Alors que la Libye est
plongée dans le chaos et que le Sahel est en proie à une forte
instabilité, Mondafrique revient sur les conditions dans lesquelles
l'ancien chef d'Etat Nicolas Sarkozy a décidé d'intervenir militairement
en Libye en 2011. Rien ne prédestinait l'ancien président à s'engager
contre le pouvoir Kadhafi qu'il avait reçu en 2007 à l'Elysée et dont il
est toujours soupçonné d'avoir perçu des financements pour sa campagne
de 2007. A l'époque, les principaux conseillers de Sarkozy avaient
d'ailleurs tenter de le dissuader. Enquête.
Le 7 mars 2011, Nicolas Sarkozy convoque ses principaux ministres
dans le solennel Salon vert de l’Élysée. L’ordre du jour de la réunion
concerne « les flux migratoires en Méditerranée ». Ce jour-là, le chef
de l’État précise pour la première fois les raisons de l’intervention en
Libye. « Nicolas Sarkozy était très remonté, explique un des
participants, on sentait que c’était vraiment lui qui voulait intervenir
contre Kadhafi, même sans soutien international et quitte à affronter
certains de ses ministres, dont notamment le Premier d’entre eux,
François Fillon. »
En début de réunion, Alain Juppé, alors patron des Affaires
étrangères, résume l’opinion des principaux alliés de la France. « Les
Américains ne sont pas très chauds, les Anglais peu pressés… » François
Fillon renchérit : « Sans la participation américaine, ce serait de la
folie de s’engager. » Nicolas Sarkozy l’interrompt. « Dans l’urgence et
avec l’appui de la Ligue arabe et de l’Union africaine, une frappe
chirurgicale franco-britannique en Libye est tout à fait envisageable. »
Et le chef de l’État enchaîne sur la nécessité d’organiser des « zones
humanitaires » en Égypte et en Tunisie pour contenir un possible afflux
de réfugiés lors de l’intervention. Peu lui importe que son fidèle
Claude Guéant, alors ministre de l’Intérieur, émette quelques doutes sur
la possibilité d’envisager de tels camps d’accueil. Son plan d’action
ne souffre aucune réserve. «Kadhafi, insiste-t-il encore, doit partir. »
Sarko le va-t-en guerre
Le Premier ministre Fillon tente une dernière sortie : « Sans les
Américains, on va à la catastrophe. » « Je ne vois pas pourquoi,
rétorque le président français, nous ne pouvons pas abandonner la
population libyenne. » Le général Benoît Puga, chef d’état major
particulier de Nicolas Sarkozy, fonction qu’il a conservée sous François
Hollande, vient au secours du chef de l’État : « Compte tenu de la
situation dégradée de l’aviation libyenne, dix hélicos, deux Mirage et
six avions Stukai, nous pouvons facilement neutraliser les pistes de
décollage. »
Rien ne semble pouvoir calmer les
ardeurs guerrières de Nicolas Sarkozy contre le colonel Kadhafi. En mars
2011, les militaires français insistent pour intervenir au Mali, où les
groupes djihadistes multiplient les prises d’otages. Les services
français de renseignement ont localisé une réunion des principaux chefs
d’Aqmi à Tombouctou. Il faut les « enfumer », sans autre forme de
procès. La DCRI est sur la même position. Rien n’y fait. Nicolas Sarkozy
leur prête une oreille distraite. Sa seule obsession reste la Libye.
Le 7 juillet 2011, un déjeuner a lieu entre les présidents français
et nigérien, accompagnés de leurs principaux collaborateurs. Le Niger a
quelque indulgence pour Kadhafi qui a généreusement aidé le régime. «
Nous avons plaidé, le président Mahamadou Issoufou et moi, explique le
ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, pour que l’on
puisse trouver un compromis entre certains proches de Kadhafi plus
ouverts et le Conseil national de transition pour faire cesser les
hostilités. Mais Nicolas Sarkozy n’en voulait à aucun prix, il était
buté sur ses positions. Les conseillers et les ministres présents
n’étaient pas d’accord avec lui, cela se lisait sur leurs visages. Mais
personne n’osait le contredire. » Nicolas Sarkozy veut aller jusqu’au
bout de sa guerre contre Kadhafi.
Pourquoi le retournement soudain de Nicolas Sarkozy ? L’ancien
président a-t-il cherché à faire table rase du passé et à oublier
l’épisode extravagant de la réception à Paris à l’automne 2012 d’un
colonel Kadhafi qui installait sa tente en face de l’Élysée ? À moins
qu’il ne tentât de trouver une dictature de rattrapage pour bien montrer
que lui aussi était en phase avec les soulèvements populaires du monde
arabe ? En tout cas, Nicolas Sarkozy a été sensible aux conseils de son
ami l’émir du Qatar, Cheikh Hamad Al Thani, qui voulait à tout prix
cette guerre contre Tripoli. Ne serait-ce que pour conserver les 50
milliards de dollars que le régime de Kadhafi avait placés dans des
banques de Doha à la belle époque et que l’émirat conserve aujourd’hui
sans le moindre scrupule.
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