Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

Cameroun - Paul Biya: l’Observateur des Nations Unies d’Etoudi Par Hervé Blaise Menguele

Depuis son accession au pouvoir en 1982, Paul Biya n’a eu de cesse de semer le trouble dans les esprits sur la nature même de son rôle à la tête du Cameroun. L’on se serait attendu, en tant que premier citoyen et dépositaire du pouvoir suprême, à ce qu’il mobilise toutes les énergies aux fins d’imprimer le rythme des reformes et de favoriser l’avènement d’un pays moderne.

Mais loin d’incarner ce chef au front qui ne lésine sur aucun moyen pour faire aboutir les projets qui lui portent à cœur, il s’est plutôt cantonné dans sa tour présidentielle d’Etoudi, totalement déconnecté des réalités quotidiennes des camerounais, vivant en déphasage total d’avec ses aspirations profondes. L’impression qu’il dégage est celle d’un homme qui se serait retrouvé par hasard à la tête d’un Etat et qui, par conséquent, peine à saisir le sens même de ses attributions d’où son incapacité à véritablement incarner la fonction et à s’accommoder des nombreuses exigences en termes de performance, de coordination et de suivi des actions gouvernementales dont-il est le garant.


Conséquence, le Cameroun avance à tâtons, chavire au gré du vent qui souffle, rame à contre courant des exigences modernes en matière de gouvernance. Dans ce triangle de plus de 20 millions d’habitants, le temps semble s’être suspendu un matin de 1982. Le long sommeil dans lequel le pays est plongé depuis cette date a répandu un immobilisme total dont les symptômes les plus visibles sont la prévarication et la beuverie généralisées. Les fonctionnaires de la république, garants supposés de l’intérêt collectif et du service public, ne travaillent plus, préférant abandonner leur bureau pour les multiples « tournedos » qui prolifèrent aux abords des lieux de service et dans lesquels ils émiettent l’économie nationale, la spolient à travers des services parallèles qu’ils offrent moyennant rétribution.

Insensible, Paul Biya ne dit rien. Et quand il décide enfin de libérer sa parole, c’est pour se livrer à un exercice invraisemblable de « marabout » qui pose des diagnostics mais qui est incapable de contrer la maladie qui se métastase. On dirait un Observateur des Nations Unies qui n’a aucune influence sur la politique du Cameroun, qui ne dispose d’aucune marge de manoeuvre pour inverser le cours des choses, et qui se contente, impuissant, «  de dresser le chapelet des maux dont souffre le pays et qu’il aura pourtant contribué à exacerber. » Un rôle que Paul Biya affectionne et dans lequel il excelle.

Un Observateur de l’ONU ne tranche pas en effet. Il ne fait qu’enquêter et poser des diagnostics qu’il transmet à sa hiérarchie dans un rapport et attend que celle-ci entame les consultations nécessaires ou qu’elle prescrive les mesures qui s’imposent. Son rôle se limite à constater et à retranscrire le fruit de ses observations, comme le révèle si bien Jean-François Marchi : «les observateurs ont un mandat pour surveiller ce qui se passe et rendre compte de la situation. Malheureusement, ils n’ont aucun pouvoir de contrainte.»

Dans son adresse à la Nation du 31 décembre 2013 par exemple, Paul Biya, ironiquement lucide, s’étonnait des échecs à répétition qui jalonnent sa présidence. « Nous disposons, disait-il alors, d’une stratégie pour la croissance et l’emploi qui indique la voie à suivre pour atteindre nos objectifs. »

Ce premier constat établi, la suite laisse songeur « Mais d’où vient-il donc, s’interroge-t-il, que l’action de l’Etat, dans certains secteurs de notre économie, paraisse parfois manquer de cohérence et de lisibilité ? Pourquoi, dans bien des cas, les délais de prise de décision constituent-ils encore des goulots d’étranglement dans la mise en œuvre des projets ? Comment expliquer qu’aucune région de notre territoire ne puisse afficher un taux d’exécution du budget d’investissement public supérieur à 50 % ? Enfin, il est permis de s’interroger sur l’utilité de certaines commissions de suivi de projets, qui ne débouchent sur aucune décision. » A quand donc les réponses ?

               Dans une autre adresse à la nation un an plus tôt, le 31 décembre 2012 en l’occurrence, l’Observateur des Nations Unies qu’est Paul Biya, faisait une fois de plus étalage de son savoir-faire : « Je suis bien conscient en effet que nous devons encore compter avec l’inertie, l’incompétence, voire la malveillance de certains qui freinent notre redressement. S’y ajoutent la corruption sous diverses formes et la fraude dans la passation des marchés publics. […]Les dérèglements en question sont d’autant plus condamnables qu’une partie appréciable de notre population connaît encore des conditions de vie difficiles. Ces comportements délictueux […] nourrissent les critiques de ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur, ne veulent pas reconnaître les progrès que nous avons accomplis au cours des dernières années. Nous serions, selon eux, «  immobiles.»

 Le conditionnel « serions » devrait-il vraiment être convoqué dans l’extrait qui précède ? Car les faits sont là et peuvent être observés et analysés par tous. Il n’est point nécessaire de disposer de capacités exceptionnelles pour constater que le Renouveau n’a besoin d’aucun oiseau de mauvaise augure pour mettre à nue ses carences. Ceux qui nous gouvernent, avec à leur tête Paul Biya, s’en chargent eux-mêmes à merveille.

Le contrat de confiance entre l’élite dirigeante et le peuple est rompu à cause des innombrables occasions manquées. La parole politique a perdu de sa valeur et ce, malgré quelques effets d’annonce comme par le exemple le plan national d’urgence que les griots du régime brandissent dorénavant comme LA trouvaille du siècle censée propulser le Cameroun dans l’émergence en 2035. Mais le temps, malgré ses apparences statiques, passe implacablement. Un jour le Cameroun se réveillera bien le dimanche 1er janvier 1935 et il sera question alors d’évaluer le chemin parcouru. Nos héritiers sauront faire preuve d’objectivité et jugerons Paul Biya tel qu’il survivra à la postérité.

Par Hervé Blaise Menguele


Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.