Après cinquante trois années d’indépendance nominale du Kamerun, notre pays
s’appauvrit inexorablement, malgré le fort potentiel humain et matériel dont il
recèle. La démocrature de Paul Biya étiole tant les valeureuses énergies
embrigadées au Rdpc que celles qui refusent de faire partie de cet appareil
politico administratif. Heureusement, le double scrutin du 30 septembre 2013 a
démontré que, la robustesse de l’ogre, malgré tous les artifices et
irrégularités d’un pouvoir dictatorial, serait toutefois amovible et détrônable.
Il reste aux Kamerunais, au lieu de continuer à voir l’ennemi toujours ailleurs,
d’affirmer une volonté réelle et déterminée pour un changement patriotique. Car
l’impérialisme international, malgré tout, négocie, aujourd’hui, en fonction du
rapport de force à lui imposé par les forces patriotiques.
Le double scrutin des législatives et des municipales s’est
déroulé globalement dans la paix et a été marqué par un retour notoire des
masses dans les urnes. Mais, il a essentiellement démontré que : « Le
pouvoir au Cameroun n’est pas de tradition démocratique. Il repose dans un moule
de conception souverainiste et autocratique. Ses dirigeants se font mal en
adoptant de façon forcée, les pratiques usuelles en démocratie. Le parti au
pouvoir n’aurait aucune gène à régner seul (démocratie pourtant). Il serait
exubérant au Parlement avec ses deux chambres ; contrôlant la totalité des
conseils municipaux sur l’ensemble du territoire national. La preuve, toutes
sortes de manigances sont entreprises pour ne pas appliquer les règles
d’élégance là ou la proportionnelle devrait logiquement être de rigueur. Dans un
tel environnement où les mentalités politiques demeurent archaïques, ce ne
serait ni la biométrie, ni les machines plus performantes qui viendront
crédibiliser le vote. C’est un tout, c’est-à-dire l’élément humain et la
science en même temps. Pour parvenir à cette conjonction d’actions de manière
harmonieuse, il y a encore un long chemin à parcourir, que nous ne semblons pas
emprunter. » (1).
Pour preuve tant d’irrégularités récurrentes du Rdpc, pour
fausser absolument le verdict des urnes et les farouches manigances et
manipulations pour étouffer, parmi tant d’autres, le courageux Mouvement de la
renaissance du Cameroun dans le Mfoundi. Car, le Mfoundi étant considéré à tort
ou à raison comme son bastion. Cependant, quelques endroits où d’autres forces
politiques étaient mieux organisés pour barrer la voie à ces pratiques funestes,
leurs auteurs ont reculé. Au verdict final des urnes, malgré la misère galopante
au Kamerun, les déchirements internes au sein du Rdpc, le Rassemblement
démocratique du peuple camerounais est toujours victorieux et
hégémonique.
Cependant, ces victoires ne sont que l’arbre qui cache la
forêt. Au Kamerun, la décrépitude morale, intellectuelle et matérielle est
indescriptible. La démocrature qui perdure vide la nation de valeureuses
potentialités. Car même au Rdpc où militent, réellement, quelques rares
Kamerunais, tous les autres citoyens y sont enrôlés d’une façon ou d’une autre
ou simplement embrigadés pour des considérations diverses. Comme au Kamerun
l’Etat-Rdpc contrôle tout, régule et dispense toute évolution sociale et
matérielle, au pire il peut détourner, annihiler ou compromettre toute valeur
individuelle et toute ambition qui ne sont pas mises au service du
Prince-organisateur.
Ainsi l’Etat-Rdpc est une véritable gangrène pour le pays.
Il développe des métastases à tel point que les valeurs humaines dans la Nation
ont un rendement proche de la médiocrité, de peur de trop bien faire, et au
risque d’être accusées de porter ombrage au Prince ou à un baron de la localité,
proche du Prince. Plusieurs proches zélés, dudit Prince, s’activent
habituellement, au-delà des attentes de ce dernier. A tout moment et partout, il
faut psalmodier le nom et les œuvres du Prince-régnant. Même ceux qui ont
choisi une autre voie, celle de l’opposition politique ou de la société civile,
sont plus ou moins absorbés dans cette turbulence infernale. Toute la vie socio
politique nationale est pratiquement en berne.
Heureusement, le double scrutin de 2013 est venu ouvrir les
perspectives d’un autre jour au Kamerun. Car comme le disait Karl Marx :
« Une formation sociale ne disparaît jamais avant
que soient développées toutes les forces productives qu'elle est assez large
pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s'y
substituent avant que les conditions d'existence matérielles de ces rapports
soient écloses dans le sein même de la vieille société. C'est pourquoi
l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre, car, à y
regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne
surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du
moins sont en voie de devenir. »(2).
Aujourd’hui au Kamerun, il y aura un avant et un après 30
septembre 2013. De toutes les façons le parti administratif, le Rdpc, ne
sortira pas indemne de ses dissensions internes, de ses déchirements, de la
permanence de ses fraudes électorales, de l’impact de certaines victoires
acquises par l’opposition, et surtout de cette volonté politique manifestée par
des millions de compatriotes d’avoir osé. Reste que le retour massif aux urnes
des citoyens doit se consolider et que les entrepreneurs politiques se mettent
en devoir de devenir sérieux et déterminés.
C’est à bon escient, que Maurice
Kamto dit : « Nous avons gagné l’avenir » (3).
Quel est l’avenir ?
Seul un changement patriotique donnera une autre et
meilleure orientation à notre pays. Tout autre chemin ne serait que du
saupoudrage et encore, la perte du temps pour une nation déjà exsangue. Pour
l’instant, la voie des urnes est acceptée, malgré tout. Mais, elle ne sera point
efficace pour les patriotes, dès lors, qu’un grand travail de mobilisation et de
conscientisation des masses populaires n’est pas entamé. Le devoir qui nous
incombe, le changement face à une vieille dictature, est pénible et sûrement
lourd de conséquences et de sacrifices.
Même aux urnes, la tâche n’est pas encore assurée. Car, nous
ne cesserons de le répéter, le vote chez nous ne se limite point au dépôt du
bulletin dans l’urne. Il faut surtout être capable de réussir la sécurisation
des vrais résultats. Et le cas échéant, s’apprêter également, si jamais cette
sécurisation s’avérait insuffisante, à réclamer sous toutes les formes et par
tous les moyens jugés appropriés le vrai verdict des urnes. Ce qui requiert
nécessairement une préparation, une formation et une vision
conséquentes.
La preuve, nous avons entendu, Maurice Kamto
déclarer : « Nous avions fait le pari de la
confiance dans les institutions du pays, en particulier celles concourant de
près ou de loin à l'organisation des élections. Manifestement ce pari a été
perdu. En prenant à témoins nos compatriotes, les amis du Cameroun et la
communauté internationale, nous voulons maintenant être le plus clair possible
avec ceux qui nous gouvernent : notre attachement obsessionnel au changement
dans la paix ne doit pas être mal compris. Lors du prochain scrutin dans notre
pays, à la barbarie électorale du RDPC et du pouvoir, nous opposerons, jusqu'à
notre dernier souffle, une résistance citoyenne et
républicaine.» (4)
A écouter, Maurice Kamto, on dirait les
révolutionnaires de l’Upc…
De toutes les façons, il faut se préparer pour s’affronter
aux urnes ! Car mentionnons-le clairement, les élections ne sont pas encore chez
nous, un moment de saine compétition, mais d’affrontement. Alors, si nous ne
sommes pas disponibles à cet affrontement entre un ordre d’aliénation et celui
de la reconquête de notre liberté et souveraineté, aller aux élections ne vaut
point la peine, pour les vrais nationalistes du Kamerun. Et Eric Mathias Owona
Nguini le soulignait pour le cas du Mrc, sur un plateau de télévision : « Le Mrc
peut avoir des victoires politiques au double scrutin à Yaoundé, mais pour
obtenir concrètement ces victoires, il faudrait un fait physique». A bon
entendeur salut…
COMMENT PREPARER
L’AFFRONTEMENT ?
Croire qu’un régime de voleurs et de dictature sauvage et
sanguinaire qui tire sur sa population, comme en 2008, peut accepter
pacifiquement un verdict des urnes contre lui, c’est faire preuve d’une naïveté
politique suicidaire. Seul un équilibre des rapports de force la peut le
dissuader.
Potentiellement, le régime Biya détient un armement
ahurissant, il vient encore de le prouver. Mais aucune armée au monde, ne peut
venir à bout d’un peuple déterminé et surtout bien organisé et uni. Chez nous,
ce qui fait problème, est la détermination de nos dirigeants de l’opposition.
Mais ce peuple qui souffre, saura prendre son destin en mains. Cependant, afin
que cela ne soit encore une autre occasion manquée pour la conquête populaire
du pouvoir, il faudrait que des dirigeants politiques authentiques de
l’opposition assument leurs responsabilités.
Nous, notre armement est le peuple organisé, conscientisé
politiquement et déterminé. Le travail des appareils politiques est de revenir
vers les masses populaires pour les convaincre que : « les hommes et les femmes
ne peuvent pas raisonnablement continuer à se moquer aussi massivement du fait
politique, sans courir le risque d’approfondir l’impossibilité qui frappe la vie
dans leur pays. L’Etat n’est pas seulement le système des institutions du pays.
L’Etat est surtout la scène où joue la Nation. » (5). Nous avons l’impérieux
devoir d’aller à la conquête du pouvoir politique d’Etat. Les politiques doivent
expliquer aux masses populaires, que tout investissement de ces dernières dans
les luttes pour leur survie quotidienne ne constituera que des batailles
ininterrompues, toujours recommencées, tant que le pouvoir politique d’Etat
n’aura pas été conquis. Car c’est le pouvoir politique d’Etat qui indique mieux
la ligne générale et les moyens de transformation d’un pays. Seules les masses
populaires revenues dans les luttes politiques et encadrées par les
progressistes et les révolutionnaires sérieux et déterminés, peuvent permettre
la modification du rapport de force politique actuel, qui demeure pour l’heure,
en faveur des forces anti patriotiques, qui ont instauré la violence
d’Etat.
Seul le retour massif des masses populaires dans la scène
politique peut permettre une forme d’équilibre des forces. Ces dernières doivent
remplir politiquement leurs devoirs citoyens, à savoir : l’inscription massive
sur les listes électorales avec le retrait normal des cartes électorales, la
participation aux activités des formations politiques et leur présence massive
lors des saines manifestations de revendication de l’opposition ou la société
civile. Enfin une présence déterminée, des masses populaires aux échéances
politiques.
Nous sommes responsables aujourd’hui de notre destin
_________________________________________
1- Xavier Messe, Encore du chemin à faire. Mutations
n° 3500. Lundi 07 octobre 2013. P, 3
2- Kar Marx, Contribution à la critique
de l’économie politique. P-P, 19 et 20
3- Maurice Kamto, Nous avons gagné
l’avenir.
4- Maurice Kamto, idem.
5- Raoul Nkuitchou Nkouatchet, Le hiatus
camerounais. Mutations n° 3388. Jeudi 25 avril 2013. P, 15.
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