Monsieur le Président,
Depuis plusieurs mois, la terre de nos aïeux est en proie à de graves tensions sociales et politiques qui risquent de replonger le Togo dans le chaos et la violence.
Peu fiers de voir l’arbitraire s’ériger en règle de gouvernance dans notre pays, la Diaspora togolaise de Belgique tient par la présente à attirer votre attention sur la responsabilité qui incombe aux institutions de la nation de prendre et de mettre en œuvre, dans un esprit de sincérité et de vérité, des solutions idoines pouvant ramener la quiétude, la paix civile, la cohésion et le progrès social dans notre pays.
Voici les observations qui illustrent nos inquiétudes :
1. Sur le plan politique
1.1. Votre refus d’ouvrir un dialogue structuré et franc avec l’opposition
Regroupés au sein du CST (Collectif Sauvons le Togo) et de la CEAC (Coalition Arc En ciel), des partis politiques et des organisations de la société civile, manifestent depuis juin 2012, pour réclamer – conformément à l’APG (Accord politique global) et aux rapport des MOE (Missions d’Observations des Elections) de l’UE – les réformes institutionnelles et constitutionnelles, la révision du cadre électoral en vue de permettre des élections libres, transparentes et non contestables, et ainsi mettre fin au cycle infernal « élections – contestations – répressions – négociations ». La plupart du temps, les manifestations de ces regroupements sont interdites ou brutalement réprimées.
1.2. Votre volonté d’écarter vos adversaires politiques sous de fallacieux prétextes
Les inculpations et arrestations de plusieurs leaders et militants de l’opposition sur la base de présomptions légères et tendancieuses de leur implication dans l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Lomé en janvier 2013 ressemblent bien à une manœuvre d’intimidation visant à faire taire vos adversaires politiques et à les éliminer des compétitions électorales. En effet, comment expliquez-vous l’incarcération et le maintien en détention des sieurs Abass KABOUA, Olivier AMAH et d’autres leaders alors même qu’ils sont candidats déclarés aux prochaines élections législatives ?
1.3. Vos velléités d’organiser des mascarades d’élections en excluant les partis d’opposition du processus électoral
Aux termes de l’APG (Accord politique global), la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) est composée de façon équilibrée entre la mouvance présidentielle, les partis d’opposition et la société civile afin de garantir l’équité et la transparence. Ne pensez-vous pas que l’organisation unilatérale des élections législatives risque d’induire à nouveau un cycle désastreux et bien connu : « élections – contestations – répressions – négociations » ?
2. Sur le plan social
2.1. Votre incapacité à calmer la grogne sociale grandissante
Sous la coupole de la STT (Synergie des Travailleurs du Togo), les fonctionnaires de la santé publique et de l’éducation nationale mènent – depuis janvier 2013 – une série de grèves pour revendiquer et obtenir de meilleures conditions de travail.
2.2. Le non-respect des engagements pris vis-à-vis des étudiants
L’enseignement supérieur est également touché par des manifestations d’étudiants réclamant le respect par les pouvoirs publics des engagements relatifs aux conditions de vie et de travail des étudiants.
2.3. La répression aveugle et lâche des collégiens et lycéens
Convaincu de la légitimité des revendications de leurs enseignants, les élèves des collèges et des lycées ont manifesté massivement dans les villes du Togo. La détermination des collégiens et lycéens dénote la lassitude généralisée qui a gagné toutes les couches sociales de la nation togolaise. La répression policière brutale à Dapaong a entraîné le 15 avril dernier, les assassinats de Anselme SINANDARE, élève de 12 ans tué d’une balle dans le dos et de Sinalengue DOUTI, décédé des suites du passage à tabacs par les forces de l’ordre. Jusqu’à présent, les parents et toute la nation attendent que les auteurs présumés de ces actes barbares soient présentés à la justice.
3. Sur le plan économique
3.1. Une minorité s’accapare des ressources du pays au détriment de la majorité
C’est dans ces termes que vous aviez reconnu vous-même que le Togo était gangrené par une corruption généralisée au profit de vos proches et des membres de votre clan. Malgré cet aveu, aucune mesure concrète n’a été prise au cours de vos deux mandats successifs pour mettre fin à la mauvaise gouvernance, à la culture de l’impunité et de la corruption. En tolérant le pillage systématique des ressources publiques par vos proches, le doute est aujourd’hui permis sur votre volonté et capacité de rompre définitivement avec le système hérité de votre feu père.
3.2. Le manque d’attrait du Togo aux investissements étrangers porteurs d’emplois et de croissance économique
Le 28 mai dernier, à l’occasion du lancement des activités de la Togo Invest Corporation, vous reconnaissiez que les investisseurs ne viendraient pas au Togo si le pays reste en proie à l’instabilité politique et aux désordres sociaux. Pensez-vous honnêtement que le refus du dialogue avec l’opposition et le climat de tensions sociales actuelles soient de nature à attirer des fonds étrangers dont le Togo a besoin pour amorcer sa modernisation économique ?
3.3. La révolte populaire comme ultime recours face à la misère galopante et aux inégalités économiques criardes
La corruption, la mauvaise gouvernance et le chômage endémique ont pour conséquence la paupérisation de plus en plus accrue des populations togolaises. Acculés, affamés et n’ayant plus rien à perdre, la révolte semble être l’ultime recours dont disposent les populations pour recouvrer leur droit à vivre décemment et dignement.
4. Sur le plan des droits humains
4.1. La violation systématique des engagements pris par le Togo en matière des droits de l’homme
Les arrestations et détentions arbitraires des militants et responsables des partis politiques d’opposition notamment dans le cadre de l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Lomé, le recours à la torture, les conditions inhumaines et dégradantes de détention, sont autant d’atteintes graves aux droits humains. A l’instar d’autres détenus, le décès par manque de soins en mai dernier de Monsieur Etienne Yakanou, militant de l’ANC (Alliance Nationale pour le Changement) est parfaite illustration des actes de tortures, des formes des traitements cruels, inhumains et dégradants dont fait l’objet les prisonniers politiques et les détenus de droit commun au Togo.
4.2. Les entraves graves et répétées à l’exercice des libertés fondamentales
Comme l’atteste la résolution d’urgence prise par la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) le 3 juin 2013 sur la situation des droits humains au Togo, les restrictions à la liberté d’expression, aux libertés d’actions de la presse, au droit de manifester et les répressions sauvages et barbares des manifestations témoignent du recul démocratique préoccupant observé actuellement au Togo.
Forts de ses constats inquiétants, la Diaspora togolaise de Belgique vous demande avec insistance, dans l’intérêt supérieur de la nation, de prendre les dispositions nécessaires pour :
- Ouvrir un dialogue politique franc et structuré avec l’opposition afin de débattre et d’engager des réformes institutionnelles et constitutionnelles indispensables à l’équité et à la transparence du processus électoral en cours ;
- Suspendre le processus électoral en cours afin de définir et de convenir d’un cadre électoral consensuel qui permette d’éviter les contestations et répressions violentes qui ont caractérisé les processus électoraux antérieurs ;
- Rééquilibrer la composition de la CENI dans un rapport paritaire afin de garantir son rôle d’arbitre impartial ;
- Réviser le découpage électoral adopté unilatéralement en mai 2012 en tenant compte des anomalies et incongruités relevées par les successifs rapports des missions d’observation électorale de l’UE afin de rendre la répartition des sièges plus juste et égalitaire entre les différentes circonscriptions ;
- Libérer immédiatement et sans condition tous les militants et les leaders de l’opposition injustement inculpés et incarcérés pour leur opinion ou dans le cadre des incendies des marchés de Lomé et de Kara ;
- Rendre publique les conclusions du rapport des experts français sur les incendies des marchés de Kara et de Lomé et mettre en place une commission d’enquête internationale pour établir la vérité, identifier et juger les vrais commanditaires de ces incendies criminels ;
- Engager un dialogue franc et sincère avec les organisations syndicales et la coordination des mouvements estudiantins afin de prendre en compte et de satisfaire leurs légitimes revendications ;
- Mettre en œuvre les recommandations contenues dans les rapports de la CVJR (Commission Vérité Justice et Réconciliation) et de la CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme) afin de rendre possible le pardon et la réconciliation nationale ;
- Ouvrir des enquêtes sur les graves violations des droits humains et des exécutions extrajudiciaires survenues au Togo depuis 2005 et rendre justice aux victimes ou à leur ayant droits.
De tout ce qui précède, il a paru approprié à la Diaspora togolaise de Belgique de rendre public la présente afin que nul n’en ignore le contenu.
Convaincus qu’il est encore temps d’agir pour préserver des vies humaines, la paix civile et la cohésion sociale indispensables au développement économique et au progrès social, nous osons croire, Monsieur le Président, que, dans un sursaut de patriotisme, vous accorderiez une importance particulière à notre appel en prenant sans délai les mesures adéquates pouvant hisser notre chère patrie aux rangs des Nations politiquement modernes et économiquement prospères.
La Diaspora togolaise de Belgique
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