Jean-Batiste Belley est né en 1747 à Gorée ( Sénégal), il est vendu comme esclave à l'âge de 2ans à Saint Domingue (actuel Haïti). Il est perruquier, travaille dur, pour racheter sa liberté à 17 ans il sera le tout prémier député noir de la France.
« C'est donc ici, à Paris que je m'adresse à vous. Paris, cette ville qui a vu tant de changements, Paris qui a tant souffert et qui a tant pleuré, mais qui peut respirer désormais. Et si je peux m'exprimer en ce lieu, c'est bien grâce à vous, députés parisiens, hommes d'honneur, enfants de Paris, qui avez tant crié pour votre liberté, vous, qui avez agi avec courage, honneur et passion, vous, qui avez peut-être hésité mais qui avez enfin pu savourer votre victoire.
Mais dans votre honorable cause, et si je puis me le permettre, sur cette longue route qui mène à la liberté, vous vous êtes arrêtés à mi-chemin. Vous avez omis quelque chose. Vous avez oublié ce qu'est un Homme. Un Homme est un être qui a un visage, capable de comprendre ce qui l'entoure, de savoir, d'apprendre. Un Homme est pourvu de sentiments forts, de tendresse, d'amour. Et regardez ceux à qui vous donnez le nom de « nègres », « d'esclaves ». N'ont-ils pas de visages ? N'ont-ils pas la capacité de comprendre ? De savoir ? D'apprendre ? Regardez-nous, ne sommes-nous pas pourvus de sentiment ? De tendresse ? Regardez-moi, ne suis-je donc pas capable d'aimer ? Ne suis-je pas capable de m'investir dans une cause avec passion et de me battre pour elle ? Et dans votre esprit, vous savez que chaque Homme est libre, que cette liberté n'est pas donnée mais acquise et ce dès la naissance, que ce n'est pas un droit, mais un devoir que de l'être et de le rester.
Regardez. C'est là, devant vous. Vous voyez mais ne regardez pas, et pourtant c'est là, ici, toujours. La souffrance. C'est ce que vous niez leur faire subir, à eux, à nous les nègres, c'est ce qui vous éloigne de la sagesse et qui vous approche de la barbarie, c'est ce qui nous détruit et nous hante, qui vous fait reculer et qui nous fait avancer, avancer vers la mort. Chaque pas que vous nous faites faire avec ce lourd fardeau sur nos épaules, chaque coup de bêche dans vos champs sous ce meurtrier soleil, chaque coup de fouet sur le dos est une profonde entaille dans notre vie, et une foulée de plus dans notre course vers la mort.
Mais qui est faible ? Nous ? Avons-nous besoin que quelqu'un d'autre récolte notre nourriture ? Avons-nous besoin d'une armée afin d'entretenir nos maisons, nos enfants ? Si nous parlions de faiblesse, nous devrions parler de vous, qui avez tant besoin de nous. Vous, meurtriers qui vous élevez au rang d'animaux en détruisant les membres de votre propre espèce !
Mais aujourd'hui, regardez, nous sommes à deux pas de la liberté, pour tous ! Quelle différence, s'il est noir, si l'un est beige et l'autre est rose ? Quelle différence si celui-ci vient de l'autre côté d'une mer ou d'un océan ? Pouvez-vous vous vanter d'être si justes comme vous le prétendez ? Il y a des failles dans votre système. Pourquoi ne sommes-nous pas considérés égaux ? Nous sommes tous nés d'une mère et d'un père ! Nous avons tous grandi ici, sur cette Planète ! Nous avons tous joué, appris à marcher ! Nous avons tous souffert et aimé…
Alors pourquoi nous trouvez-vous si différents ? Détruisez-vous tous les arbres rouges car leurs feuilles ne sont point vertes au printemps ? En sont-ils moins utiles ? Et si la nature, si Dieu les a créés, nous a créés, c'est bien car nous avons tous un rôle à jouer. Pas celui que vous nous avez imposé, mais un rôle en tant qu'hommes libres. Nous pourrions faire de grandes choses. Tous ! Nous serions une société unie et si forte qu'aucun rival n'accepterait de nous défier, nous serions heureux dans un monde juste.
Dans notre monde juste et puissant. Et nous en serions fiers… Il y a tant d'injustices dans ce monde, réparez celle-ci ! Ensuite nous pourrons dire que nous avons fait un pas vers une société meilleure, ensemble. Certes il n'en sera pas des plus simples, mais retenez ceci ; chaque fois que vous achetez un esclave, vous déshonorez votre race, car ce nègre que vous acquérez est un homme, tout comme vous. Un homme qui a souffert et certainement plus que vous et qui est capable de sentiments, car ce sont des larmes qui coulent lorsque cette femme, cette « négresse » est obligée de céder son enfant.
Ce sont des larmes qui coulent lorsque cet homme là-bas souffre de son dur labeur. Ce sont des larmes qui coulent le long des joues de cet enfant arraché de sa mère ! Séchez ces larmes, arrêter ce massacre, puisque ce sont des Hommes qui pleurent, ce sont mes larmes et ce sont aussi les vôtres que vous faites couler ! Arrêtez ! Redevenez humains et libérez-les, cette liberté est à vous et à eux.
Cette liberté est nôtre et désormais nous serons tous libres, car nous savons que c'est juste et ce pour toujours ! »
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