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Paul Biya au pouvoir: 32 années de marasme économique et de misère par Alain NOAH AWANA

En 1982, au regard de son discours, les millions de Camerounais avaient misé sur Paul Biya pour transformer le pays sur le plan économique. Malheureusement, aujourd’hui, c’est la grande désillusion : pas d’accès à l’eau potable et à l’électricité, une personne sur quatre vit avec moins de 700 Fcfa par jour, le chômage et le sous-emploi sont sans cesse en progression, le climat des affaires n’est pas alléchant… En gros, le Cameroun qui était l’un des pays les plus prospères d’Afrique noire est aujourd’hui englué dans une léthargie économique sans pareil. Regard sur trois décennies de « Grandes reculades ».
Lorsqu’il arrive au pouvoir par la force des choses en novembre 1982, le Cameroun est l’un des pays africains les plus prospères du point de vue économique. Le pays a en effet enregistré de belles performances économiques entre 1961 et 1985. Selon les explications de l’économiste Alexandre Njilié, il jouissait à cette époque-là d’un des revenus par tête les plus élevés du continent africain. L’on connaissait également un fort taux de croissance qui avait atteint les 12% en 1981 et 1982, quand Paul Biya prend les rênes. Des performances basées dans un premier temps sur l’agriculture qui, dans les années 70, contribuait à 34% du produit intérieur brut et employait plus de 85% de la population active. Mais également sur le pétrole dont les cours mondiaux étaient haut. En fait, les Camerounais étaient loin de s’imaginer que plus de 30 ans après l’arrivée au pouvoir de Paul Biya, ce dernier les  conduiraient à une situation économiquement pire par rapport aux années 60.


En marquant un temps d’arrêt, on pourrait accorder certaines « circonstances atténuantes » aux affidées du président de la République, qui passent leur temps à défendre son bilan. Le premier argument avancé est que l’accession de Paul Biya au pouvoir coïncide avec une crise mondiale qui va toucher toutes les économies. C’est d’ailleurs en raison de cela qu’il appelle ses compatriotes à « retrousser les manches ». Après les affres des années 90, ses défenseurs présentent les réformes qu’il a faites, et qui ont « permis au pays de sortir définitivement de la crise », avec par exemple l’atteinte du Point d’achèvement de l’initiative pays pauvre très endetté (Ppte), qui a conduit à un allègement conséquent de sa dette. Aujourd’hui, à l’heure où Paul Biya fête ses 32 ans de règne sans partage, tous les discours signalent les grands projets structurants en cours ou encore le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (Dsce) qui devraient conduire le pays vers une « émergence en 2035 ».

900 000 nouveaux pauvres en 6 ans
Cependant, comme le reconnaissait un des défenseurs du Renouveau, un autre économiste du nom de Martien Tchoumi Ngueffo, la vie est dure dans le pays. Bien qu’il faille reconnaître un léger soulagement après l’admission – par un tour de passe-passe – au statut de pays pauvre très endetté, qui a entrainé l’allègement de sa dette bilatérale, la situation n’a pas fondamentalement changé. Certains la trouvent même catastrophique. Aujourd’hui, le Cameroun est l’un des pays les moins compétitifs du monde. En 2011, il était 111e sur 133, selon le Global competitivenex index, cité par Alexandre Njilié. En fait, la mal gouvernance ambiante ancrée depuis un peu plus de deux décennies ne facilite pas les choses. L’indice Ibrahim 2011 sur la bonne gouvernance le classait 33e sur 53 pays en Afrique.

D’autres données étayent encore mieux la misère ambiante dans le pays. Selon l’Institut national de la statistique (Ins), la croissance économique reste en dessous de la moyenne africaine (en moyenne 3% sur les 10 dernières années, contre 4%). Toujours selon les statistiques officielles, une personne sur quatre vit avec moins de 700 Fcfa par jour. Ce qui témoigne de la grande pauvreté qui sévit dans le pays. Les faits sont là et parlent d’eux-mêmes. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig), que l’on tente de faire augmenter à 35 000 Fcfa environ, est le plus bas de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Malgré les annonces fallacieuses, l’on retient que le taux de chômage chez les jeunes est sans cesse grandissant, notamment dans les villes de Yaoundé et Douala où il s’élève à 30% (les deux villes comptent à elles deux près du quart de la population camerounaise). Le sous-emploi quant à lui est bien plus élevé : il touche environ 75% de la population active. Les multiples rapports financés par des institutions comme la Banque mondiale estiment qu’un tiers de la population n’a pas accès à l’eau potable ni à l’électricité. Entre 2001 et 2007, le Cameroun a enregistré 900 000 nouveaux pauvres.

Difficilement défendable
Entre temps, alors que le niveau de revenus des Camerounais continue de s’amenuiser, le coût de la vie observe une courbe ascendante. Mais, ce n’est pas seulement ces faits qui font dire que le bilan de Paul Biya est négatif. En 32 ans de règne, les fervents zélateurs de l’immobilisme vantent les réformes bancaires. Or, 3 banques seulement se partagent 86% des parts de marché, les entrepreneurs peinent à avoir des financements, tandis qu’on a une floraison d’établissements de micro finances que la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac), gendarme du secteur, refuse d’accompagner du fait de la non-structuration. Autre avancée présentée : la réforme fiscalo-douanière. Mais, pour l’heure, l’on retient qu’elle se borne au guichet unique qui n’est qu’un poste d’encaissement des taxes, alors que le gros des transactions est fait avant et après.

En somme, il est difficile, voire embarrassant dans le contexte actuel de défendre le bilan de l’homme du Renouveau ; celui-là même qui avait séduit les Camerounais avec son projet de société contenu dans son manifeste intitulé « Pour le libéralisme communautaire ». Encore que, dans cet exercice, on a tendance à oublier que c’est sous son règne que des dizaines de sociétés parapubliques ont fait faillite, que l’agriculture a fortement décliné pour ne plus jouer son rôle d’antan, que les infrastructures routières et socio-économiques périclitent… On oublie d’ailleurs aussi que la corruption, la concussion, le trafic d’influence et autres méthodes d’intimidation ont atteint le pic et font fuir les investisseurs. Il y a fort à parier que les zélateurs du Renouveau mettront tout cela sous le boisseau en ce 6 novembre 2014. A coup sûr, ils vont axer leurs interventions sur le fameux discours de « la stabilité et la paix ». Des valeurs appréciables et salutaires. Mais ventre affamé n’a point d’oreille. Comme « a hungry man is an angry man ».
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