Monsieur le Président,
Lors de votre dernier discours prononcé à Dakar, vous avez évoqué la
question de Thiaroye, ce mouvement de revendications de tirailleurs dits «
sénégalais » sortant des camps de prisonniers de guerre allemands et
tragiquement réprimé dans le sang au matin du 1er décembre 1944.
L'année 2014 marque le centenaire du déclenchement de la Grande Guerre mais
également le soixante-dixième anniversaire de cette tragédie. Alors qu'une
série d'initiatives à caractère historique et mémoriel est prochainement
organisée par le Sénégal et la France, la question de Thiaroye sera
immanquablement au cœur des discussions et ne manquera pas de susciter de
nouvelles controverses.
Devenue un symbole en Afrique, la tragédie de Thiaroye est aujourd'hui encore sujette à polémiques et
discussions. L'Histoire scientifique n'a pu que très sommairement s'emparer du
sujet.
Ne serait-il pas temps qu'un véritable travail historique et scientifique sur le sujet puisse voir le jour ? Vous avez été ainsi saisi en octobre 2012 du sujet des archives de l'événement par Madame Armelle Mabon. Depuis, de nouvelles pièces ont été retrouvées et mises à sa disposition, lui permettant de rédiger une "synthèse" de l'événement récemment remise à vos services. Si effectivement de nouveaux faits apparaissent, l'omission d'autres archives et témoignages, des conclusions hâtives et autres raccourcis incohérents, témoignent de la partialité de ce travail.
Docteur en Histoire et chercheur associé à l'unité de recherche CHERPA de
l'Institut d’Études Politiques d'Aix-en-Provence, spécialiste reconnu
internationalement de l'Histoire des soldats africains de l'armée française, je
vous propose la constitution d'un comité d'historiens franco-africains chargé
de travailler sur le sujet.
Ce comité devra faire le point sur les sources aujourd’hui existantes en France, en Afrique, aux
États-Unis ou en Grande-Bretagne, les traiter, les analyser, les vulgariser,
les rendre publiques. Ce comité devra rendre publics ses travaux, mais
également ses questionnements, ses désaccords et les limites de ses
conclusions. Car l’Histoire est ainsi faite, indispensable mais imparfaite,
pleine de trous et source illimitée de réflexion.
L'annonce de la création d'un tel comité prouvera l'ouverture d'une France
qui accepte de regarder et d'étudier son Histoire, y compris la plus
douloureuse. Elle démontrera également sa volonté de s'affranchir des vaines
controverses qui jusque-là n'ont pas permis à la connaissance de l'événement de
s'établir.
Les bases scientifiques qui seront ainsi établies par ce comité pourront
permettre la création d'instruments de vulgarisation et de connaissance
accessibles au plus grand nombre, Français comme Africains.
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