En République Cacaoyère, on est cultivateur, buveur de vin de palme, mais aussi
électeur selon la saison. Les Blancs ont leurs grandes démocraties, vieilles
démocraties (démocraties séniles ?), système présidentiel, système
parlementaire…
Nous aussi, on a notre démocratie cacaoyère qui a ses
règles. Les Blancs, depuis que nous avons souverainement décidé que les
Conférences nationales étaient « sans objet », et que nous avons achevé d’être
au niveau de « Pays Pauvre Très endetté », n’arrêtent pas de dire que nos règles
démocratiques cacaoyères ne sont pas propres. Nous on leur répond, que de bonnes
règles n’ont jamais été propres, les bonnes règles sont faites pour régler nos
problèmes de République Cacaoyère. On a préféré une démocratie puérile (jeune,
apaisée ?) à des démocraties séniles des occidentaux. Donc, nous on garde nos
règles un point c’et tout !
Ainsi, nous, cultivateurs de cacao, sommes donc allés voter
nos 316 maires et 180 députés avec nos propres règles.
Règle numéro 1 de nos élections : On donne
tout l’argent du financement public des partis après la proclamation des
résultats. C’est-a-dire on donne tout l’argent nécessaire pour gagner les
élections quand les élections sont déjà terminées. Un peu comme si on donnait à
la mariée sa robe de mariage le lendemain du mariage, ou qu’on donnait une
cuillère à soupe quand le bol de soupe a été vidé à la fin du repas.
Cette règle a pourtant deux avantages au moins : elle évite
que les partis n’achètent des électeurs, et elle évite des éclats de voix après
les résultats. On sait qu’en République Cacaoyère, une bouche pleine d’argent ne
parle pas, de peur de perdre son argent. Du coup, chez nous en République
Cacaoyère, il y a la paix « avant, pendant et après les élections ». En fait il
y a la paix partout, les arbres poussent en paix, les oiseaux chantent en paix,
les taxis et moto-taxis conduisent à gauche en paix, on pisse en paix devant les
bars, même les moutons se baladent en paix au centre-ville de notre capitale…Bon
revenons aux règles de nos élections.
Règle numéro 2 : Zéro tendances des
résultats du vote après les élections. En République Charcutière de France, avec
44 millions d’électeurs, on connait les résultats des élections quelques heures
après le vote ; chez nous en République Cacaoyère, avec 5 millions d’électeurs,
il faut attendre quelques jours ou quelques semaines. Pourquoi on ne veut pas de
tendances ? C’est pour la bonne raison que nous, cultivateurs de cacao, on aime
danser. Même à l’église, on danse, même aux enterrements ; on danse partout. Et
une tendance, ça peut vite faire danser les militants des partis avant les
résultats. Donc zéro tendance, zéro danse.
Règle numéro 3 : Zéro candidats
indépendants. Oui, pour être candidat à une élection en République Cacaoyère, il
faut être dans un parti politique, cela évite d’avoir des maires indépendants.
Un maire ou un député indépendant, c’est un danger pour notre démocratie
cacaoyère : il risque de refuser de dormir à l’Assemblée nationale lorsqu’on
vote la loi des finances, il risque de refuser de célébrer les mariages
polygamiques à la mairie, bref il serait comme une chèvre qui n’est pas
attachée, or en République Cacaoyère, la chèvre doit être attachée (par son
parti) pour brouter là où elle est attachée.
Avec ces trois règles, les élections se passent toujours
bien chez nous en République Cacaoyère. C’est-à-dire que chacun des partis
broute là où il est attaché, et laisse les autres chèvres, ou les autres
troupeaux de chèvres brouter là où ils sont attachés !
Peut-on parler d’élections sans parler d’électeurs ? Le
cultivateur de cacao, est quelqu’un d’un peu spécial, il est atteint en ce qui
concerne les élections, de deux maladies qui sont à la fois mentalement
contagieuses, ethniquement transmissibles et socialement compatibles : c’est le
SYDES et la schizophrénie électorale.
Le SYDES, c’est ce que les Blancs appellent
joliment le SYndrome DE Stokholm. Le syndrome de Stockholm, c’est quand
quelqu’un fait ami ami avec quelqu’un qui le maltraite. L’électeur de la
République Cacaoyère, tu l’entends enguirlander ses élus locaux à longueur de
médias, dans les rues, les marchés, les églises, les bureaux… il se plaint du
chômage, des ordures qui trainent dans les quartiers, des embouteillages, du
manque d’eau et d’électricité, des hôpitaux-cimetières. Il dit que la faute au
maire ou au député. Mais le jour du vote, le même cultivateur de cacao va voter
son bourreau de maire ou de député. Il se plaint qu’il gère mal la mairie ou ne
fait pas bien son travail de député, mais miracle ! le jour du vote, il vote le
même maire… c’est ça le syndrome de Stockholm.
L’électeur en République Cacaoyère, il est aussi atteint de
schizophrénie électorale. La schizophrénie, c’est quand deux esprits différents
font ami ami dans le corps d’une même personne. Le schizophrène te dit une
chose, et la minute d’après, il fait le contraire. L’électeur en République
Cacaoyère, il te dit qu’il est contre le tribalisme, le népotisme, mais le jour
du vote, quand il est seul dans l’isoloir devant les bulletins de vote, il va
choisir le frère de son village, ou le membre de sa famille. Quand il sort, il
te dira qu’il a voté le « mérite, la compétence, les valeurs, l’intégrité, le
courage »…Que de jolis mots et principes.
Et comme l’électeur schizophrène refuse d’accepter qu’il est
malade, et qu’il est tribaliste, il te dira que c’est toi qui est tribaliste,
parce que tu vois le tribalisme partout. Pour te mener en bateau, il va te dire
que cultivateurs de cacao de différentes ethnies se marient entre eux et font de
beaux bébés qui font ami ami avec des enfants d’autres ethnies.
Malgré tout cela, ou plutôt à cause de tout cela, notre
démocratie cacaoyère se porte bien. ça nous évite d’avoir comme Barack Obama des
blocages des salaires de fonctionnaires parce qu’il y a trop d’opposants
républicains au Parlement qui bloquent les comptes d’un Etat. ça nous évite
d’avoir des élections trop contestés parce qu’il y a eu trop de tendances
(n’est-ce pas Laurent Gbagbo). ça évite enfin d’avoir trop de députés
intelligents et indépendants qui pourraient paralyser l’Assemblée
nationale.
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/ François Bimogo : LES ELECTIONS LEGISLATIVES ET MUNICIPALES EN REPUBLIQUE CACAOYERE
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