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Florence TSAGUÉ : JE VIS MOI COMME UN BLANC


Le constat des parents en visite chez leurs enfants en Europe. «Je vis comme un blanc!» Vous connaissez sans doute cette comparaison, dont les racines ne sont plus à mentionner ici, qui hisse l´homme «blanc» au piédestal du superlatif. «Je mange comme un blanc!» Telle est la déclaration de ceux qui font fi des plats locaux pour ne servir chez eux que du poulet surgelé importé de l´Europe, élevé dans de conditions qui ne sont pas toujours les mieux appropriées.
Au fait, que pensent nos parents de ce «vivre comme le blanc» quand ils sont en visite en Europe? Que pensent-ils du style et du rythme de vie des expatriés?
Maman Paulette (nom changé) est en visite chez ses enfants dans une ville allemande. Nous la rencontrons au restaurant de l´université, devant son plat qu´elle apprivoise, l´air sceptique. Quant à la qualité de la nourriture, «c´est une question d´habitude. On ne peut faire autrement. Il n´y a pas le temps pour cuisiner,» explique un compatriote à Maman Paulette. De loin, on entend des éclats de rires des compatriotes lorsque Maman Paulette prend le plat d´épinards pour la version allemande du Ndolé. Elle ne peut pas cacher son étonnement face à son fils et ses amis qui ont déjà conquis leur plat.
A voir l´accueil cordial qu´offre Mama Paulette, il est difficile de croire qu´elle n´a fait que deux semaines dans cette ville. Ce sont les vacances. Après les jobs, les compatriotes viennent lui rendre visite et le plaisir est sien de servir à ces «soldats» de la mondialisation de délicieux plats du pays qu´elle a préparés pour les réconforter tout en mettant l´accent sur la solidarité, la persévérance et les valeurs familiales.
Malgré le froid, Maman Paulette est heureuse de vivre une communauté camerounaise solidaire dont beaucoup viennent régulièrement lui tenir compagnie en l´absence de ses fils et filles rarement présents à la maison. À observer ses enfants ballottés entre l´université, le «boulot, métro et dodo», perçant le froid d´hiver et la neige pour pouvoir joindre les deux bouts, Maman Paulette fait une rétrospective sur les attentes qu´elle-même a eues au passé envers ses enfants et qu´elle juge maintenant comme étant démesurées.
Le jeune étudiant nouvellement installé en Europe aura beau expliquer à ses proches que l´Europe est loin d´être l´Eldorado, ils le traiteront tout simplement de pessimiste, de paresseux, de raté même. On lui dresse une longue liste des fils et filles du quartier ayant construit des immeubles à leurs parents juste après deux ans de séjour en Europe. On lui parle aussi de Moussa, le fils du voisin, qui vient de faire partir tous ses frères et sœurs et promet de servir aussi de tremplin aux voisins pour émigrer.
Et puis encore, on lui vente les prouesses de Vivianne, la fille de la voisine qui, après un an seulement en Suisse, est revenue construire une villa à étage à sa mère. Des comparaisons tous azimuts pour signifier au jeune compatriote que l´or se ramasse en Europe et qu´il suffit tout simplement de bouger son petit doigt.
«Maman, tu vois comment nous vivons ici? C´est dur! On se lève tôt et on revient tard le soir,» explique Germain qui vient de commencer ses études. Maman Paulette secoue la tête lorsqu´un autre ajoute: «Et dans tout ca, on n´arrive pas toujours à payer les factures à la fin du mois et à éponger nos dettes.» Vient le tour de Maman Paulette de se confier: «Mes enfants! Chez vous ici, on déjeune avec le stress et on se couche avec le stress. Franchement, il nous faut venir ici pour tout comprendre. C´est difficile de vous croire sans avoir vu de nos propres yeux. Nous demandons aux enfants des Western Union sans comprendre qu´eux-mêmes ne s´en sortent pas.»
Vous aurez beau dire aux proches que l´Europe est loin de l´image paradisiaque projetée dans les films et les séries télévisuelles, ils vous répondront que c´est juste une astuce pour décourager les autres candidats à l´émigration dans le but de cimenter à vie votre place au «paradis». Vous aurez beau dire aux parents qu´il vous est difficile de combiner les études et les petits jobs et de les «westerner» tous les mois, ils vous citeront des contre-exemples.
Bref, peu importe ce que vous pouvez relater sur votre modeste condition en Europe, on vous étiquettera de la mauvaise intention, de la mauvaise foi, de la jalousie. Vous aurez beau expliquer aux parents votre situation financière insatisfaisante, ils ne seront jamais convaincus tant qu´ils n´ont pas encore fait eux-mêmes l´expérience de l´Europe, comme Mama Paulette.
Combien de parents trouvent-ils chez leurs enfants en Europe l´image qu´ils s´étaient forgée? Loin des maisons huppées, des voitures cylindrées, du grand bureau et des employés, certains parents ne manquent pas d´exprimer leur déception face à la modeste situation de leurs enfants. Loin de vivre un climat social convivial et cordial, ils se morfondent seuls à la maison pendant leur séjour, les enfants étant emportés par leur quotidien âpre et stressant.

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