Mlle Aminatou Ahidjo, benjamine du premier président de la République du
Cameroun, feu Ahmadou Ahidjo (paix à son âme), surgit pratiquement du néant,
mobilise toutes les attentions et cristallise toutes les passions. Il faut dire
que sa très fraîche adhésion tonitruante au Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais (RDPC), parti majoritaire au pouvoir, qu’elle ne connaît pas, ni son
pays d’ailleurs pour avoir vécu 30 ans en exil, a surpris tout le monde.
Il convient de rappeler que Mlle Aminatou Ahidjo, qui a
quitté le Cameroun adolescente en 1983, quelques mois après le départ de son
père du pouvoir en novembre 1982, ne connaît pas (plus) le Cameroun, encore
moins le Septentrion qu’elle prétend servir. Face à elle, les Camerounaises et
Camerounais âgés de 20 à 40 ans, représentant approximativement les deux tiers
de l’électorat dans un pays jeune (la moitié de la population ayant moins de 30
ans), qui n’ont probablement jamais entendu parler d’elle auparavant et qui
n’ont pas connu son papa de président de la République dans la mesure où les
plus vieux d’entre eux avaient 8 ans en 1982 et étaient à peine conscients de la
vie et à plus forte raison de la chose politique.
Votre serviteur qui avait pratiquement 15 ans au moment où
feu le président Ahmadou Ahidjo renonçait volontairement au pouvoir en 1982 ne
savait même pas ce que signifiait la démission d’un président de la République.
Les chefs d’Etat africains étaient en effet des petits dieux en Afrique (le
sont-ils encore ?) et Dieu ne démissionne pas alors que le pape peut
démissionner…
En temps normal, tout ceci constituerait un parfait scénario
de science-fiction politique. Sauf qu’en ce moment au Cameroun, c’est de la
réalité politique puisque Mlle Aminatou Ahidjo était au centre des élections
législatives et municipales ; c’était même le seul fait marquant de ce double
scrutin législatif et municipal où l’on ne proposait pratiquement rien au pays
après le spectacle des investitures des candidats par les différents partis en
lice.
Soyons clairs, Mlle Aminatou Ahidjo est libre d’adhérer au
parti de son choix, fût-ce le parti majoritaire au pouvoir même si nous aurions
aimé la voir s’éloigner de la politique dont elle a hélas tant souffert. Elle
pourrait alors inventorier les biens de son défunt père, les réhabiliter et les
valoriser dans le cadre d’une fondation portant le nom de celui-ci afin
d’entreprendre une action sociale au bénéfice des populations du Septentrion
(voire audelà) pour lesquelles elle serait certainement plus utile.
En raison de récentes condamnations de ministres et hauts
fonctionnaires de la région du Nord à des peines de prison pour détournements
supposés ou réels de fonds publics, on croyait que le Rdpc avait perdu le nord
(sans jeu de mots) et se préparait à recevoir par ricochet une claque à travers
tout le Septentrion. C’était sans compter sur la ruse et l’habileté d’un régime
qui a duré plus d’un demisiècle (le régime actuel étant le simple prolongement
de celui du président Ahmadou Ahidjo et ce, quel que soit ce qu’on ait tenté de
faire croire).
Contre toute attente, il a sorti son ultime cartouche, en
l’occurrence, une arme de diversion massive (jeu de mots cette fois, avec armes
de destruction massive), Aminatou Ahidjo, qui révèle également la dérive
dynastique de la politique dans notre pays. Au lieu d’un débat de fond suivi de
propositions pour l’amélioration du bien-être des populations du Septentrion et
du pays en général, toute l’attention reste focalisée sur l’irruption de Mlle
Aminatou Ahidjo dans la scène politique nationale et en particulier au
Septentrion. Il s’en est suivi une bataille rangée – qui se poursuit et au
détriment de tout le monde entre les partisans et les détracteurs de Mlle
Aminatou Ahidjo par presse écrite et médias en ligne interposés éclipsant alors
totalement l’enjeu du double scrutin.
La presse entretient malheureusement la diversion car au
lieu d’informer et surtout d’éclairer les citoyens en sa qualité de vigile de
notre temps et de notre société, elle se livre à du sensationnel qui, paraît-il,
est plus lucratif. Même les lettres attribuées à ses cousines (il faut être
prudent avec ce qui défile sur internet) censées dénoncer son ralliement au
régime actuel constituent un ramassis de lieux communs ressassant le passé et
les rancoeurs et participent hélas de cette diversion générale organisée.
Cette diversion intéresse-t-elle pour autant le Septentrion
et le Cameroun en général ? Je crois que non. Le double scrutin devrait
constituer une plateforme où celles et ceux qui sollicitent les suffrages des
électrices et des électeurs devaient aborder les vrais problèmes du pays et du
Septentrion en particulier, à savoir la sécheresse, les problèmes d’eau, la
sous-scolarisation, l’absence ou le délabrement des infrastructures de base, le
chômage, la situation sanitaire et sociale préoccupante, le sousdéveloppement,
la pauvreté, les problèmes de société...etc. tout en formulant des propositions
de solutions à ces problèmes. A mon avis, ce sont les seules querelles qui
vaillent. Et pour mener à bien ces combats pour un Septentrion meilleur dans un
Cameroun meilleur, nous n’avons surtout pas besoin de diversion comme c’est
malheureusement le cas en ce moment. Au contraire, il nous faut des élites et
des dirigeants responsables, visionnaires et pragmatiques. La politique est une
affaire sérieuse pour être laissée entre les mains du premier venu ou c’est le
cas de le dire de la première venue. Puisse alors Dieu sauver notre pays de la
diversion et par conséquent de l’imposture.
Pour conclure, lorsqu’on avait employé la notion d’armes de
destruction massive (la notion seulement qui constituait d’ailleurs un mensonge
grotesque monté de toutes pièces par la plus grande puissance coloniale et la
plus grande puissance économique et militaire à la surface de la terre), on a
abouti à la désintégration d’un pays (l’Irak) dont les citoyens se massacrent
jusqu’aujourd’hui.
L’arme de diversion massive lorsqu’elle est déployée comme
elle l’est actuellement à grand renfort de propagande peut s’avérer encore plus
néfaste si on n’y prend garde puisqu’elle est capable de se transformer en arme
de crétinisation massive…
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