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Portrait - Guerandi: le putschiste qui n’avait jamais baissé les armes par Rodrigue N. TONGUE

Du 6 avril 1984 à janvier 2013, Guérandi Mbara n’aura pas foulé le sol camerounais. L’ayant fui, en 1984, par contrainte au lendemain du complot contre le nouveau président camerounais qu’était Biya, il y est revenu quasiment sous la contrainte, à en croire Jeune Afrique, près de 29 ans après, pour un retour définitif, puisque d’après le journal, sa fin de parcours se situe dans la Sanaga maritime le 25 janvier 2013. Pourtant le capitaine Guérandi rechignait à regagner la terre de ses ancêtres, malgré l’amnistie générale favorable à tous les auteurs et leurs complices du putsch. C’est que l’ex-officier qui n’avait jamais désespéré de voir Paul Biya quitter le pouvoir et ne s’en cachait pas d’ailleurs, se savait en insécurité sur le territoire national, malgré le discours officiel qui proclamait le pardon. 

Mais si Guérandi Mbara était plus redouté que les autres survivants de la purge orchestrée au lendemain du coup de force manqué de 1984, c’était pour deux raisons. La première : il était un des rares à assumer son rôle dans la préparation et la mise en œuvre du putsch et en revendiquait la direction. La deuxième : même de son exil au Burkina Faso où il avait été accueilli après l’échec du putsch, il s’attelait à construire une personnalité d’homme d’Etat, une des rares alternatives positives à Paul Biya après l’échec stratégique cuisante de l’opposition post-euphorie du début des années 1990. Mais c’est là où résidait toute la complexité de l’être de cet ex-officier de l’armée camerounaise qui, à peine, à l’âge de trente ans, voulait gouverner via un coup de force pour décrier l’attentisme du régime devant les préoccupations sociales. Car le capitaine Guérandi qui avait intégré dès son retour en 1979 une formation en artillerie sol-sol, une unité d’artillerie de l’armée à Dschang avait créé en son sein, avec un groupe d’officiers de certaines unités, des cellules clandestines de réflexion qui joueront un rôle actif dans le soulèvement dit patriotique en1984, a continué, même au loin, de travailler au renversement du régime de Yaoundé par la force. Et donc, un coup, prenait des dehors de révolutionnaire et un autre coup ceux de mutins. Avec Guerandi, apprend un haut gradé camerounais, on ne savait jamais si la menace viendra de la rue ou des casernes. 



Légitimité internationale 

L’une des illustrations de cette assertion se trouve dans le parcours académique et l’itinéraire intellectuel de l’ex-officier. Durant ses années d’exil, il a essayé, comme le signale le journaliste Raoul Mbog dans un de ses portraits, de redorer son blason, de se construire une légitimité internationale et de se placer en chantre de la démocratie en Afrique. Il enseigne la géopolitique et la géostratégie à Ouagadougou après avoir obtenu un Doctorat en sciences politiques à Paris, en 1997 sous la direction de Pascal Chaigneau. Guérandi l’intellectuel ? Il est auteur de trois ouvrages : « Cameroun : une armée sans défense» en 1987, puis « Refondation sociale » et en mai 2012, « Repenser le modèle de démocratie participative au Cameroun». Dans ce dernier ouvrage, l’auteur propose l’enracinement de la notion de citoyenneté dans la dévolution du pouvoir. Pour lui, les sociétés civiles peuvent être un déterminant essentiel dans l’alternance aux côtés des politiques parfois beaucoup trop violents. Les lecteurs de cet ouvrage seraient bien surpris que pendant que l’auteur écrivait ces lignes, il fomentait un énième coup de force via une rébellion armée contre Paul Biya. Tout comme le seraient les participants des assises de la Camdiac, auxquelles l’ex-capitaine participait en juillet 2010 aux Etats-Unis. Assises visant à trouver des voies et moyens pacifiques pour « chasser » Paul Biya du pouvoir via une action citoyenne de la société civile et en marge desquelles, Pius Njawé, fondateur du Messager trouva la mort. 

In fine, Guérandi, c’était un mélange d’intellectuel de gauche qui lui vaut l’amitié d’un certain Thomas Sankara, avec qui, il a étudié à l’école des officiers, lequel l’accueillera à Ouaga après le complot manqué de 1984 et cette réputation d’officier spécialiste reconnu de l’artillerie sol-sol et lui-même fils d’officier qui nourrissait la légende Guérandi Mbara ; lequel rêvait d’atteindre un jour la magistrature suprême. Soit à la Gbagbo, soit à la Compaoré. 

En attendant la confirmation de la nouvelle par le régime de Yaoundé dont plusieurs pontes s’en réjouissent déjà, on peut simplement signaler que Guérandi Mbara qui n’a plus donné de nouvelle depuis longtemps est mort à l’âge de 59 ans (né à Douala en 1959 d’un père officier, d’origine nordiste). Il a intégré l’armée en 1975 après une formation d’officiers à l’Emia débutée en 1972 aux côtés de plusieurs officiers burkinabés qui vont conquérir le pouvoir dans l’ancienne Haute Volta. Alors que de nombreux observateurs estimaient qu’il ne représentait plus aucune menace, l’on apprend qu’il agissait, en douce, selon les services spéciaux camerounais, d’armer 2000 hommes se préparant à sauter sur Yaoundé, il a été happé et abattu entre Edéa et Pouma. Affaire certainement à suivre ! 
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