Une lecture transversale des articles et tribunes libres des sites d’information et autres journaux cybernétiques suscite quelques interrogations et mérite qu’on s’y attarde un temps soit peu. Les papiers qui font le buzz et attirent le plus grand nombre de lecteurs et les forumistes sont étonnamment ceux relatifs au football, aux faits divers, ou qui dénigrent et installent le conflit entre les dauphins présumés de Paul Biya. En revanche, ceux qui traitent des questions de société, de l’économie, de la politique et qui auraient pu renforcer notre socialisation politique, sont généralement les moins courus.
Le but de cette réflexion, n’est en rien de donner des leçons, mais d’attirer l’attention de chacun sur la nécessité de hiérarchiser nos valeurs, véritables gages d’une société forte, comme c’est le cas dans des pays que nous aimons à citer en exemple quand ça nous arrange. La question qui a suscité cette réflexion est de savoir s’il est possible dans un pays qui rêve de l’émergence, de continuer de faire une fixation sur le football, un jeu aux enjeux socioéconomiques indéniables, mais dont la qualité des résultats devraient être tributaire d’une réelle volonté politique et donc d’une planification économique et sociale sérieuse. Le divertissement est tout aussi utile évidemment, doit-il pour autant prendre le pas sur ce qui nous semble faire partie des problèmes vitaux des Camerounais?
Le football et le sensationnel toujours plus populaires que les inscriptions sur les listes électorales
Le match amical international que viennent de livrer nos « lions indomptables » contre la Tanzanie a confisqué pratiquement l’actualité dans les médias, bien devant les inscriptions sur les listes électorales qui piétinent. De l’absence timidement motivée des joueurs de la « bande à Samuel Eto’o » à la défaite des lions, en passant par les supputations sur les raisons fondées ou non de ces absences et sur les sanctions annoncées, les commentaires vont dans tous les sens. Même les récentes débâcles (non qualifications) des lions n’ont pas fait déchanter les gens. La simple présence du nom d’Eto’o dans un article suscite un déchainement des passions, peu importe que ce soit une hagiographie ou un pamphlet.
Malgré la quasi inexistence des infrastructures et l’approche instrumentale du football qui sont gênantes, personne ne peut nier que ce sport soit notre dénominateur commun à tous. Une véritable auto-strangulation érotique pour l’élite compradore, qui n’a pour seul souci que de voir sa progéniture prendre le relais et maintenir le statu quo, un délice du supplicié qui n’y voit qu’un exutoire, un endroit pour rêver, une raison pour prolonger le suspens en espérant que demain sera un autre jour, peut-être meilleur qu’hier. La source de notre engourdissement intellectuel ne réside en rien dans la destination qui est noble, mais dans les atermoiements de gestion et dans l’usage qu’on en fait au quotidien. Le football de ce fait ne s’affiche non plus comme un problème pour les Camerounais, mais le problème des Camerounais.
La responsabilité des médias est souvent mise en cause pour expliquer la ruée des populations vers le sensationnel. Il n’est pas possible de se connecter à une chaine de télévision sans courir le risque de voir à répétition, au cours des programmes conçus pour des besoins de la cause, des faits divers du genre crimes crapuleux…, justice populaire…, humour… Même les médias à capitaux publiques ne dérogent pas à la règle, elles qui ont plus d’exigences en terme d’accompagnement des pouvoirs publiques dans leurs missions d’éducation. Cette analyse n’est pas pour dénier le divertissement comme élément essentiel de détente. Quand il prend le pas sur la formation, il y a un problème. Tout ce passe comme si les lignes éditoriales s’entrecoupaient, tout les médias ou presque font la même chose et disent faire la volonté des lecteurs. Si l’une des missions du journaliste est d’éduquer, on pourrait aussi se demander si cela se peut, en produisant des articles qui ne seront pas lus.
La responsabilité des médias est souvent mise en cause pour expliquer la ruée des populations vers le sensationnel. Il n’est pas possible de se connecter à une chaine de télévision sans courir le risque de voir à répétition, au cours des programmes conçus pour des besoins de la cause, des faits divers du genre crimes crapuleux…, justice populaire…, humour… Même les médias à capitaux publiques ne dérogent pas à la règle, elles qui ont plus d’exigences en terme d’accompagnement des pouvoirs publiques dans leurs missions d’éducation. Cette analyse n’est pas pour dénier le divertissement comme élément essentiel de détente. Quand il prend le pas sur la formation, il y a un problème. Tout ce passe comme si les lignes éditoriales s’entrecoupaient, tout les médias ou presque font la même chose et disent faire la volonté des lecteurs. Si l’une des missions du journaliste est d’éduquer, on pourrait aussi se demander si cela se peut, en produisant des articles qui ne seront pas lus.
Il n’a jamais été question pour nous, de faire de l’alternance ou de l’alternative le seul élément d’évaluation de la qualité de notre démocratie, loin de là. Sauf que notre pays traverse un tournant décisif de son histoire. En effet, le chef de l’Etat qui aura officiellement 80 ans le 13 février prochain, ne peut plus autant donner qu’il en aurait fait durant plus de 60 ans de haute administration. Point besoin de savoir lire dans une lorgnette pour s’inquiéter de la fin qui s’annonce houleuse avec le bal des caïmans qui a commencé. Michel Micho Moussala titrait dans l’un de ses éditoriaux : « Les dauphins présumés de Paul Biya font le mort ». Cette « une » est d’autant plus évocatrice qu’elle présente le mutisme et l’interdiction informelle de l’émergence d’une seconde personnalité, comme des données érigées en règles de gouvernance avec à la clef, l’accumulation illicite d’éventuelles fortunes de guerre, consubstantielles à l’existence du régime. Voilà pourquoi des élections justes et transparentes qui passent par la constitution du corps électoral représentatif des près de 8 millions de Camerounais en âge de voter, sont ô combien indispensables et nécessaires pour la mobilisation de tous, en tout cas, ceux qui comme nous, croient à une dévolution pacifique du pouvoir. Le rayonnement diplomatique que notre pays a connu grâce au football pendant près de vingt ans est en berne aujourd’hui et mérite un toilettage à la hauteur des écuries d’Augias. La politique sportive en générale et footballistique en particulier relève des missions régaliennes de l’Etat qui sont soit la mission des élus, soit des serviteurs de ceux qui ont reçu mandat d’agir de la part du peuple.
Le football a sans doute fait rayonner le Cameroun sur le plan international, mais il n’a en rien, sinon très peu, contribué à résoudre les problèmes des Camerounais qui tournent autour de la pauvreté. Ce sport tel qu’il est géré aujourd’hui, ne construira pas de si tôt les usines pour résorber le chômage, il ne fera pas les champs de maïs et de manioc pour nourrir les populations, comme l’auraient fait les politiques que nous choisissons et qui, par notre vigilance, auraient l’obligation de respecter leurs engagements. Cette vision passe inexorablement par l’inscription sur les listes électorales. Comment donc comprendre que les programmes et titres relatifs aux footballeurs, aux lions indomptables et autres faits divers continuent de prendre le pas sur ceux traitant de l’éducation et de la formation, meilleur moyen pour convaincre et se convaincre de l’importance du « one man one vote ».
Le faux procès des résultats électoraux connus d’avance
Les yeux larmoyants, le constat amer qu’on ferait des charters électoraux qui alimentent les votes multiples, est qu’ils sont constitués essentiellement des jeunes devenus « bois de lance de la nation ». Ces élèves et étudiants pour la majorité sans lendemain, qui ignorent que, par leur transgression, ils contribuent à éterniser un système qui ne fait pas grand-chose pour eux. Cet achat de conscience est l’acte fondateur de la corruption qui s’enracine progressivement dans toutes les sphères de la société, pour la simple et bonne raison que, tout ce qui a été dépensé par le financement occulte de la campagne doit être restitué, et malheureusement par le biais du contribuable.
Tout ce passe comme si seul l’argent relatif au financement des partis politiques intéressait les gens. Dans ce cas, même un foisonnement d’idées ne serait en rien profitable à une opposition électoraliste et « imbécile » (pour reprendre l’expression d’Achille Mbembe), qui refuse obstinément de comprendre qu’une élection se gagne dans la stratégie. En l’état actuel de l’avancement de la démocratie au Cameroun, le statut quo profite au RDPC qui étonnamment, met plus d’énergie dans la mobilisation que les autres. Organiser cent mille fois les élections dans ces conditions, même en l’absence de charters électoraux, des votes multiples, des distributions sélectives des cartes électorales, Paul Biya les gagnerait toujours, avec une majorité plus que confortable dans les deux chambres, pour la simple raison que ceux qui refusent de s’inscrire sont majoritairement à recruter dans les rangs de l’opposition et de ceux qui ont été déçus et désabusés par le renouveau. En revanche, ceux qui votent le plus souvent, et nous sommes désolés de le dire, sont des militants du RDPC. Paul Biya ne serait pas populaire parce qu’il suscite l’adhésion de tous mais parce qu’il aurait réussi à tort ou à raison à fragmenter le camp d’en face. Tout ce que nous disons ici ou presque est bien connu des opposants qui sont généralement brillants et porteurs de projets de société cohérents, mais qui malheureusement refusent de faire foule. L’excuse du bâillonnement n’est plus acceptable, car c’est dans les mêmes conditions que l’opposition a su constituer un bloc au Sénégal pour battre Wade.
En dehors de Kawalah, dont la sortie peut être qualifiée de tardive, il faut le dire, qu’aucun opposant ou presque, ne s’est prononcé publiquement sur les crimes rituels de Mimboman, accréditant la thèse de l’envoûtement collectif et de l’abandon des populations à leur triste sort, comme nous le disions déjà dans une récente tribune. Or il s’agissait là d’une occasion idoine d’assistance des populations, qui ne nécessite en rien qu’on mobilise de gros moyens, dont l’absence est très souvent la belle excuse de l’opposition, mais qu’on vienne à l’africaine apaiser les cœurs des familles endeuillées, en espérant que le don moral qu’on fait pourrait justifier un éventuel contre don au demeurant. La « politique tontine » n’est pas une invention camerounaise, on la rencontre dans toutes les démocraties bien qu’à des échelles et des logiques différentes. Attendre que tous les médias s’en émeuvent avant de se réveiller de son profond coma s’appelle de la récupération politique qui, à défaut d’être sanctionnée par le peuple dans une démocratie, est sévèrement réprimée dans un Etat militarisé comme le nôtre. Sans toutefois remettre en question le rôle ô combien salutaire qu’a joué cette activiste en tant que femme politique, force est de reconnaitre qu’elle aurait davantage non seulement gagné en sympathie mais aurait réduit la marge de manœuvre de ses bourreaux, si elle avait anticipé. Dans un camp comme dans l’autre, pourquoi attendre « sept morts » pour réagir ? Un seul mort, des suites d’un crime aussi crapuleux, mérite qu’on s’y intéresse aux premières heures du forfait constaté.
L’année 2013 est une année électorale d’envergure. Elle risque de cumuler trois élections parmi lesquelles les élections sénatoriales attendues depuis la constitution de 1996. Avec un peu de lucidité, on peut constater que la refonte biométrique, voulue par tous, est une grande première au Cameroun. Elle a l’avantage qu’on peut aujourd’hui récupérer sa carte électorale dans un délai sans précédent et réduire du coup la fraude électorale qui passe aussi par la distribution sélective des cartes d’électeurs. Seulement, comme lors des précédentes élections, sur les sept millions d’inscrits attendus, moins de quatre millions sont effectifs.
Le refus de s’inscrire sur les listes électorales peut être compris comme le désamour que les gens ont aujourd’hui de la politique et des hommes politiques, tant du parti au pouvoir que de l’opposition. La longévité au pouvoir n’aurait pas été tant que ça en débat, si le Renouveau faisait preuve de bonne foi en s’attelant effectivement aux problèmes des Camerounais, qui manquent de tout, même d’eau potable. Bruno le Maire, ancien ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, affirme dans son récent ouvrage (Jour de pouvoir) que la vérité du pouvoir n’est pas dans sa conquête, encore moins dans son bilan, mais plutôt dans son exercice. Cette pensée sonne pour nous comme une forte interpellation pour les partis de l’opposition qui n’ont toujours pas compris qu’on est en campagne tous les jours, qui n’ont toujours pas compris que leur plus grand défaut réside dans leur incapacité à mobiliser les électeurs, qu’ils démobilisent à force de se démultiplier en plus de trois cent partis politiques.
Quand Guy de Maupassant affirme que : « Le peuple est un troupeau d’imbécile tantôt stupide, patient, et tantôt férocement révolté. On lui dit : « Amuse-toi », il s’amuse. On lui dit : « Va te battre avec le voisin », il va se battre. On lui dit : « Vote pour l’empereur », il vote pour l’empereur. Puis on lui dit : « Vote pour la république », il vote pour la république», Il nous semble être beaucoup moins dans l’invective que de reconnaitre toute la capacité du peuple à rebondir et à défier l’oppression. Il semblait également magnifier la prise de conscience dont il sait seul faire preuve. Cette pensée en appelle à notre esprit de discernement, notre capacité de choisir nos priorités qui ne nous semblent pas se trouver dans le football tel que conçu et géré actuellement, ni même dans tous ces exutoires temporaires qui ne nous soulagent que le temps d’un sourire, mais dans notre capacité à nous autodéterminer, à nous exprimer, à agir. Quand on est en fin de règne comme c’est le cas au Cameroun, la qualité l’alternance où l’alternative constitue des éléments essentiels d’évaluation de stabilité et du niveau d’avancée démocratique. Nous gagnerons à renforcer notre socialisation politique, qui passe inexorablement par le choix de nos lectures et nous permet de mesurer la valeur d’un vote quand il est valablement exprimé. Qu’on soit proche ou contre le pouvoir, la fraude électorale que nous redoutons tous, à pour fille le refus de s’inscrire sur les listes électorales, car plus on s’inscrit et on contrôle son vote, plus on réduit les marges de manœuvre des fraudeurs.
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