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GUILLAUME SORO À L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU CAMEROUN : « RÉVEILLONS-NOUS ! » par Louis-Marie Kakdeu

L’analyse du discours de Guillaume Soro à l’Assemblée nationale du Cameroun ce mercredi 11 juin 2014 ressort les points saillants suivants :
1. Guillaume Soro a adopté une posture de défiance en prononçant à l'ouverture de son discours le "Me voici donc à Yaoundé" par analogie au "Me voici donc à Douala" de Paul Biya. Il savait donc qu'il est dans le fief panafricain de Laurent Gbagbo et nargue ses adversaires politiques qui pensaient qu'il n'aurait pas le courage de venir au Cameroun.

2. Il ne s'est pas présenté en tant N°2 ivoirien qui parle d'Etat à Etat. Il s'est présenté en tant lui-même qui est un "petit" et un "apprenti parlementaire" devant Cavayé qui totalise 44 ans de parlement. Il a utilisé les pronoms et adjectifs à la première personne "je, me, mon, etc." Il dit à Cavayé être venu « être à votre écoute et à vos côtés ». Dans une relation officielle, la Côte d'Ivoire n'aurait eu aucun complexe devant le Cameroun. Au contraire, dans son discours à la Nation le 31 décembre 2013, la Côte d'Ivoire fait partie des pays désignés par Paul Biya pour prendre 10 ans d'avance sur le Cameroun.
3. Comme je le présente dans mes interviews dans le quotidien ivoirien Révélation d’hier et aujourd’hui, Soro est conscient que le soutien des Camerounais à Gbagbo a été favorisé par le panafricanisme et la lutte contre l'impérialisme français. Alors, Soro s'approprie largement ces concepts et se fait l'ami des camerounais dans cette lutte. Il parle donc du Cameroun dont "les séquelles de la colonisation constituent sans aucun doute un handicap encore plus difficile à surmonter". Il dit être rebelle contre toute forme de colonialisme "Je suis rebelle contre toute politique occidentale, asiatique, américaine ou africaine qui normalise l’injustice, les discriminations, le mépris et l’exploitation quotidienne de l’homme par l’homme."
4. Il justifie sa rébellion au passage en se demandant au nom de quel panafricanisme on a "massacré" le burkinabé et le malien juste parce qu'il était burkinabé et malien. Pour cela, il estime ne pas avoir de mea culpa à faire. Il ditb: "Alors, voyez-vous, je n’ai aucun scrupule et je n’éprouve aucune hésitation à le dire, je me suis élevé avec force contre cette dérive identitaire, contre cette xénophobie rampante, contre cette politique discriminante."
5. Il prêche "l’hospitalité africaine" au cœur de nos Etats, "pour le bien de nos peuples et de nos concitoyens, pour une modernisation harmonieuse de notre continent".
6. Soro propose son aide pour la médiation sociale au Cameroun peut-être en prélude à une éventuelle rébellion des Camerounais contre l’injustice. Il demande les modalités pour « être à vos côtés ». Il dit : "Être à vos côtés, cela signifie revenir sur les problèmes qui se sont posés à nous et sur les procédures que nous avons mises en place pour les résoudre."
7. Soro vante les mérites de la rébellion et crée une curieuse symétrie entre ivoirité et colonialisme. Il dit de façon péremptoire que "Monsieur Gbagbo a amplifié" l'ivoirté qu'il qualifie comme étant "la tropicalisation de la colonisation des Africains par des Africains". Hmmm! On y reviendra dans la discussion. Ce discours a dû être une menace grave pour la face des acteurs du tribalisme d'Etat au Cameroun qui le suivaient et qui ne le soutiendront pas pour cet aspect. J'espère qu'il n'ira pas saluer Paul Biya avec cette idée de rébellion contre le tribalisme d'Etat (Camerounité). D'ailleurs, il demande à être accepté comme Camerounais. Pour cet aspect spécifique, le peuple Camerounais lui offrera directement la citoyenneté !
8. Il dit sans "forfanterie" à son goût que les élections présidentielles, législatives, régionales et municipales ont été en Côte d'Ivoire "unanimement saluées", "transparentes", "ouvertes à tous", "démocratiques", "exemplaires dans leur préparation, leur organisation comme dans leur déroulement". C'est bien lui qui le dit et qui prend les Camerounais à témoin!!
9. Dans les accords politiques, il évite astucieusement de citer les accords coloniaux de Marcoussis en France parce qu’il sait probablement c’est la cause de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire et qu’une fois de plus, ce sont les Français qui ont piloté nos affaires africaines.
10. Il revient sans grande conviction sur les résultats des élections présidentielles en Côte d'Ivoire et parle d'une curieuse arithmétique qui donnerait "un tiers" (et donc les 46%) à Laurent Gbagbo. Si les élections étaient mathématiquement démontrables, en Guinée, Cellou Dalein Diallo qui a eu 43% et s'est allié au troisième qui avait eu 14% au premier tour, serait président de la République de nos jours en lieu et place d'Alpha Condé qui n'avait obtenu que 17% au premier tour. Bref, dans un cas comme dans l'autre, c'est la communauté internationale seule au goût de Soro qui sait certifier les résultats. 
11. Il dit des contre-vérités au passage. En décembre 2010, la Côte d'Ivoire n'avait pas encore ratifiée le traité de Rome qui justifie la présence de Laurent Gbagbo à la CPI. Ce faisant, il exprime une « opinion sélective » en lieu et place de "nos opinions nationales respectives" qu'il dénonce.
12. Implicitement, il accuse Paul Biya qui refuse "d’entendre la voix du peuple et d’accepter le verdict des urnes, quand une consultation électorale a été transparente" de "se rendre coupable d’un véritable déni de démocratie". J'espère qu'on ne transmettra pas ces postures de "rebelle" contre le tribalisme d'Etat et le déni de démocratie à Paul Biya, ce qui pourrait constituer une crise diplomatique.
13. Enfin, Soro a conclu par une leçon de démocratie et cherche à se démarquer de BOKO HARAM qui "ne combat pas l’injustice" comme lui. Il met l'emphase : "Avec BOKO HARAM, ce sont les normes universelles des civilisations africaines qui sont en péril : le respect, l’accueil, le partage, le dialogue, la symbiose réfléchie de nos peuples avec la nature" alors qu'avec lui, Soro, c'est "la dignité des résistances émancipatrices" qui "n’a rien à voir avec la bassesse de ces criminels". Soro a compris qu'on l'accuserait d'être venu au Cameroun pour former Cavayé à la rébellion au nord avec l'aide de Boko Haram.
Pourtant, à la fin de son discours, Soro ne s'empêche pas de lancer un "Réveillons-nous" contre le terrorisme qui peut être diversement interprété car, ce qu’il oublie est qu’un terroriste est un rebelle qui n’a pas gagné. Mandela est resté un terroriste aux USA jusqu’en 2008 ! Si Boko Haram gagne, il trouvera les arguments dans une autre Assemblée pour justifier sa lutte. D’ailleurs, les agrégés de philosophie ne manqueront pas pour rédiger un joli discours sur l’islam et le panafricanisme.
Louis-Marie Kakdeu
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