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XAVIER MESSÈ : CE VOYAGE QU'IL NE FALLAIT PAS EFFECTUER


Ainsi donc, hier, le voeu du président Paul Biya s’est trouvé concrétisé : il a été reçu par le président français à Paris. Il a fait une photo avec François Hollande sur le perron de l’Elysée ; les chasseurs d’images ont immortalisé pour la postérité cet instant tant souhaité et tant attendu par le chef de l’Etat du Cameroun. Cet instant vécu par Paul Biya nous rappelle un peu les danseurs de Broadway dans leur prestation de comédie musicale : Jerry Lewis, claquant ses pieds sur le pavé de la capitale française, chapeau blanc en main, dit : «voir Paris et mourir !».
Inutile de revenir sur le débat qui a envahit les salles de rédaction, distrait les intellectuels et les politiques pour savoir si Paul Biya a sollicité une visite en France ou bien s’il était l’invité du président français. Qu’il soit parti là bas dans la première version ou dans la seconde, nous devons nous poser la question de l’opportunité d’un voyage du chef de l’Etat camerounais en ce moment précis en France.
Les préoccupations économiques qui semblent avoir fondé l’essentiel de ce voyage, bien qu’elles soient réelles, demeurent cependant une donnée permanente qui pourrait donc être examinée aujourd’hui ou dans six mois sans qu’il y ait un séisme. En embarquant 11 membres du gouvernement et une pléthore d’accompagnateurs, le voyage «économique» n’aura donc été qu’un simple habillage cosmétique. Tout nous conduit à penser que ce fut un voyage au forceps, en croire seulement le niveau d’accueil, la tiédeur du discours politique inhérent à ce déplacement. Ce fut un voyage totalement inopportun, tout au moins en ce moment. Deux raisons militent pour cette thèse : une pour l’affinité personnelle et une autre relevant du timing politique.
La première : François Hollande et Paul Biya ne sont pas amis, pour le moins qu’on puisse dire. Le premier s’est lancé dans une guerre en Afrique, pour les Africains. Lorsqu’on est ami, dans un tel péril sur tous les plans, on compte ses amis. Ceux qui se considèrent comme tels, s’engagent avec vous ; à défaut, ils vous apportent un soutien logistique ou moral. Difficile  d’affirmer que Paul Biya ait eu à l’endroit de son homologue, une attitude d’ami. Pas une moindre déclaration engageante dans le combat de la France sur le sol africain. Encore moins  l’envoi des troupes que la France implore de tous ses voeux.
Même les lointains Burundi et le Rwanda qui sont tout sauf francophiles, ont volé au secours du Mali, le Cameroun préférant  lui, la «diplomatie du silence ou de présence», aux actions visibles qu’on aurait aimé voir. Quelques compatriotes de François Hollande sont dans les prisons du Cameroun. Les multiples interventions diplomatiques de la France n’ont pas fait fléchir Biya, qui se réfugie derrière la vielle antienne selon laquelle «je n’interviens pas dans les décisions de la justice». Au plan idéologique, François Hollande et Paul Biya sont aux antipodes ; seule la realpolitik les mettrait ensemble pour des intérêts réciproques de leur Etat respectif.
La seconde raison : Paul Biya a quitté son pays pour la France le jour même que tous les chefs d’Etat du continent se réunissaient à Addis Abeba pour le 20eme sommet de l’Union africaine. Ils avaient inscrit à l’ordre du jour de cette rencontre, le dossier malien pour lequel la France joue un rôle de premier plan. C’est ce jour-là que le président camerounais choisi pour aller débattre des «dossiers économiques» à Paris ! Paul Biya fit de même lorsque en début janvier, pendant que les chefs d’Etat de la Cémac se réunissaient à Libreville pour trouver une solution à la crise centrafricaine, ce jour-la, il prit l’avion pour des vacances en Europe ! Le chef de l’Etat du Cameroun aurait pu être au sommet de l’Union africaine pour faire entendre la voix de son pays ; pour contribuer à trouver des solutions à la crise malienne, pays frère avec lequel le Cameroun entretient de solides liens de fraternité depuis 1961. La guerre qui frappe ce pays devrait nous concerner au premier chef.
Paul Biya devrait être à Addis Abeba pour joindre la voix du Cameroun à d’autres voix africaines très nombreuses qui applaudissent l’intervention de la France au Mali. François Hollande aurait compris et apprécié que son invité arrivât à Paris le 30 janvier, parce qu’il aura fait un détour à Addis Abeba, plutôt que de le savoir dormant deux jours durant, avant leur tête à tête, à l’hôtel Meurice, à un jet de pierre de l’Elysée, comme si Paul Biya redoutait que son rendez-vous tant attendu ne soit repoussé pour quelques raisons surprises. Le président Biya aime beaucoup l’Occident. Il ne se sent à l’aise que dans ce continent. C’est son droit. Il faudra qu’il apprenne cependant que, l’Occident ne lui renverra l’ascenseur que s’il est leader écouté et respecté en Afrique. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Il est seul à croire le contraire. C’est pour cela qu’il continue de se plaire en Europe, même en temps inopportun comme cela vient d’être le cas à Paris.

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