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LES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUES( APE) : UN RISQUE POUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE par Ernest PEKEUHO

L'Union Européenne (UE) est actuellement entrain de négocier les Accords de Partenariat Economiques (APE) avec 77 Etats en Afrique, les Caraïbes et le Pacifique (ACP). Pour les 3 dernières décennies, les pays ACP ont bénéficié d'un accès préférentiel au marché Européen dans le cadre des accords de Lomé et de Cotonou. Les APE vont dramatiquement modifier cette relation. Ils vont être essentiellement des accords de libre échange, créant une zone libre d'échange entre l'EU et les Pays ACPs, sans droits ou quotas de douanes sur tout commerce entre ces régions.
 
Ainsi, afin de continuer à bénéficier de l'accès libre au marché européen, l'Afrique est appelée à ouvrir son propre marché en retour. Selon l'agenda de négociation, les APE devraient  entrer en vigueur depuis le 1er Janvier 2008. Les APE sont donc basés sur le principe de la réciprocité ; ils sont légalement contraignants, sans date de clôture. Ils représentent ainsi un point de non retour.
 

Souveraineté alimentaire : l'espoir de l'agriculture africaine
 
L'agriculture constitue le pilier de l'économie africaine et le moyen de subsistance de la majorité de sa population. Elle est l'activité principale de plus de 60% de la population de l'Afrique subsaharienne et représente plus de la moitié du PIB de certains pays. Les petits exploitants agricoles fournissent la plus grande partie de la production agricole du continent, en particulier les produits vivriers qui sont la base de la sécurité alimentaire.
 
Depuis la Déclaration universelle des droits de l'Homme en 1948, le droit humain à l'alimentation est une obligation contraignante pour les Etats. Depuis, la nécessité d'une sécurité alimentaire en Afrique a été intégrée dans le discours du développement. Ce n'est qu'au cours de la dernière décennie que les mouvements paysans et la société civile ont commencé à lancer un appel à la souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire propose un ensemble de mesures politiques spécifiques, centrées sur l'alimentation pour les communautés, valorisant les producteurs, ramenant les systèmes alimentaires à leur dimension locale et le contrôle de ressources, renforçant les connaissances et compétences en harmonie avec la nature. La souveraineté alimentaire offre un cadre de réalisation du droit à l'alimentation et à la sécurité alimentaire
L'impact des APE sur la souveraineté alimentaire
 
Les gouvernements africains ne disposent que de peu d'outils politiques pour appuyer leur agriculture et générer des revenus pour les dépenses publiques: les tarifs sur les importations sont le principal outil. Les APE vont obliger les Etats africains à éliminer substantiellement les tarifs sur toutes les importations venant de l'UE vers l'Afrique, les privant ainsi d'un outil de base pour protéger leurs agriculteurs et leurs économies ainsi que le financement des politiques publiques.
 
La Commission Economique pour l'Afrique des Nations Unies (CEA) estime que les gouvernements de l'Afrique subsaharienne auront un manque à gagner de 1.516 milliards d'Euros par an de revenus tarifaires avec l'application totale du genre d'APE envisagés par l'UE. Le coup porté par les APE sur l'agriculture africaine sera ressenti par toutes les communautés.
 
Une  compétition  injuste  pour  les  Producteurs Africains
 
Beaucoup d'agriculteurs africains ont déjà souffert du phénomène de ''dumping' - l'inondation des marchés par des produits agricoles européens subventionnés et à bas prix. Au Cameroun, les aviculteurs ne pouvaient pas concurrencer les poulets morcelés importés et vendus à un prix dérisoire sur le marché local. Les usines Ghanéennes de mise en conserve des tomates ont dû fermer à cause d'une concurrence déloyale de l'Europe. Au Kenya les exploitants des fermes laitières ont déversé leur lait dans des fosses lorsque leur marché local à été inondé par le lait en poudre provenant de l'Europe. Ils n'ont pu récupérer leur marché que lorsque leur gouvernement a augmenté les tarifs d'importation de lait: une protection qu'ils n'auront plus avec les APE.
En introduisant une libéralisation commerciale plus contraignante, les APE ne font entrevoir que davantage de dumping l'UE n'a pris aucun engagement pour réduire ses subventions domestiques mais par contre aura un accès accru aux marchés africains. Les agriculteurs africains risquent aussi de perdre les marchés locaux et régionaux en faveur d'un afflux d'importations en provenance de l'Europe. Beaucoup de petits exploitants agricoles d'Afrique perdront leur moyens de subsistance, et très peu de pays africains ont une économie assez structurée pour leur permettre d'absorber la masse de main d'œuvre qui quittera l'activité agricole et passera dans d'autres secteurs ( de production manufacturière ou de services)
 
Des risques pour les consommateurs
 
L'UE affirme que les consommateurs africains tireront profit des APE grâce aux produits alimentaires à bas prix importés de l'Europe. Mais, en réalité, qui en profitera?
 
*Une réduction des tarifs à l'importation sur les produits européens signifie une perte considérable de recettes de la part des Etats africains. Ceux-ci auront besoin d'alternatives pour récupérer les revenus, et ceci se réalise souvent par une augmentation des taxes à la consommation - y compris sur les produits alimentaires locaux. Au bout du compte, les produits alimentaires “à bas prix” ne resteront point comme tels.
 
*La majorité des consommateurs africains sont eux-mêmes des agriculteurs. Peu importe le bas prix, ils ne seront point en mesure d'acheter les produits, une fois que leurs sources de revenus ne le sont plus.
 
*Très peu de pays africains sont aujourd'hui en mesure d'assurer adéquatement le contrôle de qualité des importations, laissant les consommateurs exposés à des produits inappropriés.
Par ailleurs, bien qu'il y ait une possibilité de protéger quelques produits “sensibles” au sein d'un APE, il n'existe aucune garantie que les principales cultures de sécurité alimentaire seront protégées.
 
Les négociateurs devront choisir entre les intérêts concurrentiels de la manufacture, des revenus des États, l'emploi et l'agriculture. La sécurité alimentaire ne semble pas actuellement être un critère principal de choix des produits sensibles stratégiques. Les principaux produits de sécurité alimentaire pourraient être substitués au départ par des produits à bas prix importés de l'Europe;  lorsque les prix finissent par flamber en raison des taxes, que la politique  européenne  change  ou  un  contrôle des entreprises d'importateurs, l'Afrique fera face à un plus grand défi relatif à la sécurité alimentaire.
 
L'alimentation et l'agriculture sont des intérêts nationaux stratégiques dont la charge ne peut être confiée aux entreprises et gouvernements étrangers.

Une économie affaiblie
 
Les APE vont surtout maintenir tout simplement l'accès au marché européen dont jouissent déjà les exportateurs africains ; presque tous les produits agricoles africains jouissent déjà d'un accès sans tarif en Europe.
Les APE ne mèneront  pas à une augmentation des exportations étant donné qu’ils n’incluent pas des engagements contraignants pour évacuer les contraintes sur le plan de l’offre telles que les infrastructures, les capacités productives et la compétitivité commerciale
Dans les pays où les revenus tarifaires sur les importations en provenance de l'Union Européenne représentent la principale source du revenu gouvernemental, les APE signifieront une immense perte de revenu, à moins que des formes alternatives, non commerciales, de collecte de revenu soient établies et effectivement mises en œuvre.
Une pression sur l'environnement
 
Au lieu de gérer de manière efficace ses ressources naturelles et de générer une valeur ajoutée, l'Afrique risque de se voir confiner dans sa tendance actuelle, et simplement considérer comme une source de matière première. A travers les politiques commerciales, l'UE a effectivement bloqué les produits avec une valeur ajoutée.
 
Au Kenya, par exemple, la quête de revenus a amené les petits exploitants agricoles à abandonner les cultures vivrières au profit des produits d'horticulture pour exportation à travers des programmes d'aide aux petits cultivateurs.
 
Ce changement dans la production a eu des effets négatifs causés par l'utilisation de fertilisants et pesticides qui se répercutent sur le lac Naivasha actuellement menacé, ainsi que sur une forte demande exercée sur la nappe phréatique
 
Perte du droit de décision

 
L'élément majeur de la souveraineté alimentaire consiste à mettre les producteurs et les consommateurs au centre des processus de prise de décisions sur les questions alimentaires.
 
Pourtant, avec un accord de libre-échange avec l'UE, les pays africains vont signer l'abandon de leurs outils les plus efficaces pour réglementer le marché agricole et réaliser la souveraineté alimentaire.
 
Comme les APE sont légalement contraignants, les gouvernements africains n'auront plus la capacité de réagir sur les importations déferlantes par l'établissement des quotas ou l'augmentation des tarifs si et quand c'est nécessaire.
 
Recommandations
 
Un accord de libre-échange avec l'UE aura un impact non seulement sur les relations commerciales sur le plan régional, mais va également limiter l'espace national en matière de politiques de soutien à l'agriculture et la souveraineté alimentaire.
 
Les bienfaits d'un APE iront aux grands exploitants et industries multinationales de l'Europe, tandis que les coûts vont être supportés par les petits exploitants et industries naissantes de l'Afrique. En ma  qualité d’hommes politique, je souhaite: Demander au Ministère du Commerce a propos des mesures planifiées en vue d'assurer qu'il n'y ait pas de manque à gagner sur les recettes de l'État.
Exiger que le gouvernement tienne compte du droit à l'alimentation et à la sécurité alimentaire dans les négociations sur tout accord commercial.
èAssurer que le processus de ratification par le parlement national soit fait après une année de débat et même plus.
         
Appuyer les politiques locales qui permettent aux petits exploitants agricoles d'avoir accès aux marchés locaux et régionaux.

Vérifier que les études d'évaluation d'impacts ont été effectuées, et si tel est le cas, si elles tiennent comptent de l'impact sur les petits exploitants agricoles ainsi que la capacité de notre pays à réaliser la sécurité alimentaire.

Demander que l'UE propose des alternatives viables aux APE qui soient pro-développement.
Pourquoi l’UE refuse de ratifier avec les USA le même pacte qu’il nous propose ???
L’Histoire nous jugera
Ernest PEKEUHO
Président national du BRIC (Bloc pour la Reconstruction et L’Indépendance économique du Cameroun)
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