Me Alice Kom est attristée par la sentence prononcée par la Cour Suprême du Cameroun à l’encontre de son client, Marafa Hamidou Yaya. Cet ancien Ministre de l'Administration Territoriale et ancien Secrétaire Général à la Présidence de la République a été condamné, le 18 mai 2016, à 20 ans de prison. Ce n’est pas tant la peine qui écœure la première femme avocate au Cameroun, inscrite au barreau depuis 1969. Mais, le fait que la justice soit aux ordres.
«Je suis avocate depuis quarante-sept ans. J’ai plaidé pendant toute ma vie et j’ai cru dans ce métier, que j’ai choisi. Mais malheureusement, aujourd’hui, la Cour Suprême tourne le dos à une tradition d’indépendance établie depuis les années 1960, notamment du temps où elle était présidée par l’emblématique Marcel Nguini. À l’époque, la Cour résistait au pouvoir exécutif, et même au chef de l’État, Ahmadou Ahidjo. Et, vous en conviendrez, ce dernier n’était pas un tendre», a-t-elle confié à Jeune Afrique.
Pour Me Alice Kom, dans le procès contre Marafa Hamidou Yaya, la justice a manqué d’impartialité «parce que les magistrats qui composent la Cour suprême ne devraient jamais avoir été en contact avec le dossier auparavant. Or, avant d’être nommé à la Cour suprême, le magistrat Jean Claude Robert Foe était Procureur général près la cour d’appel de la Région du Centre, où il avait instruit l’accusation contre mon client».
Lui permettre malgré tout de juger le recours de Marafa à la Cour suprême n’est pas concevable, selon l’avocate. «La jurisprudence en la matière n’a jamais varié - et j’ai compulsé les annales de la justice depuis 1961 pour m’en assurer: s’agissant de la composition irrégulière d’une juridiction, on ne discute pas, on annule l’audience», déclare-t-elle.
«Pendant le prononcé du verdict [de Marafa Hamidou Yaya], j’avais envie de vomir. Cela se voyait que les magistrats avaient reçu pour instruction d’en finir ! L’audience a commencé à 16 heures, le conseiller-rapporteur a lu son rapport pendant près de deux heures puis, après une coupure de courant, le verdict est tombé vers 5 heures du matin ! À quel moment ont-ils examiné le dossier ? On dit qu’il ne faut pas juger nos chefs d’État à l’extérieur du continent. Mais, chez nous, peut-on compter sur une justice sérieuse, capable de dire le droit et de faire l’Histoire ?», déclame Me Alice Kom.
Pour elle, l’indépendance de la justice camerounaise est un problème de volonté politique. «Tout dépend du Chef de l’État, de sa volonté ou non de respecter la Constitution et la séparation des pouvoirs. Maintenant, s’il choisit de ne pas aller dans cette direction, alors il ne faut pas s’attendre à voir les choses changer dans la pratique», conclut-elle.
Onana N. Aaron
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