Marie Njialé qui a brillé par le harcèlement sexuel de son étudiante, ses collègues ont trouvé qu’il n’avait rien fait d’extraordinaire et qu’il n’était qu’un « malchanceux ». Dans notre société où la libido de nos dirigeants est comparable à celle de DSK, les gens valident la promotion par le sexe à condition que ce soit les femmes qui subissent. Voilà le réel problème de notre société et c’est pour créer un milieu professionnel plus juste et égalitaire que la loi camerounaise devrait être ajustée. Pour le reste, l’Etat n’a rien à faire dans la sexualité des gens si ces derniers remplissent les responsabilités qui leur sont confiées selon les règles de l’art.
Dr Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA
Auteur du livre « Pragmatique, société et changement : les effets cognitifs des conflits discursifs au Cameroun » disponible sur amazon et sur les autres boutiques électroniques.
Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.