Shanda Tonme n'a pas la langue dans la poche. Une fois de plus il fait une
sortie dans les journaux et parle de la part du Lion que le pouvoir de Paul Biya
s'est offert.
1.- Oui, les bétis ont profité du règne de Paul
Biya, ce que attestent du reste les chiffres, les privilèges par-ci et
par-là. Ce serait tout simplement irréaliste et contraire à la vérité de
soutenir autre chose. C'est tellement vrai que le parallèle avec les Bamilékés
qui ont été carrément écrasés, humiliés et profondément traumatisés sous le
règne de Paul Biya, en sert de témoignage.
Allez donc voir le
pourcentage de bétis recrutés sur les 25.000, il sont plus de 60%. Ils sont
majoritaires dans le commandement, la sécurité, la haute administration. De la
création de l'ENAM jusqu'à l'arrivée de Paul Biya au pouvoir, les bétis ont
constitué environ 20% des diplômés de l'ENAM. Entre 1982 et 2010, ils sont plus
de 60%, pendant que les bamilékés, majoritaires en tout point de vue dans la
population, sont passés dans le même temps d'environ 13 à 15% à entre 5 et
7%.
Les deux provinces du centre et du Sud pour une population trois
fois inférieure à celle de l'Ouest, du Littoral et du Nord ouest, ont deux fois
plus de députés, trois fois plus de ministres. Ils ont confisqué la présidence
de la république au plan technique et politique, les missions diplomatiques
(Rome; La Haye; Le Vatican; Bruxelles; Brasilia). Ils gèrent 75% du budget de
l'Etat au regard de la répartition des responsabilités entre 2000 et 2012. Et
puis, les grands projets dits structurants, c'est encore tous au sud et le
Centre.
Même Atéba Yéné a beau spéculé, il est l'un des premiers
bénéficiaires, disposé par ailleurs à défendre le privilège et le pouvoir de la
tribu jusqu'au bout comme l'a bien montré ses sorties en pleine contestation de
l'élection présidentiel du 9 octobre dernier. Plusieurs sociétés publiques, sont
devenues leur village, et on y communique en langue béti.
2.- Le
ministre Ali que j'ai eu l'occasion de fréquenter et avec qui j'ai souvent
discuté, est quoi que l'on en dise, l'un des plus bavards et des plus
ouverts dans la nomenklatura politique. C'est étonnant de le dire mais je crois
personnellement que contrairement aux autres compatriotes du nord qui savent
dire une chose et faire son contraire, Ali fait ce qu'il dit et dit ce qu'il
fait. Il n'a fait que exprimer une pensée profonde, mais à la fois simple et
réaliste. Voyez-vous, lors du coup d'Etat de 1984, ce qui avait sonné le
ralliement, était moins un amour et une pitié pour le nouveau président, que la
colère de voir des gens qui avaient profité du pouvoir pendant deux décennies,
essayer de l'accaparer par la force à nouveau..
Cela, personne ne
l'acceptait. Il est donc logique que dans l'esprit de la majorité des autres
citoyens de ce pays, il soit proscrit qu'un béti succède à Paul Biya. Même par
le jeu normal et régulier de la démocratie. Il faut cependant rester calé dans
le principe selon lequel, tous les citoyens sans discrimination aucune ont un
égal droit de prétendre au pouvoir. Ce sont les urnes seules dans un contexte de
consultation transparente et démocratique, qui serviront
d'arbitre.
3.- Vraiment, vous parlez de si jamais, mais je vous
invite à nouveau à vous en tenir à la démocratie et à des élections
libres et transparentes. On avait assez spéculé sur le sort des compatriotes du
nord sans Ahidjo. Je constate qu'ils se portent plutôt bien, et tellement bien
que Cavaye Yégué Djibril, président de l'assemblée nationale, n'a pas hésité à
déclarer lors du premier meeting de campagne de Paul Biya à Maroua, qu'ils, eux
de là bas en haut, au nord, sont prêts à verser le sang pour lui. Voyez-vous,
tout ce monde fait des déclarations de guerre avant la guerre, mais il est clair
qu'ils s'agitent tous en pensant aux Bamilékés que tous les plans redoutent,
parce que tous sont conscients des torts immenses causés aux
Bamilékés.
Je dois dire au président de l'Assemblée nationale, qu'ils ne
sont pas seuls à savoir verser le sang et mieux que le soldat le plus apte n'est
jamais le plus excité qui brandit des muscles et profère des menaces. Et puis,
le pouvoir aujourd'hui c'est d'avantage une affaire d'intelligence, de stratégie
à long terme. Il faut se garder de déclarer la guerre sans auparavant avoir
inventorié ses forces, ses atouts.
Aucun compatriote Béti n'a rien à
redouter pace que Paul Biya ne sera plus au pouvoir. Et puis, qui vous dit
d'ailleurs, que Paul Biya fait l'affaire de tous les Bétis. Le concept même
d'ethnie profitant d'un pouvoir autocratique recèle des subjectivismes dans
l'analyse science politicienne et dans la projection de la dialectique des
mutations sociales. On en revient à une théorie plus réaliste qui positionne les
classes exploiteuses confisquant le pouvoir d'Etat, et excluant ou marginalisant
tous les autres, pauvres, non soutenus.
Les enfants de Mebe Ngo'o,
d'Eyebe Ayissi, de Ndong Soumhet et consorts, sont tous passés comme des lettres
à la poste à l'IRIC, à l'ENAM ainsi de suite, mais pas ceux des villageois
pauvres sans soutien de Nguelmedouga, de Nvagan, d'Okola. Enoh Meyomesse, cela
vous dit? Et les grands frères et admirables combattants Mongo Béti, Abel
Eyinga, les connaissez-vous sans doute?
Il faut se rassurer au moins sur
une chose. La démocratie et des élections libres s'imposeront à très brève
échéance au Cameroun, et l'on cessera de faire des calculs politiques en termes
ethniques. D'ailleurs, je suis bien placé et plus que mandaté, pour vous dire
que pour les Bamilékés, l'équation des discriminations ethniques fait plutôt
rire aujourd'hui.
A force de les discriminer, ils se sont forgés une
mentalité de gagnants et de conquérants qui en fait des citoyens en permanence
lancés vers la création de nouveaux espaces et de nouveaux astuces pour réussir,
pour travers ponts, collines et merveilles. Le sort et la destination du pouvoir
dans leur esprit ne passe ni par la guerre comme l'envisage Cavaye Yegué, ni par
la haine, ni par l'abstention.
En ce sens, on ne peut pas conclure sans
reconnaître quand même que dans le contexte d'une alternance, il faudra stopper
le recrutement des Bétis
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