Notre dernière édition avec à la une: « Essimi Menye invité à rendre l’âme sur place : il les crée et les laisse mourir », a connu un réel écho, comme le témoigne les nombreux commentaires à travers les médias et les coups de fils que nous avons reçus. Nous remercions ceux qui s’y sont intéressés, tout en déplorant le fait qu’une minorité ait cru que notre intention était de défendre le ministre déchu, qui représente pour beaucoup le « mal absolu ».
Une précision s’impose : en proposant de laisser cet homme aller se faire soigner où il le souhaiterait, nous n’avons pas su exprimer le fond de notre pensée. Bien entendu, il n’est pas question que l’Etat finance cette évacuation sanitaire. L’ex-ministre devrait nécessairement prendre en charge tous les frais y afférents. Nous ne pensons pas que la difficulté se trouve à ce niveau.
Mais ne comptez pas sur nous pour inciter à envoyer un homme à la « guillotine » : si cela avait été une solution constructive, cela se saurait. Les habitués savent bien ce qui se passe dans la tête de ceux que le Chef de l’Etat relève de leurs fonctions : ces derniers sont littéralement détruits. Si Essimi Menye est vraiment malade, cet état découlerait de sa récente sortie du gouvernement et surtout de la perspective de se retrouver dans la même situation que son ennemi d’hier, Polycarpe Abah Abah. Il n’est plus, à notre avis, qu’une « loque humaine », une espèce de « mort-vivant ». Pas la peine d’en rajouter, au risque d’en faire une victime.
Des hommes destitués par le système qui deviennent des proies faciles
S’il se rend en Occident et refuse de rentrer, une condamnation par contumace est toujours possible, avec un mandat d’arrêt international à la clef. Bien que son extradition (s’il n’a d’ailleurs pas un second passeport français ou américain) soit improbable, ses biens pourraient être confisqués. Il devra alors se terrer en Occident, sans courtisans, anonyme parmi les anonymes. Croyez-nous, pour ces personnages, l’exil est parfois pire que la prison. Ne vous étonnez d’ailleurs pas que face à une telle situation « insupportable » et « dégradante », il ne rentre de lui-même afin de se constituer prisonnier : au moins au cours des diverses audiences au tribunal, il sera la « vedette » du jour et les médias seront là pour rappeler à tous, l’homme important qu’il fut.
Nous exagérons à peine, tant l’histoire qui va suivre peut concerner tout l’entourage éloigné ou proche du président de la République. Un autre « golden boy » (Yves Michel Fotso), pris dans une tourmente judiciaire fut autorisé, contrairement à Essimi Menye, à se rendre à l’étranger pour continuer sa carrière professionnelle ; au grand dam d’un Atangana Mebara poursuivi en même temps que lui dans l’affaire dite de « l’avion présidentiel ». A l’occasion de ce départ, une gigantesque fête où le champagne coulait à flot, comme de l’eau au barrage hydraulique d’Edéa, fut organisée dans son Bandjoun natal. Il annonça alors son installation définitive en Indonésie. Comment vivre dans un tel pays où on « mange à la sueur de son front » et non selon l’épaisseur de ses connexions politiques ? Où on sera un résident parmi les plus de 200 millions que compte l’archipel ?
Quelque temps plus tard, il nous est revenu en catimini avec les conséquences qu’on connaît : des années de prison « très fermes ». Sans doute, les soirées où il était la vedette au Cameroun lui manquaient beaucoup.
Lorsqu’il arrivait à Yaoundé et la rumeur de sa présence se rependant dans la ville comme un « feu de brousse sous l’harmattan », les fêtards qui avaient commis le « crime » d’aller se coucher dès 23 heures étaient contactés en catastrophe par leurs alliés « plus avisés ». Tout ce beau monde devait se retrouver, « toutes affaires cessantes », dans une célèbre boîte de nuit de la capitale.
Yves Michel Fotso en vedette absolue
L’arrivée de notre homme vaut la peine d’être racontée en détail: dès sa sortie d’un véhicule au nom imprononçable, les vigiles accouraient, respectueux, presque concupiscents, prononçant une formule maintes fois répétée: « bonjour, prési !!! Ça fait longtemps !!!». Dès l’entrée dans la boîte de nuit, le Dj prenait la meilleure intonation de sa voix pour annoncer l’arrivée « du président », entraînant un murmure approbateur finissant par être assourdissant.
Lorsque ce dernier condescendait, après un délai raisonnable, à entrer sur la piste de danse, les choses montaient en intensité. Toutes les plus jolies dames de la soirée l’entouraient en esquissant des pas de danses suggestifs et sans équivoques. Les « fêtards » n’étaient pas en reste, frappant des mains en essayant de suivre le rythme. Certaines filles faisaient preuve d’imagination en criant à tue-tête, toujours en se trémoussant : « bô goss !!! (beau gosse), bô goss !!!». D’autres plus inspirées, risquaient de détruire leurs cordes vocales avec des «Sexy boy !!! sexy boy !!!». La vedette de la soirée ainsi encouragée, s’enflammait littéralement sur la piste de dance.
La suite des « festivités » était plus « ludique ». Il était quand même important de féliciter tous ces gens qui, bien que du « petit peuple », savaient néanmoins « apprécier l’art à l’état pur ». Une tournée générale était organisée. Les servants et les caissiers en profitaient au passage pour faire payer le double de bouteilles réellement placées sur les tables.
Que vaudrait une telle soirée sans une séance de « farotage » ? C’est ainsi qu’une des jeunes filles, certainement la plus dégourdie, pouvait prononcer le « verdict » final au nom de tous: « Prési, il n’y a que toi : on t’aime ». Un beau billet craquant dans la poche, une excellente boisson sur la table : dans ce milieu, « l’amour » est à ce prix.
A la fin, tout ce beau monde était content : les flatteurs et le « flatté ». Les servantes, les caissiers, le propriétaire de l’établissement. Qui peut dire que « la vie n’est pas belle » au Cameroun ? Où pouvez-vous trouver un tel public aussi « connaisseur » et « enthousiaste » en Occident ?
Qu’on laisse Essimi Menyé, et tous les autres, aller se faire soigner à l’étranger à leurs frais, en prenant juste le soin que tous leurs biens apparents ou dissimilés soient donnés en guise de caution. Certains parmi eux nous reviendront très vite, ne pouvant supporter longtemps « l’enfer de l’anonymat » qui règne en Occident.
Mais en réalisant le dossier qui va suivre, une autre idée nous est venue à la tête, parce que l’ex-ministre ne doit pas mourir, ou du moins pas maintenant, sans donner des explications sur ce que nous avons découvert. Pourquoi ne pas faire venir du monde entier, s’il le faut, les meilleurs spécialistes en médecine pour le sauver sur place? Le pays n’a rien à perdre au contraire, tant ce monsieur est au cœur de nombreux scandales ayant fait perdre à la communauté des sommes folles. Il serait trop « facile » pour lui de mourir maintenant, sans qu’on ne sache ce qui s’est réellement passé.
II- D’OU VIENT ESSIMI MENYE ? COMMENT SE RETROUVE-T-IL A LA TETE DU MINISTERE DE FINANCES ?
Des parrains puissants aux Usa et au sein de la présidence de la République
Des parrains puissants aux Usa et au sein de la présidence de la République
L’ascension d’Essimi Menye montre bien le clientélisme et le tribalisme qui règne au Cameroun depuis le 06 novembre 1982. Nous ne cessons de le dénoncer, rappelant tout le temps qu’hélas, le « béti ordinaire » en paiera le prix un jour alors qu’il est parmi les plus mal lotis de cette République. Une minorité de la même ethnie autour du chef de l’Etat se partage les meilleures places où circule l’argent (Voir le nombre de victimes béti dans l’opération dite « Epervier »), en combattant tous ceux qu’elle trouve sur leur chemin.
Essimi Menye, qui n’a rien de Lazare à ce moment-là, est un « Consultant en statistiques pour la lutte contre la pauvreté » à la Banque mondiale (Bm), lié par un contrat à court terme. Un Camerounais répondant au nom d’Eugène Nyambal, qui a été chef de mission à la Banque mondiale, se retrouve au Fonds monétaire international (Fmi) en 2000 comme « Conseiller principal de l'Administrateur pour l'Afrique » et prépare le dossier Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) pour le Cameroun.
En 2002, l’Equato-guinéen Ondo Menye devient administrateur pour l'Afrique au Fmi. L'ambassadeur du Cameroun aux Usa Jérôme Mendouga et Atangana Mebara, alors secrétaire général à la présidence de la République (les deux ont été victimes de Paul Biya par la suite, l’ambassadeur trouvant même la mort en prison) sont fortement soupçonnés d’avoir fait du lobbying auprès de leur « frère de la forêt » Ondo Menye, pour trouver du travail à Essimi Menye.
Est-ce d’ailleurs normal, sous le Renouveau, qu’un « Bassa » s’occupe des affaires d’argent du Cameroun au sein du Fmi ? Eugène Nyambal, qui était pourtant le Camerounais occupant le poste le plus élevé dans cette institution, est contraint de laisser le dossier Cameroun à Essimi Menye en fin 2003 qui vient de quitter la Banque mondiale pour rejoindre le Fmi comme Conseiller, grâce aux bons soins d’Ondo Menye, le nouvel Administrateur pour l’Afrique et proche de Jérôme Mendouga et sa galaxie. Pendant ce temps, le pauvre Eugène Nyambal, sans doute « ethniquement » inapte, fait le chemin retour vers le groupe Bm à la Société Financière Internationale (SFI), la filiale Banque d’Affaires du groupe Banque mondiale avant de revenir à son poste au FMI en 2007 après la nomination d’Essimi Menye au Gouvernement.
Essimi Menye va rester ainsi deux années au Fmi. Avec des parrains comme l’ambassadeur Jérôme Mendouga, le tout-puissant secrétaire général de la présidence de la République Atangana Mebara, et plus tard celui qui est alors ambassadeur du Cameroun à l’Onu (Belinga Eboutou, actuel patron du Cabinet civil à la présidence de la République), il est présenté à Paul Biya comme un expert financier de très haut vol.
Cela tombe bien, car notre homme est originaire de la Lekié et avec un tel avantage, il peut un jour être utile au système. On l’utilisera d’ailleurs plus tard au sein du gouvernement pour remplacer son « frère » de la Lekié Henri Engoulou, au poste de ministre du Budget : cet ancien ministre décèdera lui-aussi, dans les prisons de Paul Biya à la suite de l’opération « Epervier », précisément dans l’affaire « Lydienne Eyoum ». (Voir notre dernière édition).
La montée en puissance du duo Akame Mfoumou / Abah Abah et leur descente en enfer favorisent l’ascension d’Essimi Menye dont le prénom Lazare apparaît
On ne peut pas comprendre l’ascension de l’homme qui a la tête d’un « chef bandit dans un film chinois », si on ne commence pas par rappeler celle du duo Akame Mfoumou / Abah Abah. Tout le cynisme du disciple de Machiavel (Paul Biya) est étalé au grand jour.
Sous Ahmadou Ahidjo, Akame Mfoumou travaille au premier ministère occupé alors par Paul Biya. En 1984, il est nommé Directeur général de la Bicic (aujourd’hui Bicec) par le Chef de l’Etat. Il a, de l’avis de ses anciens collaborateurs, été un excellent patron pour qui le tribalisme par exemple n’avait pas de place, l’essentiel étant la compétence des individus. Alors que les français avaient décidé d’avoir la « peau » de la Sctm (l’actuel leader sur le marché du gaz domestique), il prit des risques financiers importants afin de soutenir son promoteur Christophe Sielenou. Des proches du dossier affirment qu’à défaut de ce soutien, la Sctm n’existerait plus. Christophe Sielenou ? L’une des victimes d’Essimi Menye dans l’affaire « Amity Bank » : le monde est petit.
En 1989, Edouard Akame Mfoumou rejoint la présidence de la République au poste de Secrétaire général où il met fin au « règne » des ressortissants du département de la Menoua. Il y remplace Paul Tessa, qui avait lui-même pris la place de Jean Nkueté, l’actuel secrétaire général du comité central du Rdpc.
Tout le monde voit en lui le futur président de la République, tant on lui prête des pouvoirs étendus. Mais en 1990, en pleine crise politique, il devient un tout puissant ministre de la défense ; son discours commence à prendre des intonations « tribalistes » qu’on ne lui connaissait pas.
De 1996 à 2001, il est un ministre de l’Economie et des Finances tout aussi puissant. C’est là que les finances publiques deviennent un haut lieu de pillage de l’argent public. Lorsqu’il s’installe à ce nouveau poste, les finances publiques sont exsangues. Il y met de l’ordre avec un zèle particulier et les choses marchent mieux ; une meilleure organisation voit le jour. Les services fiscaux se modernisent et sont plus efficaces.
Mais le « gros malin » vide de toute prérogative importante la Direction du Trésor qu’il confie à un ressortissant de la Menoua (Kitio) ; tout cela au profit de la Direction des Impôts où il installe son homme de confiance : Polycarpe Abah Abah.
Tous les postes importants sont occupés par les Beti, plus particulièrement les Bulu. Petit à petit, ce ministère, surtout la direction des impôts, s’apparente à une enclave tribale dans laquelle le Bulu est la langue officielle. Polycarpe Abah Abah à la Direction stratégique des Impôts, Laurent Nkodo patron de l’importante Région du Littoral, sont ses bras armés. Des jeunes comme Ngamo Hamani sont dans l’ombre : ce dernier et Abah Abah sont aujourd’hui aujourd’hui en prison.
C’est sous Edouard Akame Mfoumou que l’Etat vend tous ses « bijoux de familles », c'est-à-dire les entreprises publiques stratégiques. Les entreprises d’Etat sont vendues ou bradées selon les mauvaises langues. Le premier montant proposé pour l’achat de la Camtel mobile par le sud-africain Mtn fait scandale. Orange s’installe dans des conditions tout aussi peu transparentes : l’argent coule à flot. Ses adversaires s’inquiètent : il semble de plus en plus puissant, on le soupçonne de se préparer à succéder au chef de l’Etat et rien ne semble pouvoir l’arrêter. On dit que chaque week-end, les membres de son équipe, ethniquement ciblés, se réunissent dans son village pour se tenir prêt au cas où ?
Akame Mfoumou est abattu
Paul Biya n’aime pas du tout ça: pour le ramener à sa place, il le débarque sans ménagement du poste de ministre de l’Economie et des Finances dans le gouvernement de 2001. Tous les alliés de l’actuel Pca de la Camair-co conservent leurs postes. Il est remplacé par Michel Meva’a Meboutou, l’actuel Secrétaire général du Sénat (Cité lui-aussi dans l’affaire de l’avion présidentiel), qu’on dit n’être là que pour surveiller Niat Njifenji : que voulez-vous, les Camerounais sont si mauvaises langues.
En décembre 2004, le chef de l’Etat prend une décision qui va fragiliser définitivement le semblant d’harmonie qui régnait au sein de ce clan : Polycarpe Abah Abah est nommé ministre de l’Economie et des Finances. Il va continuer la politique de gestion tribale des ressources humaines entamée par son mentor, avec malheureusement moins d’intelligence. Il gère avec succès, il faut le reconnaitre, le dossier « Pays Pauvre Très Endetté » pour la réduction de la dette. Cela lui monte à la tête. Sous lui, la direction des impôts, où il a fait placer un membre historique du clan (Laurent Nkodo), atteint un niveau de corruption qu’il sera difficile d’égaler dans les années et les siècles à venir.
L’homme devient incroyablement arrogant. N’a-t-il pas sauvé le pouvoir de Paul Biya en conduisant le Cameroun au Point d’Achèvement pour la réduction de la dette dans le cadre de l’initiative PTTE ? Aussi bien parmi ses collègues du gouvernement qu’au sein du Rdpc, il a peu d’alliés. On le soupçonne, comme celui qui l’a crée (Edouard Akame Mfoumou), de se préparer à être candidat à la succession de Paul Biya.
Il s’y prend d’ailleurs assez bien au départ, « achetant » la paix sociale avec la presse, faisant signer des contrats publicitaires importants avec les ténors que sont « Mutations », « Le Messager », « La Nouvelle Expression »… Il oublie au passage « Aurore plus » de Michaut Mousssala et « le Front » alors dirigé par l’actuel député William Peter Mandio : c’est sa première grosse erreur qui précèdera celle de s’attaquer aux magistrats en bloquant leurs émoluments, semble t-il parce qu’une décision de justice ne lui avait pas été convenable : il en paye chèrement le prix aujourd’hui.
Jamais en 25 ans de journalisme, nous avons vu un homme public autant « massacré » par les journaux. Tout y est passé, ses adversaires politiques se chargeant d’alimenter le feuilleton avec des informations de premières mains. On apprend alors que le directeur des Impôts Abah Abah avait accordé à un grec installé à Kribi, une incroyable baisse d’Impôts. Que par une alchimie tout aussi incroyable, plus d’un milliard de franc CFA provenant des recettes de la TVA se sont retrouvés, comme par hasard, dans un compte bancaire privé appartenant à un certain Abah Abah Polycape.
Face à des attaques alimentant cette chronique quotidienne, il commet sa seconde grosse erreur en laissant les services des impôts opérer et notifier un redressement fiscal extraordinaire aux deux journaux lésés. Les sommes en cause sont effrayantes, surtout pour de si petites entreprises. Il montre là encore, une de ses limites ; son manque d’intelligence émotionnelle.
C’est exactement ce qu’il ne devrait pas faire, d’autant plus que seuls ces deux journaux sont concernés. Ils se déchaînent littérallement; les révélations pleuvent et le public en redemande. Abah Abah est aux abois. Il va même jusqu’à se plaindre à l’association française « Reporters sans frontières » dans une lettre où on perçoit un réel désarroi. L’affaire Lydienne Eyoum tombe. On apprend que son administration a permis à une avocate de faire virer des milliards de FCFA appartenant à l’Etat sur le compte personnel de cette dernière. Pour beaucoup, ses jours au sein du gouvernement sont désormais comptés.
Mais à la surprise générale, il conserve son poste dans le gouvernement du 22 septembre 2006, même si l’Economie passe entre d’autres mains. Alors que ses ennemis sont en colère, les membres de son clan jubilent. Cependant, l’homme est plutôt soucieux. Pour une fois, il a un éclair de lucidité qui va lui permettre de comprendre que sa sortie prochaine du gouvernement est désormais actée : plus grave, le nom de son successeur est connu à l’avance.
Abah Abah lui aussi abattu, Essimi Menye entre en scène
L’homme que Paul Biya vient de mettre dans ses pattes au poste de ministre délégué au budget n’est pas n’importe qui : il s’appelle Essimi Menye Lazare et il ne le connait que trop bien, puisque qu’après Eugène Nyambal, c’est avec lui qu’il discutait au Fmi.
Comme avec la presse, Abah Abah s’y prend encore mal. Plutôt que d’attendre que la tempête passe, il livre une bataille féroce contre Essimi Menye au point où, selon des témoins, il lui aurait dit au cours d’une réunion, quelque chose de ce genre à la stupéfaction générale : « je sais que tu es ici pour me surveiller. Entretemps, je suis le chef et tu n’auras aucun dossier ».
Il sait pourtant que ce dernier a des parrains forts : les ambassadeurs Mendouga et Belinga, Atangana Mebara et l’Equato-guinéen Ondo Menye. Il sait aussi que ce sont ces derniers qui ont « vendu » au chef de l’Etat des compétences dont le nouveau ministre des budgets n’est pas pourvu.
Il n’a pas tout à fait tort puisque le 07 septembre 2007, un an plus tard, il est remplacé par Essimi Menye au poste de Ministre des finances. Son déclin est amorcé.
III- ESSIMI MENYE EMBOURBE DANS LES AFFAIRES
Avec les soutiens cités plus haut, même si Atangana Mebara est sur la pente descendante parce qu’ayant quitté la présidence de la République pour le ministère des affaires étrangères, les parrains du nouveau ministre ont réussi un holdup parfait. Ils ont réussi à intoxiquer le Chef de l’Etat en lui indiquant que l’aboutissement de l’initiative PPTE est l’œuvre d’Essimi Menye, captant ainsi au passage une partie de « l’héritage » d’Eugène Nyambal, l’homme qui avait tout ficelé avant de refiler le bébé à Essimi Menye. Sans les comploteurs Jérôme Mendouga, Atangana Mebara, Ondo Menye, jamais de par son parcours initiatique, le nouveau ministre aurait pu travailler au FMI, de plus sur un dossier aussi complexe. Essimi Menyé est célébré ; Eugene Nyambal ignoré : voilà la morale de l’histoire, typique sous le « Renouveau ».
Dès fin 2003, Ondo Menye, qui avait remplacé le Gabonais Barro Chambrier en septembre 2002, fait venir au Fmi Essimi Menye avec l’aide de Jérôme Mendouga et consorts. Quelques mois plus tard, il licencie Eugène Nyambal qui travaillait sur le dossier Cameroun depuis 2000, et à un grade plus élevé qu’Essimi Menyé. Ce dernier gère le dossier déjà bien ficelé à peine deux ans avant de retrouver au Cameroun le gouvernement, auréolé d’un succès qui est loin d’être le sien.
Faut-il rappeler que c’est pendant cette période qu’Atangana Mebara et l’ambassadeur Jérôme Mendouga sont soupçonnés d’avoir abusé des fonds publics dans l’affaire « Albatros » ? On voit bien que, comme dit la loi du Karma, l’injustice se paye ici bas.
Les « tonneaux presque vides » savent faire du bruit, c’est bien connu. Le nouveau ministre va prendre des risques incompréhensibles en s’attaquant à ses collègues du gouvernement, insinuant qu’à part lui, personne parmi eux ne maîtrisait ses dossiers. Malgré les magouilles lui ayant permis de bénéficier du travail des autres au FMI, il a fini par se croire au-dessus du lot.
Bien qu’ayant installé un tribalisme inédit au sein des l’administration des finances, ses prédécesseurs ne pouvaient être qualifiés d’anti-Bamiléké, les amitiés d’Abah Abah et surtout d’Akame Mfoumou avec les ressortissants de cette ethnie étant connues. Il va attaquer les « Bamiléké » frontalement dans les médias à travers les familles Victor Fotso (CBC), Michel Kamdem (Cofinest), Christophe Sielenou (Amity Bank)…
A partir de cet instant, les « affaires » vont le suivre, exactement comme la mauvaise odeur suit un putois.
- L’affaire Amity Bank
Une affaire rocambolesque ; au vu de ce qu’Essimi Menye risque, on peut comprendre qu’il soit malade, au propre comme au figuré. On y retrouve les mêmes protagonistes : Eugène Nyambal qui conseille Christophe Sielenou, Essimi Menye, un membre de la famille d’Ondo Menye, qui est à la tête de la Beac. L’ombre d’Akame Mfoumou plane car, souvenez-vous, nous avons signalé plus haut son rôle décisif dans la réussite de Christophe Sielenou au cours de la bataille livrée contre les fournisseurs de gaz français. Est-ce pour en finir avec ce qui reste du clan Akame Mfoumou, dont Abah Abah était l’une des principales figures, que le ministre va s’acharner ainsi sur cette banque dont Christophe Sielenou, Mathurin Ngassa Nguelohé et quelques autres sont les principaux actionnaires ? La rancune des faibles est parfois aveugle.
Que reprochent les actionnaires aux autorités ?
La société Amity bank a des problèmes liés à la gestion approximative de ses dirigeants : Essimi Menye n’a pas grand-chose à y voir.
Entre 2003 et 2005, un contrôle de la Cobac, organe de contrôle des établissements financiers de la Cemac, donne des injonctions à cette banque pour que tout ce qui est nécessaire à son retour à l’équilibre financier soit rapidement mis en œuvre.
En 2007, une autre mission de l’organisme de contrôle constate que les promesses des dirigeants de la banque n’ont pas été tenues. Elle est mise sous administration provisoire le 26 mai 2007. La mission du mandataire nommé est claire : il est chargé de la gestion courante de la banque, il doit rechercher toutes les personnes qui peuvent participer financièrement à la restructuration de l’établissement financier. Il dispose des pouvoirs d’administration, de direction et de représentation. Enfin, il exerce ces pouvoirs dans les limites de l’objet social et sous réserve de ce que la loi « attribue expressément aux assemblées d’actionnaires ».
Le 12 octobre 2007, une assemblée générale des actionnaires a lieu en présence d’un représentant de la Cobac : elle approuve les comptes et prévoit une autre assemblée au cours de laquelle les modalités de « reconstitution des fonds propres » seront indiquées par les actionnaires.
A la surprise générale, le 14 décembre de la même année, c'est-à-dire deux mois plus tard, le mandataire de la Cobac valide un accord entre la banque Atlantique et Amity Bank. Les actionnaires découvrent par la presse le 02 Octobre 2008, un arrêté N° 0413/ Minfi signé par Essimi Menye depuis le 19 septembre 2008 validant le plan de restructuration tel que prévu dans l’accord signé au nom d’Amity Bank et la Banque Atlantique.
Le plus révoltant est pour la fin : les conditions de reprise, d’une générosité sans précédent, octroyées à « Banque Atlantique ». Dix ans accordés par la Cobac pour le provisionnement des créances douteuses et l’engagement du gouvernement camerounais à prendre partiellement en charge le bas du bilan. Soi Essimi Menye qui octroie de tels avantages est soit « idiot », soit un « complice ».
La saisine de la Cour de Justice de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique centrale, le sort réservé à sa décision.
Les actionnaires, Christophe Sielenou, Mathurin Ngassa Nguelohé et autres n’ont pas d’autres choix que de saisir la Cour de Justice de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique centrale. Les décisions de cette instance sont définitives et personnes ne peut les contester.
Ils souhaitent que cette dernière annule le protocole avec la Banque Atlantique, une partie de l’ordonnance n° 93/03 du 24 juillet 1996 relative à la restructuration des établissements de crédit, l’annulation de l’arrêté du Minfi et la décision de la Cobac de nommer un mandataire à Amity Bank.
La réaction de cette Cour (voir documents page 8) est terrible pour Banque Atlantique, Essimi Menye et la Cobac. Le protocole mis en cause est déclaré non conforme ; l’article 12 alinéa 1 de l’ordonnance N° 96/03 de 1996 est déclaré « inapplicable » en l’espèce ; la Cour juge que l’agrément de la Banque Atlantique l’a été dans le cadre de la restructuration d’Amity Bank Cameroun.
Elle continue, impitoyable : les autorités compétentes en matière de restructuration doivent prendre les mesures pour que cette décision soit appliquée. Celle-ci doit être en outre notifiée à la Cobac. En clair, le dispositif de l’Arrêt N° 010/CJ/CEMAC/CJ/09 du 13 novembre 2009 de la Cour de justice de Ndjamena, met un terme au transfert d’Amity Bank à Banque Atlantique en enjoignant les autorités camerounaises et la Cobac de donner à Sielenou et à ses associés, les mêmes conditions généreuses que celles octroyées à Banque Atlantique, à savoir 10 ans pour le provisionnement des créances douteuses et la reprise partielle du bas de bilan par le gouvernement.
Dans sa correspondance du 22 janvier 2010 à Sielenou, la Cobac exprime clairement sa volonté de se soumettre à l’Arrêt qui a été rendue. En exécution de cet Arrêt, l’assemblée générale des actionnaires s’est tenue le 30 janvier 2010 et un certain nombre de résolutions sont prises. Le ministre des finances Esssimi Menye, qui n’entend pas lâcher sa proie, interjette appel en vue de faire mettre une banque détenue par des Camerounais sous le contrôle d’intérêts étrangers. Il est débouté par la Cour de justice de la Communauté Economique et Monétaire d’ Afrique Centrale dans un Arrêt N° 012/2011 du 31 mars 2011, qui confirme Sielenou et les actionnaires historiques d’Amity Bank dans leurs droits. C’est dans ces conditions troubles que le ministre Essimi Menye a débloqué 10 milliards de FCFA de fonds publics au profit de Banque Atlantique, le propriétaire illégal d’Amity bank.
De l’argent public « à gogo » pour Banque Atlantique
En d’autres termes, Banque Atlantique fonctionne dans l’illégalité, couvert par les autorités locale et régionale chargées de la restructuration des banques. Que fait le gouvernement ? Que fait Alamine Ousmane Mey ? Que fait Paul Biya pour laisser ainsi violer la décision de la plus importante instance judiciaire en la matière dans toute la région Cemac ? Quels sont les actionnaires camerounais qui se cachent derrière la société immatriculée dans les paradis fiscaux et copropriétaire d’Amity Bank aux côtés de Monsieur Metouck et de Banque Atlantique ?
Pourquoi Essimi Menye a-t-il injecté des fonds publics au profit d’actionnaires déboutés par la Cour de la Cemac ? Quel investisseur sérieux peut-il venir s’installer dans un pays où on fait si peu de cas des décisions de justice, quand celle-ci n’est pas corrompue jusqu’à la moelle. ?
Devant la Justice, Essimi Menye devra s’expliquer. Tout comme il devra répondre si oui ou non l’Etat, par son initiative, a versé la somme folle de près de 10 milliards de FCFA à la Banque Atlantique dans le cadre du plan de restructuration contesté, et ce, il faut insister, au mépris d’une décision de justice définitive qui consacre l’illégalité de la gestion d’Amity Bank par Banque Atlantique.
Les autres affaires : Cofinest, Cbc et Géovic
Les affaires Cofinest et Cbc, bien que présentant d’autres caractéristiques, montrent aussi une haine morbide d’un ministre des finances décidé à s’attaquer, coûte que coûte, à des établissements financiers ethno-ciblés. On voit mal comment ces comploteurs pourront s’en sortir. Essimi Menye devant la justice n’aura plus la télé pour fanfaronner sur ces « Bamiléké qui jouent avec l’argent des autres ». Ses explications sont vivement attendues.
Mais c’est l’affaire Geovic qui risque de l’envoyer définitivement en enfer, quel que soit l’endroit où il se trouve. On retrouve là encore, Essimi Menye et…Eugène Nyambal. C’est décidément « l’amour fou » entre ces deux là.
Cerises sur le gâteau, le « clan tribal » entre de nouveau en jeu après le départ d’Eugène Nyambal du Fmi en 2009, en faisant vainement pression sur le nouvel administrateur pour l’Afrique, Kossi Assimaïdou, afin de faire recruter au Conseil d’administration notre compatriote et proche de la « galaxie Mendouga », la journaliste Lucie Mbotoo Fouda au Bureau Afrique de l’institution. Cette dernière avait été promue à la Beac lorsqu’Essimi Menye est devenu ministre des finances. Arrivée en fin de mandat, elle a rejoint son ancien poste au service communication du Fmi. Finalement, le « clan beti » fait nommer au bureau du Fmi, monsieur Ayissi Etoh qui sera remercié plus tard.
Bien que le Cameroun n’ait pas juridiquement le droit de nommer ses représentants au poste de Conseillers au sein du bureau représentant l’Afrique au Fmi, il a utilisé son pouvoir de nuisance au point de ne plus avoir ses ressortissants au sein de sa plus haute instance des décisions.
Les faits sur Geovic sont clairs. Après les émeutes dites de la faim de 2008, Essimi Menye présente le projet Geovic au Fmi, en précisant qu’il s’agit d’une haute priorité du chef de l’Etat en vue de la création d’emplois pour les jeunes. Le ministre demande l’approbation du FMI pour débloquer un peu plus de 30 milliards de FCFA sur le surplus pétroliers du Cameroun à la Beac que l’institution internationale avait fait bloquer pour la lutte contre la pauvreté en faveur des jeunes. Le projet présenté par le ministre n’a aucun document à l’appui : ni étude de faisabilité ou plan de financement. Eugène Nyambal (encore lui ? Il veut quoi même ?) Émet des doutes sur le projet. Sans aucune explication, le nouvel Administrateur Rwandais interdit à Eugene Nyambal de participer à la prochaine mission du FMI au Cameroun en Avril 2009. Ce denier est licencié quelques semaines plus tard sans motif, ni préavis et abandonné par les autorités camerounaises. Une certaine presse aux ordres l’accuse de s’être opposé aux intérêts du Cameroun au FMI. Eugene Nyambal essaie vainement d’entrer en contact avec le Chef de l’Etat pour l’éclairer sur cette forfaiture.
Six années après l’approbation du projet, il n’a toujours pas démarré et l’argent a disparu. Pour mémoire, la société Geovic a été créée avec un capital social de 10 millions de FCFA dont 39,5% est détenu par des actionnaires Camerounais non identifiés. Sur cette base, Geovic a obtenu une concession de 25 ans renouvelable jusqu’à l’épuisement des ressources de la plus grande réserve de cobalt, nickel et manganèse du Cameroun.
Aux côtés des actionnaires américains basés aux îles Caïmans, les actionnaires Camerounais dans ce projet de plus de 30 milliards de FCFA sont sensés être une institutrice d’école primaire basée à Douala, son époux sans activité connue, la nièce d’un ancien Premier ministre et un ancien secrétaire général du ministère de la Défense.
A travers la Sni, le gouvernement camerounais aurait payé des contributions aux augmentations de capital avec l’argent qu’Essimi Menye a fait approuver par le Fmi en 2009. Ce qui est curieux, c’est que deux de ces pseudo actionnaires avaient déjà saisi Atangana Mebara par courrier en octobre 2005 sur la nature frauduleuse du projet Geovic et signalé des complicités dans les sphères du pouvoir camerounais. Le silence des autorités sur ce dossier de corruption est assourdissant (voir documents page 7).
Dominique Strauss Khan lourdement suspecté
Il est important de noter qu’une enquête interne au Fmi n’a pas pu indiquer clairement s’il y avait eu corruption ou pas dans ce dossier et conclu que le dossier Geovic ne soulève aucun problème de gouvernance économique susceptible d’amener le Fonds monétaire à arrêter de financer le Cameroun. Lors de cette opération fort douteuse, le patron du FMI s’appelle Dominique Strauss Kahn et il pilote personnellement cette enquête. Il est alors virtuellement candidat à la présidence de la République française. Stéphane Fouks, un lobbyiste en communication est chargé de la communication du futur candidat et son homme fort. Il est également recruté par Strauss-Kahn pour faire la communication du FMI en Afrique.
Fouks est en même temps de mèche avec le clan beti qui nous gouverne car notamment chargé de l’amélioration de l’image de Paul Biya à l’étranger : ceci peut-il expliquer cela ? En tout cas, l’ONG américaine de lutte contre la corruption « Government Accountability Project » ayant défendu Eugene Nyambal dans ce dossier a indiqué à Strauss-Kahn qu’il était dans une position de conflit d’intérêt dans la conduite de cette enquête et qu’il avait le devoir d’informer le Conseil d’Administration du FMI sur ses liens de proximité avec certains acteurs du dossier.
Il serait intéressant pour les enquêteurs de « cuisiner » Essimi Menye pour qu’il infirme ou confirme ces « rumeurs » qui doivent certainement être l’œuvre de « jaloux ». Il dira où est passé cet argent. Qui est derrière ce « casse » du siècle ? Pourquoi les autorités ne s’empressent pas pour savoir ce qui s’est passé alors que Geovic a déjà officiellement quitté le Cameroun sans avoir fait démarrer le projet minier de Nkamouna?
Si après cela vous n’avez pas envie de « liquider » tout ce monde sans procès, c’est que vous êtes comme nous, indécrottables humanistes et légalistes. Nous qui pensons que face à des gens qui ignorent les règles, il faut les appliquer contre eux.
Mais entre nous, qui peut regarder la « tête » de cet Essimi Menye sans penser au fameux « chef bandit » dans les films chinois dont on parlait plus haut ? Difficile de lui accorder, au vue de ses photos, un « brevet de virginité ».
© Ouest Littoral : Dossier réalisé par Benjamin Zebaze
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