Jeune enseignant d'université, homme politique de premier ordre, essayiste homophobe Charles Ateba Eyéné est décédé aux urgences du CHU de Yaoundé, au Cameroun, le 21 février dernier.
Paul Biya, le président national du RDPC (parti politique au pouvoir, dont le défunt était membre du comité central) ne s'est pas départi de sa désinvolture coutumière vis-à-vis des morts et n'a rien dit. Omnipotent quand il s'agit de ses privilèges, omni-impotent quand ses responsabilités de leader sont convoquées, le Chef de l'Etat semble réserver sa réaction par procuration à l'occasion des obsèques où il enverra plein de charognes se percher sur les tripes de l'illustre disparu.
Trop d'intérêts politiques étaient attachés à sa mort: Essimi Menye, Ama Tutu Muna, Laurent Esso, Jean Nkuete, tous ministres, ont été publiquement et respectivement accusés de faux et usurpation d'identité, inculture et incompétence, tentative de corruption, incurie et incapacité, sans que les mis en cause ne remettent jamais en cause les déclarations hardies de leur camarade du parti.
Si mal connue que nous soit la cause exacte de sa mort, nous nous interrogeons naturellement, avec l'opinion publique, sur la fulgurance de ses "infection pulmonaire et insuffisance rénale" qui semblent avoir été contractées dans les pâturages vénéneux du RDPC, où l'on trouve des criminels reconnus et jugés comme tels par la justice, et forcément aussi des empoisonneurs experts.
La rancune tenace que lui vouaient certains barons du régime, les négligences médicales, tous ces éléments tendent à vérifier les rumeurs plutôt qu'à les contredire. Au sommet de l'Etat, l'on ne se donne pas la peine de la clarification et l'on se permet le luxe de se priver d'une autopsie ou d'une enquête pour recherche des causes de ce décès.
A Yaoundé, l'écriture et les diplômes ont une fonction symbolique et sociologique davantage que proprement intellectuelle. On n'écrit que pour être vu. Charles Ateba Eyéné était le plus vu et le plus audible de tous. A-t-il été une victime du RDPC, qui a commencé la liquidation de ses actifs depuis quelques années, en jetant en prison toutes les fortes têtes jusques et y compris les membres de son bureau politique (Marafa Hamidou Yaya)?
Chales Ateba Eyéné était absorbé par ses fonctions de veilleur social, d'informateur populaire, d'empêcheur de détourner en rond. C'était un observateur averti, mais pas tant un contemplatif, plutôt un homme d'action, c'était un idéaliste, mais guère un rêveur, tourné qu'il était vers la réalisation.
Il avait une grande audience (mais alors trop grande), malheureusement sans efficacité, c'était un animateur plutôt qu'un agitateur, tout le monde l'écoutait, mais personne ne l'aurait suivi. C'est que le gringalet, qui aimait le Cameroun par excès et non par défaut, avait plus de courage que de force.
Qui sommes-nous pour oser avoir peur ?
Yann Bedzigui, jeune camerounais de l'extérieur, fils d'un dissident du regime et doctorant en science politique ne se reconnait pas en cet homme, erronément présenté, selon lui et selon nous, comme un homme de lettres ou un écrivain:
Il n'empêche, notre sympathie va aux forceurs, à ceux qui se construisent à la force de leur poignet, ceux pour lesquels ça n'était pas gagné, ceux qui cultivent l'effort, défendent l'éthique, représentent quelque chose qui va au-delà de leur personne: Charles Ateba Eyéné était de cette race-là, qui comprenait les problèmes de son peuple, en dénonçait les excès, et maniait avec art la parole publique.
Paul Biya, croque-mort malgré lui?
On pourrait comparer le président camerounais à une tortue sénile, dont la carapace s'est épaissie au point de former une croûte imperméable qui ne permet plus à son épiderme de respirer et accélère encore plus sa senescence : cette carapace, c'est son entourage, qui doit considérer que tuer n'est qu'une condition technique de l'éternisation au pouvoir.
Paul Biya, après avoir introduit la notion d'éternité dans la Constitution camerounaise (illimitation du nombre possible de mandats présidentiels), s'apprête à introduire la notion connexe d'hérédité dans sa prétendue démocratie. Pendant que la jeunesse crève, accusée de maladies improbables, notre roi organise des fêtes du souvenir à FCFA 35 milliards ! Ce roi-là doit mourir pour que vive la république.
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