On ne le dira jamais assez ! Plus qu’une journée de grande folie au féminin, sous le couvert de réjouissances populaires, où les comportements à proscrire s’entrecroisent, la journée internationale de la femme célébrée tous les 8 mars, constitue rarement un moment de réflexion sur les droits des femmes, dans un contexte comme le nôtre où elles sont aujourd’hui plus qu’hier la charnière centrale du développement dans nos villes et villages. Grandes productrices et reproductrices, elles n’ont pas toujours la pleine mesure des frustrations et des injustices qui jalonnent leur vie.
Les débats entre elles-mêmes, puis avec les hommes, autour des thématiques les plus diverses et variées, nous semblent plus que nécessaires. Non pas qu’ils vont de nouveau justifier les causeries futiles qui ne leur échappent déjà pas, mais parce qu’il s’agit de moments particuliers qui peuvent dans l’avenir les aider à mieux se prémunir pour affronter leurs difficultés qu’on sait tous nombreuses, à l’instar de la polygamie. Qui des femmes où des enfants, issus de cette institution ont un avis moins mitigé de l’ensemble des liens qui s’y développent ? Combien de personnes, ayant vécu dans des unions multiples, sont-elles prêtes à renouveler l’expérience ? Pourquoi la polygamie perdure-t-elle malgré tout, A qui profite-t-elle finalement ?
La législation camerounaise admet deux régimes matrimoniaux (monogamie et polygamie) qui sont régis par l’article 49 de l’ordonnance du 28 juin 1981. C’est cet encadrement juridique qui vient consacrer et renforcer l’institution, autrefois de fait, qu’est la polygamie. Elle sort en réalité la polygamie de la « clandestinité ».
La législation camerounaise admet deux régimes matrimoniaux (monogamie et polygamie) qui sont régis par l’article 49 de l’ordonnance du 28 juin 1981. C’est cet encadrement juridique qui vient consacrer et renforcer l’institution, autrefois de fait, qu’est la polygamie. Elle sort en réalité la polygamie de la « clandestinité ».
Cette pratique avant cette date existait déjà, elle était même encouragée par l’administration coloniale et plus tard, par l’administration néocoloniale, « d’abord les modalités pratiques de la culture du café, ensuite le relèvement du niveau de vie consécutif à la culture de cette plante de rente. En subordonnant l’autorisation de la pratique de la caféiculture à la possession d’une main-d’œuvre importante dans chaque famille, les autorités coloniales encourageaient sans le savoir et sans le vouloir la polygamie et son corollaire, une fécondité élevée. » (Kélodjoué, 2006)
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, le discours dominant sur la modernisation prônait un nouvel ordre économique qui devait s’imposer à tous. Cette façon de penser le développement a fait dire à de nombreux auteurs que bien des pratiques dans les pays en développement et notamment en Afrique ne résisteraient pas à ce nouvel « ordre des choses », qui portait en son sein des valeurs parfois opposées voire même contradictoires aux réalités observées dans des pays cibles. Les défenseurs de cette thèse tels que Kaufmann (1988) ont pensé qu’il aurait suffi qu’on augmentât l’effet de l’éducation et l’émancipation de la jeune fille sur des « pratiques dites rétrogrades » pour que soit assurée la disparition de la polygamie à très court terme.
Le constat à faire aujourd’hui est que cette institution, qui est une caractéristique forte du mariage en Afrique, est restée très ancrée dans les pratiques des populations tout en s’adaptant facilement à l’évolution du temps (Hertrich, 2006). Les facteurs de formation des unions en Afrique ont très peu changé malgré les exigences de la modernité. Ainsi, la polygamie n’a cédé ni à la colonisation, ni aux missionnaires et continue d’ailleurs de résister à l’avènement des églises de réveil et des missions pentecôtistes.
Cependant, la polygamie, bien connue de tous comme une institution résistante, semble avoir entamé sa transition au vu du léger recul observé dans des pays en Afrique au Sud du Sahara. Ce qui suscite notre intérêt dans cette thématique est le recul différentiel observé depuis le début des années 1990 au Cameroun. En effet, le Cameroun a connu une baisse de près de 10 points de pourcentage de la proportion des femmes en unions multiples ces 20 dernières années contre seulement un peu moins de 3 points au Bénin, 4 points pour le Sénégal et 2 points pour le Mali, trois pays pourtant considérés comme ceux où la pratique est plus répandue.
Cependant, la polygamie, bien connue de tous comme une institution résistante, semble avoir entamé sa transition au vu du léger recul observé dans des pays en Afrique au Sud du Sahara. Ce qui suscite notre intérêt dans cette thématique est le recul différentiel observé depuis le début des années 1990 au Cameroun. En effet, le Cameroun a connu une baisse de près de 10 points de pourcentage de la proportion des femmes en unions multiples ces 20 dernières années contre seulement un peu moins de 3 points au Bénin, 4 points pour le Sénégal et 2 points pour le Mali, trois pays pourtant considérés comme ceux où la pratique est plus répandue.
Durant la décennie 90, la plupart de ces pays ont connu des crises économiques, sociales et politiques qui auraient eu des effets négatifs sur des conditions d’entrée en nuptialité. Au Cameroun, il s’en est suivi une baisse des salaires des fonctionnaires et autres agents de l’Etat allant parfois jusqu’à 80% du salaire de base. La hausse des prix des produits a atteint 54% du prix initial en 1994 au Cameroun contre seulement 46% durant la même période en Afrique de l’ouest (Guillaumont et al, 1997).
Il est question dans cette réflexion de dire combien les indicateurs économiques de bien-être influencent positivement la transition de la polygamie et servent de cheval de Troie à la lutte contre la pauvreté qui est l’un des Objectifs du Millénaire à atteindre d’ici 2015. Le combat contre la précarité passe aussi par les facteurs de formation des unions et donc des types d’unions eux-mêmes.
Il est question dans cette réflexion de dire combien les indicateurs économiques de bien-être influencent positivement la transition de la polygamie et servent de cheval de Troie à la lutte contre la pauvreté qui est l’un des Objectifs du Millénaire à atteindre d’ici 2015. Le combat contre la précarité passe aussi par les facteurs de formation des unions et donc des types d’unions eux-mêmes.
La mise en couple des hommes et des femmes en Afrique dépend d’une batterie d’éléments qui ne se sont pas toujours adaptés à l’évolution qu’offre la globalité. Les facteurs sociaux continuent de l’emporter sur les facteurs économiques plus dynamiques avec des conséquences sur la qualité du travail de la femme et les inégalités qui en découlent tant sur le plan démographique que social (Bocquier, 2009). Dans cette optique, les unions multiples compliqueraient davantage la situation, elles qui suscitent de multiples interrogations parmi lesquelles l’éducation de la jeune fille (parfois contrainte de quitter ses études pour rejoindre un ménage) et la place de la femme dans la société.
L’existence d’une corrélation positive entre la pauvreté et la fécondité, chez Schoumaker (1998), pourrait signifier que la polygamie qui est une caractéristique de la fécondité des hommes, mérite une attention particulière si on veut trouver des solutions pour un développement durable des pays pauvres. C’est donc ici que cette étude prend tout son sens, elle qui pourrait nous permettre de comprendre pourquoi le mythe de la polygamie pourvoyeuse de richesses tend à disparaître, laissant court à une déconstruction sociologique des familles et bien évidemment au renforcement des souffrances des « cadets sociaux » que sont les enfants et les femmes.
L’économie familiale, au cœur des approches économiques de la polygamie, dépend de la main-d’œuvre et des stratégies de survie en milieu rural. La variation de l’intensité de la polygamie d’une région à une autre et d’une ethnie à une autre peut laisser envisager une diversité de comportements individuels autour de la même institution. Il est ainsi évoqué les aspects socioculturels et démographiques pour expliquer la résistance de la polygamie à la modernité. Les gardiens de la tradition sont très réfractaires à tout idée de changement de celle-ci qui visiblement leur procure des satisfactions qu’on ne peut plus expliquer par la seule volonté d’une reproduction élargie de la vie familiale, mais aussi par des égoïsmes et des envies des tout-puissants chefs de familles.
La polygamie, très décriée par les organisations féministes d’Afrique et du monde qui la considèrent comme une emprise sur les droits et les libertés des femmes (Etéki-Otabela, 1992), s’est sentie encore renforcée par cette ordonnance du président Haidjo et a contribué à minimiser davantage le rôle de la femme africaine, pour en faire ce que Djuidjé (2001) appelle fort opportunément, un problème mondial. De nombreuses situations de fait sont en effet observées à l’internationale (en France) et dans des pays où la pratique est interdite et considérée comme une atteinte à l’ordre public.
Avec le mouvement des polygames et des personnes susceptibles de le devenir, de l’Afrique vers les autres continents, les questions liées au regroupement familial des travailleurs sont des questions juridiques qui dépassent parfois la seule compétence des pays d’origine des migrants et auxquelles il va falloir s’atteler et apporter des solutions structurelles. Le fait d’envisager cette institution sous l’angle de ses effets sur la société semble aujourd’hui, sur le plan de la politique internationale, à bénéfices réciproques. Ce sont les conséquences supposées ou réelles de la polygamie, tant redoutées par les politiques au Nord, qui semblent motiver les décisions du maintien de cette institution par les politiques au Sud.
Vue sous cet angle, la polygamie, n’est plus uniquement socioculturelle mais politique. Si on peut reconnaitre que l’interdiction de la polygamie en Côte d’Ivoire et en Guinée n’a pas résolu le problème du recul de ce phénomène démographique, force est quand même de constater que sa légalisation et mieux, son institution, confortent mieux ses hagiographes qu’elles ne les auraient dissuadés en l’absence d’une loi.
Vue sous cet angle, la polygamie, n’est plus uniquement socioculturelle mais politique. Si on peut reconnaitre que l’interdiction de la polygamie en Côte d’Ivoire et en Guinée n’a pas résolu le problème du recul de ce phénomène démographique, force est quand même de constater que sa légalisation et mieux, son institution, confortent mieux ses hagiographes qu’elles ne les auraient dissuadés en l’absence d’une loi.
Bien que choisissant d’aborder la problématique du recul de la polygamie sous l’angle de la conjoncture économique, nous ne pensons pas éluder les aspects socioculturels qui auraient été mis à contribution pour faire évoluer d’un pas supplémentaire la transition de la polygamie.
Une étude sur la polygamie quelle qu’elle soit, reste d’actualité et mérite d’être creusée pour comprendre les raisons profondes de cette résistance qui, il faut le dire, est présentée dans de nombreux rapports et notamment ceux de la FIDH (2006) et du PNUD (2001), comme l’une des nombreuses causes de la « périphérisation » des pays en développement. De telles thématiques devraient davantage faire l’objet de débat nourri entre les femmes, le 8 mars, plutôt que de se saouler la gueule, soulever des cabas et se prêter au jeu des défilés futiles, dont le seul but est de célébrer une seule femme, plutôt que les femmes elles-mêmes.
Une étude sur la polygamie quelle qu’elle soit, reste d’actualité et mérite d’être creusée pour comprendre les raisons profondes de cette résistance qui, il faut le dire, est présentée dans de nombreux rapports et notamment ceux de la FIDH (2006) et du PNUD (2001), comme l’une des nombreuses causes de la « périphérisation » des pays en développement. De telles thématiques devraient davantage faire l’objet de débat nourri entre les femmes, le 8 mars, plutôt que de se saouler la gueule, soulever des cabas et se prêter au jeu des défilés futiles, dont le seul but est de célébrer une seule femme, plutôt que les femmes elles-mêmes.
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