27 ans. On n’en croirait presque pas tant sa légende, depuis quelques jours, en fait presqu’une grande voilure qui, de l’étoffe de ses amarres surfaites, donne l’impression de la Madelon à notre époque ressurgie. Ressuscitée. Dans tout le pays, traversé par moult révoltes tues, par tant d’impasses qui cherchent le bout de leur tunnel et autant de misères nées sur les rails perpendiculaires d’horizons qui ne se dessinent point, elle est sur la scène. Projetée par la haine et l’ardeur d’un spot évanescent. Au dépend de bien de sujets d’intérêt. Et bien malgré elle.
Avant fin mai, on ne l’aurait jamais imaginée dans le rôle qu’elle tient dans ce psychodrame qui se joue en mondovision. Sa candeur dénudée, sa chair ferme, ses seins nus, son pubis offert, sa pulpe dévoilée ou la pomme charnue de son intimité volée, la découvrent à la face du monde. Sans scrupule. En tenue d’Eve. Les images circulent sur la toile. Curieux et libidineux la reçoivent et la renvoient. Avec une frénésie comme qui dirait obligée.
Elle était, avant fin mai donc, une camerounaise anonyme. De ces jeunes demoiselles qu’Alphonse Benny n’imaginerait certainement pas pour ses castings aux chairs voluptueuses. Simple agent en Front Office à la compagnie nationale aérienne, elle allait et venait, presque ordinaire, tantôt un rien pour tant de regards communs, tantôt objet de curiosité à ces « initiés » qui, en ville et à l’aéroport, se demandaient sournoisement ce qu’elle avait de si particulier pour tenir le cœur de l’un des footballeurs les plus médiatisés de notre époque. Elle serait quidam si un esprit mentalement instable ne l’avait sortie de son anonymat, pour la jeter en pâture aux ogres et à nos curiosités vagabondes. Le tout dans une démarche au moins psychédélique.
Hélène Nathalie Koah, elle s’appelle. Jeune fille venue de ces secteurs difficiles qui font corps avec ces quartiers dont les alcôves éclairées découvriraient, à la ville, des histoires bien de fois plus scabreuses que celle qui capte actuellement nos intérêts ambulants. Elle ne vient pas d’une famille aisée. Elle rappelle, en l’assumant, qu’elle vient de ces quartiers où le ruissellement des eaux de pluies transforme souvent les lits en objets flottants. Où le beignet haricot est parfois un luxe. Et où bien des fois la survie oblige jusqu’à d’indicibles sacrifices. De Mvog Ada à l’Omnisports en passant par Nkolndongo, elle a, avec les siens, éprouvé les difficultés que connaissent tant de familles camerounaises que la nature n’a pas gâté. Elle a trimé. Elle a été en butte aux difficultés de la ville. Et rêvé malgré tout, à l’époque où commence sa liaison avec son bourreau, comme n’importe qu’elle môme de 20 ans, de jours meilleurs. Elle a rêvé de gagner sa vie en travaillant ou plutôt, autrement que par la prostitution ou par la facilité. Et, sans doute aussi, de tomber sur un homme qui lui découvre l’amour et la rende heureuse. Elle a eu son adolescence. Avec certainement des péchés qui sembleraient des babioles à côté de ceux que commettent au quotidien certains esprits bien pensant qui la vouent aujourd’hui aux gémonies. Et la condamnent aux enfers.
Inconditionnelle de Samuel Eto’o, Esthy la traite de petite débauchée sans même la connaitre. Willy veut la livrer au mépris du public. Andy se rappelle d’un air ambigu de Fally Ipoupa qui la cite. Abdelaziz s’offusque de ce qu’un quotidien lui ait donné la parole pour faire entendre sinon sa version des faits, du moins livrer son âme meurtrie, son désarroi compréhensible et son incompréhension face à ce tourment dont on se demande comment la furie des vagues n’a pas encore eu raison de sa vie. André qui est tout sauf parfait, pense servir son maître en se livrant à un exercice de masturbation intellectuelle où facilité et dénigrement cohabitent allègrement. Hélène Nathalie Koah est partout. On crée des pages en se faisant passer pour elle. On organise des interviewes qu’on lui attribue. On lui attribut des aveux.
Elle pèse plus que le prix du carburant en hausse. Plus que l’eau qui manque dans de nombreux quartiers. Plus que la vie de plus en plus chère. Plus que le chômage exponentiel. Etc. Elle porterait même, aux yeux de certains zélateurs, le poids de la débâcle des Lions au Brésil. C’est de peu qu’on ne lui attribue pas la forfaiture ostentatoire en Coupe du monde de certain footballeur presque quadragénaire. Beaucoup se rient de son malheur. Une campagne maladroite est organisée avec peut-être pour dessein, de la pousser à bout. Mais, même menu, elle semble bien résister et, lorsqu’on la lit du moins, déterminée à sauver ce qui reste même au pire des suppliciés : sa dignité.
Son péché, semble-t-il, c’est d’avoir tenu tête à un lion qui a volé son cœur, sa chair et une partie de sa jeunesse sept ans durant. Elle n’a que 20 ans lorsqu’elle tombe sur ce dernier, apprend-on. Elle se donne à lui. Par calcul ou par amour ? La question n’est pas là. Ce qu’on sait avec certitude, c’est qu’il vient vers elle. La traque. C’est, comme dans de nombreux autres cas, une proie à sa merci. Il la fascine. Elle l’aime. Il dit l’aimer, il paraît. Elle est à lui et n’a pas le droit de le dire. Elle doit rester dans l’ombre. Le feu de l’amour la brûle. Elle n’a pas le droit de montrer qu’elle en consume. Il n’est pas exclu que sa nature distante en découle. Sept ans durant, l’espoir s’entretient à force de présences saccadées, de présents bons pour acheter l’âme et, peut-être aussi, d’une idylle bientôt assumée ? L’homme donne l’impression que dans sa cour, elle compte parmi les élues. L’aime-t-il vraiment ou en fait-il simplement l’objet de ses appétits sexuels et le jouet de ses fantasmes libidineux ? Les révélations de ces derniers jours font penser qu’au fond, la jeune demoiselle n’était qu’un pion sur l’échiquier d’un footballeur qui n’en est pas à son premier… coup. Et à qui on aurait été, avec sa compagne ivoirienne peut-être, infiniment reconnaissant de nous épargner cette scabreuse affaire dans laquelle il aura du mal à enfariner une opinion publique qu’il n’a eu de cesse de cliver.
A ses proches, Hélène Nathalie Koah jure qu’une seule personne détenait ces photos d’elle. La même personne qui l’aurait filmée, qui l’aurait soumise à tant de choses inavouables entre gens de bonne compagnie, avant de lui imposer, apprend-on, de tout faire pour piéger une haute personnalité de la République. Mission : le filmer pendant une relation sexuelle qu’elle devait s’organiser à avoir par tous les moyens avec ce dernier. Péché de cette personnalité qui ne figure visiblement pas dans le registre des amitiés de la jeune dame ? N’avoir rien fait, semble-t-il, pour favoriser certains contrats d’affaires au bénéfice du footballeur. Si cela s’avérait, tout ceci pourrait coûter bien plus que 200 millions et quelques babioles. Parce que cela pourrait finir au pénal. Ici et au Royaume Uni où plaintes ont été déposées.
Du Brésil, Samuel Eto’o avait promis de tout déballer dès son retour au pays. De dire son évangile sur les causes de la débâcle des Lions. Lui, dont on connaît le talent à se faire passer pour victime quand bien même il était marqué par les attributs de pyromane.
A la liste des sujets au menu de son « déballage » impatiemment attendu, peut-être dans le cadre d’une conférence de presse policée par des espèces sonnantes et trébuchantes, il devra désormais ajouter cet autre scandale dans lequel il tiendrait volontiers à la fois le rôle de metteur en scène et celui d’acteur. Sans pour autant être sûr, cette fois-ci, de pouvoir s’en sortir à bon compte. Sa proie facile d’hier, blessée dans sa chair et atteinte dans sa dignité, se révélant depuis quelques jours, la louve du poème de Vigny. Victime dont il faut espérer qu’elle soit soutenue par les associations féministes et de défense des droits de l’homme. Victime des écarts que nous avons de plus en plus avec certaines valeurs cardinales. Victime qui n’a plus rien à perdre. Victime déterminée qui sait que les insultes mal placées de quelques obligés et affidés, que les leçons hypocrites de certains pudibonds bon teint ou les menaces dont elle serait l’objet ne sont rien face à l’enfer qu’elle doit vivre depuis que des photos d’elle nue se sont retrouvées sur Internet, quelques jours seulement après un passage kafkaïen dans un commissariat, sur la base d’une plainte délirante ou encore de ces menaces et maltraitances qu’elle dit subir depuis qu’elle a décidé de quitter son milliardaire d’amant. Lequel la comptait sans doute dans l’inventaire de ses « possessions ».
Que cette jeune dame se soit donnée à l’homme qu’elle aimait et qui a pu l’aider à vivre aisément à un moment peut alimenter toutes sortes de conjectures. Aimer son homme au point d’accepter dans l’intimité de se laisser filmer nue peut être répréhensible pour certains puritains de circonstance. Seulement, demander, à force de plainte et de policiers, à une femme qu’on a prétendu aimer de restituer jusqu’au string qu’on lui a offert, manque d’élégance. Mobiliser les forces de l’ordre pour la terroriser trahit un certain état d’esprit. Accepter l’idée que son intimité puisse être exposée de la sorte est une entreprise criminelle aussi bien de la part des auteurs de tels actes que de la part de ceux qui le cautionneraient de quelque façon que ce soit. Essayer d’accabler la victime plutôt que de rechercher et de condamner les coupables relève de la pathologie. Parce que la stature de quelque individu, fusse un roi, ne doit pas nous faire oublier notre obligation de savoir toujours garder un minimum de décence en tout. Et aux plus faibles ainsi qu’aux victimes, de donner sans concession notre soutien résolu…
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