Des officiers de l'armée camerounaise appendent peu les accusations qu'Amadou Ali porte sur leur déploiement avant et pendant l'attaque de Boko Haram à Kolofata. Dès les aurores du dimanche 27 juillet dernier, sa résidence dans cette localité a subi un assaut de plusieurs centaines d'assaillants armés, soldée par l'enlèvement de plusieurs personnes dont son épouse, Agnès Françoise. Et le vice-Premier ministre en charge des Relations avec les Assemblées dit urbi et orbi qu'il été lâché par les forces de défense et de sécurité, accusation qu'il a portée au chef de l'Etat au cours d'une audience. Notamment, Amadou Ali affirme que le dispositif de sécurité de Kolofata a été allégé quelques temps avant l'attaque de Boko Haram.
Une accusation que réfute l'armée. Selon les officiers des forces de défense, le retrait des troupes opéré dans le Mayo Sava, département qui abrite Kolofata, ne doit pas être sujet à amalgame. Deux jours avant l'attaque de Kolofata, Boko Haram avait surpris les forces camerounaises à Bargaram dans le Logone et Chari, d'où un appel d'hommes effectué dans le Mayo Sava, sous le commandement unifié du colonel Nouma, pour prêter main forte aux troupes postées à Bargaram et ses environs. Dans ce redéploiement, aucun des hommes stationnés à Kolofata n'a été bougé. Au moment de l'attaque de Boko Haram, il s'y trouvait deux gendarmes de faction au domicile d'Amadou Ali. Ces deux soldats ont été les premières victimes des assaillants. Au moment où les éléments de Boko Haram arrivent chez le vice-PM dans leur véhicule aux premières heures de la journée de dimanche, les gendarmes, croyant avoir affaire à la voiture d'Amadou Ali annoncé depuis la veille, ouvrent le portail. Ce seront leurs derniers gestes. A ce jour, l'armée attend toujours les lettres de condoléances d'Amadou Ali pour ces deux hommes morts à son service.
ABSENCE DE CONDOLÉANCES
A Kolofata, étaient aussi positionnés quelques éléments du Bataillon d'intervention rapide (BIR), dont au moins un est tombé les armes à la main à Kolofata. C'est grâce à ce BIR que Boko Haram a perdu deux de ses hommes. Le Bataillon d'infanterie motorisée (BIM) et les patrouilles ordinaires complétaient ce dispositif de défense et de sécurité, soit une vingtaine d'hommes en place à Kolofata au moment de l'attaque. Ce qui est suffisant au regard des effectifs actuels, soutiennent les hommes en tenue. «C'est un cordon de sécurité avancé normal pour un arrondissement frontalier. Que souhaitait Amadou Ali, que tout un bataillon soit mobilisé pour lui? Est-il le président de la République pour que 1 000 hommes soient positionnés pour sa sécurité à Kolofata ?», s'emporte un officier supérieur.
Au-delà de ce dispositif normal, l'armée indique être venue à la rescousse à Kolofata, mais a été retenue à bonne distance par la puissance du feu de Boko Haram. La riposte était faible et l'attaque massive. A la vérité, nos forces de défense et de sécurité ont été totalement surprises par l'attaque de Kolofata et la puissance de feu déployée à cet effet par Boko Haram, au point que toute tentative d'y faire face portait les germes de l'échec parce que improvisée. D'où les critiques que les officiers adressent à l'ancien Mindef. «Lui qui se présente dans les réunions stratégiques à la primature ou à la présidence comme l'homme le mieux informé après le président de la République n'a pas pu savoir qu'une attaque se tramait contre lui. Il devrait afficher profil bas», observe un officier supérieur.
LA FÉBRILITÉ DE M. ALI
Cette remarque trahit davantage un soupçon. Dans le sérail, des témoins croient avoir noté un changement d'attitude de M. Ali la veille de son départ pour Maroua. En effet, le vendredi 25 juillet, le vice-PM, en sa qualité de chargé des Relations avec les Assemblées, prenait part à Etoudi à une réunion au sujet de la convocation des deux chambres parlementaires en congrès dans le cadre de la mise en place du Conseil constitutionnel. «Il paraissait fébrile à ce conclave. En tout cas, ce n'était pas le type qu'on a l'habitude d'avoir en face de nous», confie un participant. Une manière de suggérer que le fils de Kolofata développait une certaine inquiétude à quelques heures de son voyage, inquiétude si forte qu'il n'a pas pu la cacher. «Je n'ai pas été intrigué sur le coup mais après les évènements, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien», glisse la même source.
La suite de l'histoire prête en effet à quelques incrédulités. Arrivé à Maroua samedi 26 juillet, Amadou Ali, dont la réputation de voyageur de nuit est établie, décide de ne pas prendre la route le même jour, mais laisse Agnès-Françoise s'en aller. Son épouse, aujourd’hui otage de Boko Haram, est arrivée à Kolofata ce même samedi à 18 heures, à bord du véhicule de service aux vitres fumées du vice-Premier ministre. A ce jour, Amadou Ali n'a pas donné d'explications pertinentes sur le report de son voyage à lui, même si des sources parlent d'un rendez-vous de négociations avec des interlocuteurs secrets. D'où le choix de faire partir son garde-du-corps avec son épouse. La conviction de quelques officiers de l'armée camerounaise est que le vice-Premier ministre s'est soit jeté dans la gueule du loup ou alors a joué avec le feu. Ils sont persuadés qu'Amadou Ali avait au moins une intuition sur les risques qu'il encourait, intuition qu'il n'a partagée ni avec les forces de défense, ni avec ses proches.
La reconstitution de l'attaque a permis aux forces de défense et de sécurité d'arriver à la conclusion que le vice-Pm était une cible certes, mais que c'est à Kolofata, parmi ses frères, qu'il faut rechercher les traîtres, ceux qui ont donné le signal que la proie était là. Heureusement, ce n'était que son ombre.
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