Chers enseignants,
voici à nouveau la rentrée scolaire. Vous devez reprendre le chemin de l’école. J’ose croire que comme à l’accoutumée, vous vous êtes recyclés, le temps de votre minuscule et ennuyeux congé, à l’école de la patience et de la maîtrise de soi. Je le dis, chers (dé) formateurs, parce que cette rentrée encore, vos collègues, que dis-je, vos élèves seront des centaines à se disputer des espaces prévus pour à peine cinquante apprenants. Comme vous pouvez l’imaginer, il y aura encore du bruit, du très grand bruit à vous percer les oreilles. La délinquance, l’intimidation, l’insolence, le mépris vous seront jetés sans remords à la figure par vos méchants petits loups aux visages d’agneaux. En réalité, chers bâtisseurs des bonnes âmes, trois mois de vacances ont suffi à installer un amas de pierres dans le cœur de vos élèves. En trois mois, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Au lieu de reposer leurs esprits fragilisés par neufs mois de cours et d’être bercés par l’espoir et l’assurance en l’avenir, ils n’ont fait que recevoir, et ce durant toute la période des vacances, des pronostics de désespoir et même de cimetière. On dirait que tous les événements tragiques attendaient que retentisse la cloche des vacances pour montrer leur visage. Nos vacanciers n’ont pas eu le temps, ou plutôt la possibilité de jouir pleinement de leur liberté retrouvée. Ils n’ont pas pu faire la rue comme ils en avaient déjà pris l’habitude pour s’offrir ce que les ridicules salaires de leurs parents ne pouvaient leur donner. Ils n’ont pas non plus pu se saouler la gueule à volonté dans des boites de nuit. Ils étaient là, cloitrés chez eux, ou plutôt déambulant dans les centres urbains, sans jamais gouter les merveilles du dehors qui ne montrent leur visage qu’aux heures très tardives de la nuit.
Que s’est-il réellement passé ? Le problème, chers enseignants, c’est que vos élèves ont reçu en plein tête des projectiles violents qui ont étouffé et crispé leurs esprits. Ils n’ont pas succombé à leurs blessures comme notre très regretté Albert EBOSSE (que beaucoup, y compris moi-même, n’ont connu qu’après sa mort), mais s’en sont sortis avec un traumatisme bien plus inquiétant que vous serez malheureusement les seuls à en subir les tragiques conséquences. Voici comment s’est construit la rébellion dans les esprits que vous allez côtoyer dès cette rentrée scolaire. Alors que leurs vacances avaient déjà mal démarré avec la débâcle de nos désormais domptables lions rentrés du Brésil sans honneur ni gloire, voilà que subitement Boko Haram, ce monstre sans visage fit son entrée en scène sans avertir. Ce ne sont pas nos forces de défense qui dormaient au moment de leur attaque, mais toute la nation. De notre sommeil de parésie, il nous est désormais difficile de nous réveiller. Mais ce qui a encore ajouté du vinaigre sur les vacances de nos vacanciers, c’est ébola. Cette minuscule maladie virale qui fait trembler toute un continent. Une maladie qui, nous dit-on existe depuis les années 70, mais sur laquelle on tambourine et s’agite comme si elle faisait pour la première fois sa rencontre avec nos pays en panne d’anticipation et de stratégie. A cause de ébola, les élèves-vacanciers n’ont pas pu plonger leurs bites qui démangent dans des marmites de plaisir en divagation, des marmites souillées par les sécrétions biologiques des maîtres-prédateurs, des tondeurs de pubis frais; ils n’ont pas non plus pu dévorer comme cela se devait
quelques lèvres charnues gracieusement mises à leur disposition par des donzelles à peine pubères, ni lécher, j’allais dire sucer quelques poitrines de bonheur ou faire un massage idyllique sur quelques postérieurs rebondis, générateurs de sensations. A cause de ébola toujours, ils devaient éviter la succulente viande de brousse, mon dieu, et même le précieux liquide ! Je parle de la bière, le vrai carburant des virées nocturnes, puisque parait-il, le vilain virus loge aussi dans ce liquide de la discorde. Laissez-moi rire. Je vous dispense par ailleurs de ces chiffres alarmistes qui sont venus enfoncer le clou, nous confirmant que l’émergence là n’est pas pour demain, ni même pour 2035 et que ces jeunes qui croyaient avoir un avenir radieux n’en ont en réalité aucun.
Ce sont tous ces événements, chers éducateurs qui ont fabriqué en trois mois les rebelles que vous allez affronter tout au long de cette année scolaire. Vous n’aurez pas la possibilité de leur dicter vos cours vieux de plusieurs années que vous avez eu du mal à retrouver dans les décombres poussiéreux de vos placards. Votre message, si tant est que vous en avez un, aura donc du mal à passer. Pour 9 mois encore, vous êtes invités à mener un travail de Sisyphe ou de Don Quichotte. Un travail qui ne conduira à rien. Les âmes que vous êtes appelés à éveiller sont embastillées de manière irréversible dans les cellules du désespoir, de la déperdition et de l’aliénation. Vous chercherez, en vain à refaire les esprits contrefaits, à donner une forme à des phénotypes soigneusement abimés par la déchéance généralisée de notre société. Vous ne réussirez pas à sauver ces âmes perdues, ni même à semer une lueur d’espoir dans ces cœurs immatures, mais ravagés par les démons de la perversion et de l’inconscience. A chacun de vos conseils, vous les entendrez clamer: « va au diable, nous n’avons pas besoin de vos sermons», puisque de toutes les façons, poursuivront-ils, « l’avenir n’existe pas». Ils savent qu’on est dans une société sans repères ; une société où il faut être méchant et pervers pour être adulé et sollicité ; une société où pour être entendu, il faut secouer les jetons. Certes qu’au terme des neufs prochains mois, on aura de nombreux diplômes ; dans les familles, ça va se boire, se manger, se fêter. Mais à quoi cela servira-t-il si de diplômé envié, on finit diplômé-chômeur désespéré et gênant ?
Chers éducateurs de la République, je constate que pour cette rentrée scolaire, de nouvelles écoles ont été autorisées à ouvrir leurs portes, venant ainsi gonfler le nombre qui paraissait déjà pléthorique. Certaines dites clandestines ont été fermées, mais vont continuer à fonctionner. On est dans la Res-Pur-Bric. Et dans une Res-Pur-Bric, ce sont les briques qui parlent. Chaque quartier a désormais son école ou plutôt ses écoles. On n’est plus loin du prestigieux et élogieux rapport UNE FAMILLE/UN ETABLISSEMENT SCOLAIRE. Vous voyez en cela un progrès ? Moi je perçois immédiatement l’amplification de l’aliénation. A vrai dire, c’est un coup fatal à l’éducation. Trop d’établissements, ça fait désordre, ça fait perdre en efficacité. Nos élèves n’ont plus besoin de parcourir des kilomètres pour réciter Molière, Shakespeare, Hugo et autres. Leurs structures d’aliénation sont désormais à un jet de pierres de leurs berceaux. Ils peuvent y apprendre en toute tranquillité l’histoire des autres et se rendre compte à quel point eux-mêmes ne sont jamais « entrés dans l’histoire ». Pour cette rentrée encore, il y a eu la valse des enseignants. Mais un triste constat, tous veulent exercer dans des centres urbains. Ça sent mauvais dans les campagnes apparemment. Qu’ont-ils fait à la nature, ces citoyens de l’arrière-pays pour qu’elle les prive aussi méchamment de l’eau, du réseau téléphonique, de routes, de centres de santé, de supermarchés, d’électricité, et de tous ces objets de la civilisation moderne qui auraient motivé les profs à s’installer au village? Personne ne veut débuter sa carrière dans un coin perdu où la vie est réduite à l’état végétatif. N’ont-ils pas raison d’une certaine façon ? Quel parent accepterait que sa « bambine » de 23 ans à peine, fraichement sortie de l’école (a) normale aille s’engouffrer dans la broussaille pour la simple raison qu’elle veut servir l’Etat ? Ne faudrait-il pas, chers enseignants, que vous demandiez à votre ministre de tutelle, de créer une prime de campagne pour inciter les profs à servir dans les périphéries pour qu’enfin tous les citoyens aient les mêmes chances de réussite ?
Tirons quand même un coup de chapeau à ces jeunes enseignants, qui malgré les obstacles ont accepté d’aller enseigner dans des campagnes, la patrie finira par leur être reconnaissante. Espérons cependant que ces proviseurs-prédateurs n’auront pas la maléfique idée d’aller au-delà d’une simple admiration de ces jolies et jeunes demoiselles que l’on expédie comme des colis dans des villages sans aucune prise en charge. Abandonnées à elles-mêmes, elles n’ont souvent pas d’autre choix que d’accepter la proposition de logement de leurs vaillants proviseurs devenus de véritables travailleurs de sexe.
Bonne rentrée chers éducateurs et bonne chance.
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