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Dr Vincent-Sosthène FOUDA-ESSOMBA : Jacques Fame Ndongo et Grégoire Owona des exégètes de la dernière heure

Monsieur les directeurs de publication, c’est avec beaucoup d’attention que nous avons pris connaissance des lettres respectives du Professeur Jacques FAME NDONGO Secrétaire à la Communication du RDPC et celle de Monsieur Grégoire OWONA Secrétaire Général Adjoint du Comité Central du RDPC – les deux correspondance vise pour la première à expliquer dans les colonnes de Cameroon Tribune la Lettre Pastorale de la Conférence des Evêques du Cameroun relative au prochain scrutin du 30 septembre prochain. La seconde vise à rectifier la Une du journal Mutation du 19 septembre dernier et qui titrait : « Législatives et Municipales, les évêques appellent à sanctionner le Rdpc ». Comme acteur politique, m’appuyant sur les textes en vigueur relatifs à l’expression des leaders politiques dans nos médias vous transmettre la réaction suivante.
La convocation du corps électoral par le Chef de l’Etat n’a pas laissée insensible les Archevêques, Evêques et Administrateur Apostolique de notre pays. La situation politico-sociale qui prévaut ces temps-ci dans notre pays, situation faites de tensions sociales, de grande misère a retenu l’attention de la Conférence des Evêques du Cameroun. Le dépôt des candidatures, le contentieux pré-électoral, le déroulement de la campagne laissent transparaître un malaise social, un mal être de la société camerounaise en quête de repères. Voilà pourquoi la Conférence des Evêques a tenu à s’adresser au peuple de Dieu qui est au Cameroun tout en respectant le champ politique qui n’est pas le leur.
La société camerounaise a profondément changé et ce changement est perceptible au triple plan de la démographie, de la structuration sociale et des valeurs de référence. Au plan démographique, ce changement s’affiche à travers une population de plus en plus jeune qui n’a pas malheureusement retenu de nos gouvernants notamment lors de la convocation du corps électoral.
En effet, notre pays traverse depuis déjà quelques années une crise de société et connait des changements sociaux importants. Nous en avions déjà parlé dans le message que nous vous avions adressé lors de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de notre pays.
En effet, 49,4% de la population camerounaise a moins de 15 ans, et 59,1% a moins de 20 ans. Cette jeunesse, non seulement se sent de moins en moins dépendante des anciens, mais est surtout insatisfaite et perdue à cause de l’absence de modèle social. L’image que leur renvoient tous ceux et toutes celles qui exercent quelque pouvoir est plutôt négative car elle est brouillée par la corruption et le clientélisme ; d’où la tentation pour une partie de cette jeunesse de couver la violence fondée sur des ressentiments, ou de s’engager dans des deals voire des relations maffieuses pourvu que ça rapporte de l’argent rapidement. Nous l’avons constaté notamment dans les crimes ayant pour finalité le trafic des organes, le trafic des nourrissons. Je me suis personnellement engagé dans la lutte contre ces pratiques avec le résultat que vous connaissez tous : 4 mois de prison confirmant que dans notre pays, il est inhumain d’être humain.
Au niveau de la structuration sociale, force est de relever une élévation du niveau de connaissance moyenne due à l’alphabétisation ; celle-ci, qui était de 16,17% en 1985, a doublé et se situe à 32% en 2012. On note, par ailleurs, un meilleur accès, sur une base sociale de plus en plus large, à l’information du fait des technologies de l’information et de la communication (téléphones portables, radios communautaires, radios et télévisions privées, Internet). En outre l’on constate un éveil de conscience des femmes de plus en plus alphabétisées.
En 2012, 33% des femmes de 15 à 24 ans étaient scolarisées contre 47% d’hommes ; celles-ci sont en outre impliquées dans les activités rémunératrices de revenus, notamment en milieu rural, qui leur permettent de prendre, très souvent, en charge les ménages (éducation, santé, habillement et nourriture) et d’entretenir les familles. Quant à la jeunesse, absente de la gouvernance, elle se sent peu concernée et peu impliquée dans la gouvernance du pays.
En ce qui concerne les valeurs, l’analyse est celle d’une société dans laquelle l’appétit est orienté moins vers le savoir, que vers l’argent, devenu une valeur de référence au-dessus de la famille, de la nation, de la république et de Dieu. L’argent est aujourd’hui un véritable maître, une divinité idolâtrée par une jeunesse largement assoiffée de biens matériels et prête à tout pour s’en procurer ; cette divinité inocule le poison de la corruption dans le corps social à telle enseigne que la corruption est devenue aujourd’hui une culture administrative aux pratiques banalisées.
A côté de cette déliquescence des valeurs morales et éthiques qui touche toutes les couches de la société, il y a lieu de souligner le paradoxe de la religiosité dont est saisie la société camerounaise. Un paradoxe dans la mesure où la montée en puissance de la pratique religieuse ne s’accompagne pas d’une exigence à conformer les comportements sociaux aux préceptes et commandements religieux. Ne risque-t-on pas là de verser dans une pratique quantitative et formaliste de la religion qui se satisfait du paraître et qui se contente des apparences sans lien avec les exigences éthiques des vécus sociaux ?
Dans quelle mesure ces importants changements sociaux sont-ils pris en compte ?
C’est au bout de cette analyse que les Evêques ont jugé utile d’attirer l’attention du peuple de Dieu qui est au Cameroun. Oui la gouvernance au Cameroun est de plus en plus déconnectée de la réalité et de l’éthique sociale. Dans une correspondance que nous avons adressée au Chef de l’Etat il y a exactement un an, nous attirions déjà Son attention sur « l’impunité, la politisation, la corruption engendrent des frustrations et aboutissent à des révoltes, c’est-à-dire, au non-respect des règles, au rejet de l’autorité et de ce qu’elle représente. C’est le terreau de l’indiscipline, et de l’incivisme. Elles substituent aux valeurs positives, d’autres valeurs qui sont à l’opposé de la morale comme l’argent et la position sociale. C’est par elles que surviennent les dysfonctionnements et les fractures sociales les plus graves ».
La fracture sociale est de plus en plus profonde et béante du fait notamment de la pauvreté de masse lancinante ; celle-ci atteint en effet déjà 46,9% de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté en 2011 contre 46,4% en 2003 ; cependant la croissance de la population de 4,5% par an tend à maintenir au même niveau, voir à faire croître, le taux de la pauvreté. La polarisation de la richesse au niveau d’un groupe qui se partage les pouvoirs politique et financiers ; la corruption et la patrimonialisation de l’Etat.
C’est donc l’occasion de nous poser la question de savoir à qui il faut attribuer ces échecs ? Nous découvrons là que le Ministre Jacques FAME NDONGO refuse de lire le pays qu’il gouverne et édulcore la Lettre Pastorale de nos Evêques. A qui faut-il demander des comptes si les gestionnaires de notre pays depuis 32 ans ne sont pas capables d’être comptables du passé et d’assumer le passif ?
Qui dans la société camerounaise n’a pas fait le constat que l’espace socio-économique de notre pays, qui, normalement, doit être le plus large possible pour éviter l’exclusion et la marginalisation d’un grand nombre de personnes, est au contraire dangereusement réduit avec, en sus, le développement de la ploutocratie (le gouvernement par les riches). De nos jours, ressorts de la démocratie sociale sont fragilisés, désamorcé voire inexistants. C’est là que les Evêques mettent le doigt, appelle à sortir du flou car quand il y a du flou il y a un loup. A qui faut-il donc demander des comptes ?
Nos populations sont passées de la pauvreté à la misère car personnellement l’année dernière je m’occupais de 5 familles pour payer leur scolarité cette année c’est 10 familles qui frappent à ma porte. Santé, éducation, emploi, logement, nourriture, eau électricité, inondation et j’en passe. Oui nous sommes face à une jeunesse à l’avenir incertain et les énumérations du Professeur Jacques FAME NDONGO apparaissent comme du vodou dans cet océan de misère. Voilà qui justifie encore la Lettre Pastorale des Evêques du Cameroun
Les institutions ne sont légitimes que si elles sont socialement utiles, voilà pourquoi les Evêques appellent à voter. Notre pays est-il une démocratie ? Si oui alors sur celle-ci pèse plusieurs risques susceptibles de dénaturer ses idéaux ainsi que son fonctionnement ; il en est ainsi notamment des mimétismes démocratiques ou des despotismes juridiques, des majorités fictives, des clanismes et des clientélismes et les corruptions financières qui leur sont attachées. Voilà autant de maladies qui minent la« démocratie camerounaise », sa survie et ses performances. Les Evêques appellent à une vigilance collective afin que nous puissions tous découvrir à temps les dangers invisibles et combattre les périls évidents.
Les évêques disent bien que « beaucoup de nos frères et soeurs sont privés d’eau potable. Si on pouvait garantir à chaque Camerounais l’accès facile à cette denrée vitale, notre pays ferait un pas déterminant vers la vraie émergence. N’oublions pas que grâce à l’eau potable, on évite plusieurs maladies, le risque de mortalité diminue aussi, les finances familiales respirent mieux. L’adage selon lequel «l’eau, c’est la vie» n’est pas faux. Les élus aux municipalités et aux législatives auront  à se pencher sérieusement sur ce grand dossier social».
A qui faut-il attribuer cette gestion ?
Les Evêques parlent aussi de l’école qui est « … de moins en moins le lieu privilégié du questionnement essentiel, de la recherche et de la culture des valeurs humaines. Plusieurs localités manquent d’infrastructures viables. Le nombre croissant des enfants de la rue traduit la réalité de la déperdition scolaire et de l’encadrement social de notre jeunesse. Souvenons-nous en que, lorsque l’éducation est bien  soignée, le développement intégral de l’homme suit».
Les Evêques appellent à la vérité de la démocratie qui doit rendre possible, en facilitant l’émergence de pouvoirs compensateurs et correcteurs, dans la société civile (organisation non gouvernementales). La société civile elle-même renforcera ainsi ses propres capacités de vigilance pour combattre et limiter l’avènement de l’antidémocratisme dû aux ambitions égoïstes.
 Je crois avoir compris non pas comme exégètes mais comme simple croyant qui se tient au fond de l’Eglise avec le peuple de Dieu ce à quoi nous appellent les Evêques. Oui parce que « l’Église respecte l’autonomie légitime de l’ordre démocratique et elle n’a pas qualité pour exprimer une préférence de l’une ou l’autre solution institutionnelle ou constitutionnelle. La contribution qu’elle offre à ce titre est justement celle de sa conception de la dignité de la personne qui apparaît en toute plénitude dans le mystère du Verbe incarné  » (Jean-Paul II, Centesimus Annus, 47). Elle considère que la politique est l’utilisation du pouvoir légitime pour atteindre le bien commun de la société, bien commun qui, comme l’affirme le Concile Vatican II, se concrétise dans "l’ensemble des conditions de vie sociale qui rendent possible pour les hommes, les familles et les groupes un accomplissement d’eux-mêmes plus plénier et plus aisé". L’Eglise et les chrétiens doivent mettre la priorité sur cette recherche éthique, à la lumière de l’Évangile. Par des prises de position courageuses, ils doivent constamment contribuer à mettre l’humain au centre de toute évolution sociale.
Ainsi, devant des propositions économiques ou politique jugées bonnes par les gouvernants et par une partie de l’opinion, il y a parfois lieu de s’interroger pour savoir : « C’est pour le bien de qui ? Quelles sont les conséquences de telle ou telle décision ? ». Ce faisant, si les institutions démocratiques ont pour rôle d’arbitrer les tensions et de maintenir l’équilibre entre ces aspirations concurrentes que sont la diversité et l’uniformité, l’individuel et le collectif, elles doivent le faire dans le but de renforcer la cohésion et la solidarité sociales. En effet, une démocratie sans valeurs éthiques se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, en des despotismes légaux, comme le montre l’histoire. L’utilité sociale des institutions doit constamment nous interpeler pour ne pas tomber dans les dérives du légalisme moralisateur car, ainsi que l’écrit André Louf, « Se contenter ainsi systématiquement et exclusivement de l’application des normes, même justifiées en soi, nous conduirait facilement à ce légalisme moralisateur, qui suffit sans doute pour asseoir une vie extérieurement honnête, mais dont les conséquences seront funestes à l’expérience intérieure ».
A qui faut-il donc demander des comptes à l’heure des bilans ? Si ce n’est à ceux et celles qui sont comptables de tout ? La politique n’est pas une épreuve de prestigitation et encore moins une simple vue de l’esprit comme semble le faire Jacques FAME NDONGO. La gestion d’un pays n’est pas une opération de charme comme semble le croire Grégoire OWONA. Pour l’Eglise il n’est plus question de se taire car se serait être infidèle au message du Christ que l’Eglise se doit de « répéter à temps et à contre temps »(Saint Paul). En effet, il est toujours du devoir de l’Eglise de rappeler les lignes directrices d’un engagement politique qui se veuille en accord avec les valeurs évangéliques que sont :
-  La valeur absolue de la personne humaine parce que c’est elle qui est la fin véritable de toute politique et non les lois de l’histoire ou de l’économie ;
-  L’attention particulière aux petits et aux pauvres parce qu’ils ont le plus besoin d’attention vu qu’il est tentant et facile de les laisser de côté ;
-  La recherche de la justice, parce qu’elle est le minimum de l’amour et le fondement de la paix de la paix sociale ;
-  La solidarité humaine parce que tous les êtres humains sont créés à l’image de Dieu, d’où leur égale dignité ;
-  L’unité nationale qui exclut toute tendance xénophobe, régionaliste, et ethniciste dans la gestion de la chose publique.
-  Le dialogue inter-religieux et culturel qui exclut tout fondamentalisme et tout fanatisme de quelque bord qu’il vienne.le souci du bien commun
Parce que ce que le chrétien est appelé à rechercher dans le domaine politique, c’est le bien d’une communauté humaine concrète. Il s’agit d’une communauté d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, aimés de Dieu et pécheurs, imparfaits et infiniment respectables.

Les Evêques concluent leur Lettre en invitant chacun de nous « … à examiner les propos et les promesses que les différents candidats formulent et de choisir, en âme et conscience, ceux qui répondent le mieux aux préoccupations de l’heure. Notre choix détermine le type de société que nous voulons construire et celle que nous voulons laisser à la postérité. »
Quand nous l’avons compris nous comprenons aisément que le Professeur Jacques FAME NDONGO et son compère et non moins Ministre Grégoire OWONA veulent réécrire la Lettre Pastorale des Evêques pour mieux duper le peuple.

Dr Vincent-Sosthène FOUDA-ESSOMBA
Licencié en Théologie
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