L’ancienne gare ferroviaire de Nkongsamba à l’entrée ouest de la ville n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ce haut lieu de toutes les attractions où se concentraient toutes les activités économiques (du petit commerce aux grands industriels) est depuis seize ans désert. Depuis le 25 novembre 1991, un train de l’ex-Régie nationale de chemin de fer (Régifercam) y a sifflé pour la dernière fois. Malgré les cris, les grincements de dents et les pleurs des populations.
Car, Le puissant réverbère qui illuminait une partie importante de la ville s’est aussi éteint, plongeant les populations dans le désarroi. Après avoir sifflé ainsi quotidiennement pendant 80 ans. “ Chaque fois, cela suscitait un mouvement de foule intense, une joie indicible puisque le sifflement de la locomotive annonçait l’arrivée ou le départ d’un train ”, se souvient Ko’oh, sexagénaire.
Aujourd’hui, la clôture d’accès est inexistante. Les rails entamés par la corrosion sont enfouis dans la terre. Les herbes folles ont envahi le périmètre.
Les bâtiments principaux servent désormais de maison d’habitation à plusieurs familles. Les magasins sont occupés par les usiniers. Les occupants auraient obtenu le droit de propriété auprès du liquidateur, Benoît Atangana. Ce dernier aurait réussi à obtenir auprès des autorités compétentes un titre foncier sur le site de la gare routière. Les rails du chemin de fer du nord (Bonabéri – Nkongsamba : 160 Km) ont été vendus depuis la mise en liquidation de l’ex-Régifercam au groupe Fokou. “ Un de ces quatre matins on a vu les ouvriers de cet opérateur économique à l’œuvre, démontant sous nos regards impuissants les rails sur tout le tronçon. Nous avions compris que tout espoir de revoir le train arriver à Nkongsamba n’était plus possible”, déclare M. Ngamaleu, habitant Manjo.
La gare ferroviaire de Nkongsamba fait désormais partie des sites historiques. Un des symboles d’un patrimoine séculaire que défend bec et ongle, Emmanuel Ngollo Ngame. Le délégué du gouvernement auprès de la Commune urbaine de Nkongsamba s’est opposé à la destruction des vestiges de cette gare routière. Elle est issue des projets de construction des deux embranchements du transcamerounais de 1903.
Il s’agit du chemin de fer du centre (Cfc) allant de Douala à Yaoundé et du chemin de fer du nord (cfn) prévu pour aller de Douala au Tchad. C’est une réalisation de la société Kamerun Einsebahn Gesellschaft. L’un en direction Ouest-Est vers Yaoundé, ce sera le chemin de fer du centre (Cfc), l’autre de direction Sud-Nord vers le Moungo, ce sera le chemin de fer du nord (Cfn). Personne ne sait toujours pourquoi la voie ferroviaire s’était arrêtée à 10 km de Baré alors poste administratif de l’époque.
Grâce à sa situation de terminus de chemin de fer, la ville de Nkongsamba était devenue une ville carrefour au point d’étendre son influence considérablement sur tout le pays.
Le café a été bu jusqu’à la lie
Y a-t-il lieu d’espérer au réveil du département du Moungo ? Le département jadis prospère, avec une activité agricole de rente florissante, est depuis le début des années 90 tombé dans l’obsolescence. “ Regardez la ville, elle est en déclin à cause de la chute des cours du café. Ce sont les conséquences de la chute drastique des cours du café. Il avait atteint le prix de 2000 Fcfa le sac de 50 kg, au lieu d’une quarantaine de mille. Etant la principale activité et la source principale des revenues, les populations ont tout simplement jeté les machettes et abandonné leurs champs et par ricochet l’agriculture ”, raconte Mme Elise Esther Tchuenkam, sexagénaire.
Aujourd’hui les populations ne manifestent aucune volonté de reprendre le chemin des champs où seuls les enfants y vont encore et y mènent une agriculture de subsistance. Ils y récolent tout de même les cerises des caféiers florissants. Il ne fait aucun doute que les plantations sont vieilles (de plus de 30 ans), la main d’œuvre aussi. L’exode rural a vidé ce département de sa jeunesse. Depuis lors, les populations attendent le miracle. “ Les cours sont remontés, on achète déjà le sac de 50 kg à 20.000 Fcfa, mais rien n’y fait, nous n’avons plus les forces et les populations n’ont plus le cœur à l’ouvrage. Les intrants reste chers du fait de l’imposition fiscale ” renchérit Mme Tchuenkam, encore active, grâce au mouvement associatif. Elle est présidente du Binam, le plus puissant regroupement associatif des femmes dans le Moungo.
Les hommes du troisième âge se souvient encore de l’instauration de la culture du café par le proconsul Marius Pascalet, conducteur des travaux agricoles, nommé chef de poste agricole de Nkongsamba le 14 décembre 1938. Il fut la cheville ouvrière de la politique française relative à l’instauration du café dans le Moungo. Cette politique voit le jour en 1924 avec la création dans les villes d’Ebolowa, Nkongsamba et Dschang des centres expérimentaux régionaux de la culture du caféier eu égard aux possibilités qu’offraient le climat et le sol.
C’est ainsi que Ebolowa et plus tard Nkongsamba fut choisi pour la culture du Café Robusta et Dschang pour la culture du café arabica. Le pourvoir colonial ira plus loin en réglementant par un arrêté du 31 juillet 1933 la culture caféière réservée aux colons et à Nkongsamba uniquement. Ce n’est qu’en 1945 qu’elle est vulgarisée dans le département du Moungo. Donnant la possibilité aux nationaux (indigènes) de pouvoir créer les plantations paysannes. Dans ces plantations on retrouvait un peu de tout : caféier, cacaoyer, kolatier, bananiers, arbres fruitiers, tubercules et légumes qu’on y retrouve encore aujourd’hui. C’est la plus importante part des revenus dans certaines familles.
Une fête du café fut lancée pour témoigner sa reconnaissance à cette culture qui était le poumon économique de tout un département. Son promoteur est Alphonse Siewe alors maire de Melong. “ Il créa la fête du café pour encourager les planteurs ”, reconnaît M. Ngandeu, fils d’usinier. Elle prit une ampleur et devint une véritable institution au point que les autorités administratives la ramenèrent à Nkongsamba. Et chaque édition annuelle était pratiquement un mini-comice agropastoral régulièrement présidée par deux ministres au moins. Celui de l’agriculture et celui du plan et de l’aménagement du territoire.
Malheureusement, cette grande fête agricole a été interrompue en 1977 par une manifestation agro-pastorale plus importante le comice de Bafoussam. Dès cet instant elle va balbutier pour disparaître définitivement en 1982. Le très controversé délégué du gouvernement de Nkongsamba Emmanuelle Ngollo Ngama, va essayer de la rétablir à travers sa politique qui visait à sauver tous les symboles historiques de cette ville. Cette idée n’a pas prospéré. Elle va mourir de sa belle mort en début 2000.
Par ailleurs, les usines de café (Tzouvelos, Gortzounian, et autres) sont l’abandon avec des machines en bonne état. Passant de main en main à travers des liquidations faites à des prix dérisoires. Seules quelques petites unités résistent encore.
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