C’est un énième coup d’arrêt que connaît le projet minier de Mbalam, dans la région de l’Est. Pas plus tard que le 13 janvier dernier, La junior minière australienne Sundance Resources, maison mère de l’entreprise camerounaise Cam Iron, a annoncé à travers un communiqué de presse, qu’elle « a été informée que le projet de signature d’un contrat entre le gouvernement du Cameroun et une entreprise chinoise (China Gezhouba Group Company : Ndlr) de travaux publics pour construire le port et l’infrastructure ferroviaire pour le projet de minerai de fer de Mbalam-Nabeba, situé au Cameroun et le Congo a été reporté ». Toujours selon Sundance, l’entrepreneur chinois sélectionné par le gouvernement camerounais a informé qu’il continue à soutenir le projet, mais a demandé un ajournement de la signature du contrat jusqu’à ce que des conditions du marché s’améliorent et le financement soit plus avancé.
Sundance fait une autre révélation selon laquelle, elle attendait que le contrat final entre l’entreprise chinoise et le gouvernement du Cameroun soit signé au cours de la première semaine du mois de décembre 2015. « L’ajournement était inattendu pour Sundance et le gouvernement du Cameroun, au regard des avancées récentes faites sur le contrat prêt pour exécution », précise la compagnie minière australienne. Néanmoins, veut rassurer la compagnie, « Sundance et le projet [de Mbalam] continuent d’avoir le soutien tant des gouvernements du Congo que du Cameroun ». La maison mère de CamIron ajoute qu’elle est actuellement l’impact que cet ajournement aura sur le projet minier et fera un compte-rendu à ses actionnaires à court terme, une fois que cette évaluation a été faite. Ainsi, donc, le contrat entre l’Etat du Cameroun et China Gezhouba Group Company est désormais conditionné à une amélioration des cours du minerai à l’horizon 2017, si tout se passe normalement.
Contrat d’exploitationComme un malheur est souvent précédé d’un autre, Sundance a annoncé le 30 septembre 2015 qu’après le retrait du volet construction du terminal minéralier de Mbalam au profit d’une entreprise chinoise le 10 juillet 2015, l’éventualité de perdre totalement le permis d’exploitation n’est pas à exclure. La multinationale avait déclaré que sa capacité de mobilisation financière est decrescendo, allant de $14,4 millions (environ FCFA 72 milliards) au 30 juin 2014 à $13,7 millions (près de FCFA 68,5 milliards) au 30 juin. Sundance a donc dû procéder à des mesures d’austérité : réduction de 10% le salaire de ses cadres, gel de certains émoluments, réduction de 40 de ses effectifs et du nombre d’expatriés au Cameroun et au Congo et réduction de 80% des contractuels.
Concernant son permis d’exploitation au Cameroun qui expire le 27 juillet 2017, Sundance Resources a aussi indiqué qu’il doit investir un minimum de 1,63 milliard de FCFA au cours des deux prochaines années. Au Congo, l’investissement financier minimal devait être de 3,55 milliards de FCFA au 8 août 2015. Mais, « Cam Iron et Congo Iron à proprement parlé ne sont pas légalement tenus d’investir les montants détaillés dans les permis d’exploration. Cependant, un échec pour réaliser ce minimum de dépenses d’investissements pourrait aboutir à la révocation desdits permis ». Dans cette veine, un audit effectué le 30 septembre 2015 par des cabinets membres de Deloitte Touche Tohmatsu Limited, société de droit anglais, a montré que Sundance Resources a subi une perte à cause du paiement d’impôts d’une valeur de $78,3 millions (à peu près FCFA 48 milliards) au 30 juin 2015. «Ces indicateurs ainsi que d’autres affaires donnent matière à incertitude qui pourrait jeter un doute significatif sur l’entité consolidé et la capacité de la compagnie de mener ce projet et donc, l’entité consolidée et la compagnie pourraient ne pas être capables de réaliser ses actifs, et cela décrédibilise ses capacités dans le cours normal du projet ».
L’échec de Sundance ResourcesLe Premier ministre camerounais, Philemon Yang, avait publié le 13 juillet 2015 un arrêté portant création, organisation et fonctionnement de la Commission spéciale ad hoc de sélection d’une entreprise chinoise pour la construction du chemin de fer et du terminal minéralier du projet d’exploitation du gisement de fer de Mbalam, dans la région de l’Est du Cameroun.
Ce qui confirmait l’échec de CamIron, société de droit camerounais dont Sundance Resources est actionnaire majoritaire avec 90%, et ses deux partenaires (Engineering Procurement Construction et Standard Bank d’Afrique du Sud) de lever des fonds conformément aux engagements pris lorsqu’ils signaient le 05 juin 2014 une convention selon laquelle, ils devaient boucler dans les six à neuf mois le montage financier du projet évalué à FCFA 3 900 milliards dans ses différentes phases.
Engineering Procurement Construction devait construire les 510 kms de voie ferrée reliant la mine de Mbarga au terminal minéralier de Lolabe à Kribi, ainsi que les 70 kms de rails reliant la mine de Nabeba au Congo au chemin de fer camerounais. Ceci pour permettre l’évacuation des 35 millions de tonnes de fer par an que doit produire Sundance Resources.
—–Le cours mondial du fer en ballotage défavorableLe prix du minerai de fer au comptant a chuté de 60% sur les 12 derniers mois, passant ce mois-ci sous les 50 dollars la tonne.
Le cours du minerai de fer va chuter à $36/tonne au troisième trimestre et se maintenir sous les $40/tonne pour le reste de l’année, en raison d’une augmentation de la production des grands groupes miniers sur fond de déclin de la demande chinoise, prédit Citigroup. Selon la banque, le cours du minerai de fer devrait s’établir autour de $44/tonne au deuxième trimestre, baisser à $36 au trimestre suivant et remonter à $38 au dernier trimestre. On peut donc comprendre les atermoiements actuels de China Gezhouba Group Company qui demande un ajournement sur le projet Mbalam « jusqu’à ce que des conditions du marché s’améliorent ».
Sur un autre plan, Citigroup explique que le minerai de fer connait actuellement les mêmes difficultés, mais pour différentes raisons. La chute des prix n’a pas seulement pour origine un accroissement de la production, mais également une baisse de la demande. En Australie, par exemple, le minerai de fer s’est déprécié de 30% cette année, alors qu’il représente le premier poste d’exportation du pays, grevant ainsi les recettes de l’État. Son plus gros client, la Chine, a réduit sa demande alors que les mines tournent à plein régime.
Mais les spécialistes pensent qu’il ne faut cependant pas se leurrer sur le géant asiatique. Et pour cause, il est effectivement le premier importateur de minerai de fer, de charbon, de cuivre et de soja, et le deuxième importateur de pétrole brut derrière les Etats-Unis. Or, les difficultés économiques chinoises impliquent une moindre croissance de ses importations, voire une baisse pour certains produits ; l’affaiblissement de ses importations de métaux depuis 2010 s’est par exemple accentué en 2014 pour se transformer en véritable effrondement. Rien qu’entre décembre 2014 et janvier 2015, les importations de pétrole brut, de minerai de fer et de charbon ont baissé en volume de respectivement 8%, 9,5% et 38%.
Si le ralentissement économique de la Chine explique en partie la baisse du cours des matières premières, le pays peut évidemment profiter de ce recul, notamment afin de relancer sa consommation intérieure aujourd’hui très faible et responsable d’une situation quasi-déflationniste (l’indice des prix à la consommation augmente à un rythme inférieur à 1% depuis le début de l’année 2015).
Publié en association avec Le Quotidien de l’EconomieAuteur: Sylvain Andzongo
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