En passant avec l’opposition un pacte secret ; en évitant les primaires dans son propre parti, le chef de l’Etat qui nommera 30 sénateurs en début mai prend la posture d’un hégémon présidentiel qui désignera tous les sénateurs.
Pas besoin de faire de calculs particuliers pour savoir quelle formation politique l’emportera sur les autres, la compétition des élections sénatoriales du 14 avril 2013. C’est bien sûr, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) au pouvoir qui sera grand vainqueur de cette compétition. Ce, au regard de ses plus de 9000 conseillers municipaux sur les 10. 632 élus en 2007. Mieux, dans les dix régions du pays, le Rdpc détient la majorité absolue de siège de conseillers municipaux et est assuré de ce fait de rafler l’intégralité des sièges de sénateurs (70) mis en jeu le 14 avril 2013.
Consciente de cela, l’opposition qui n’a pas pu obtenir l’organisation des municipales avant les sénatoriales, espérant une reconfiguration de la carte politique camerounaise, a choisi en toute logique de boycotter les élections annoncées le 14 avril. Sauf que quelques jours après, le 7 mars et le 8 mars leSocial democratic front (Sdf) et l’Union démocratique camerounaise (Udc) ont annoncé respectivement -et contre toute attente- leur participation à la compétition électorale alors qu’à priori il ne pourrait obtenir des sièges de sénateurs même dans leurs fiefs électoraux.
Des sources dignes de foi assurent que les leaders de ce parti ont été garantis de ce qu’ils obtiendraient, après une consigne du président national du Rdpc, quelques sièges accordés « par générosité ». Ou alors dans le pire des cas, que des représentants de l’opposition seraient nommés parmi les 30 sénateurs désignés début mai par Paul Biya. Dans tous les deux cas de figure, que le chef de l’Etat passe des consignes de vote favorables à l’opposition ou qu’il nomme directement des militants du Sdf ou de l’Udc qui auront crédibilisé le scrutin du 14 avril 2013, il aura désigné même les sénateurs issus de l’opposition.
Investitures
Là où on aurait pu s’attendre à un minimum de pratique démocratique, il n’y a non plus aucune chance d’échapper au diktat du président national du Rdpc. Car sous d’autres cieux, face à une majorité obèse comme celle du parti du flambeau, on aurait procédé à des primaires afin que les candidats présentés soient crédités d’une certaine légitimité. Sous nos latitudes, on aurait donc laissé l’opportunité aux militants du Rdpc de choisir eux-même leurs candidats aux sénatoriales. Mais au lieu de cela, il s’agira dans le parti assuré de faire passer plus de 60 sénateurs sur les 70 à élire le 14 avril, de simples investitures qui au vu du mécanisme déployé, sera décidé par la président national. Pour cela, Paul Biya a annoncé les couleurs en fixant des conditions jugées « compliquées » au sein des états majors régionaux du partis. Toutes listes de candidatures déposées seront, du reste, soumises à l’attention de Paul Biya.
En gros, c’est le chef de l’Etat qui choisira tous les 70 candidats présentés par la Rdpc au cours de ces élections. Tous, seront considérés comme élus au soir du 14 mars, date limite de dépôts des dossiers, si Paul Biya ne donne pas des consignes de vote en faveur de l’opposition. En sus, parvenu à un Senat qui affichera un visage complet à la mi-mai 2013, Paul Biya une fois de plus en désignera le président. Puisque d’après la pratique parlementaire, ce sont les partis politiques qui proposent des candidats aux bureaux des chambres et généralement les partis majoritaires proposent la candidature décidée par leur chef de file. Une fois encore… ce sera Paul Biya.
Rodrigue N. TONGUE
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