Le Cameroun est-il vraiment un Etat de droit ? La question alimente souvent les
conversations dans nos foyers, nos quartiers et dans les cercles de défense des
droits de l’homme. Nos confrères de La Nouvelle Expression ont levé dans leur
livraison de lundi 1er juillet un lièvre si gros qu’on le confondrait volontiers
avec un... éléphant.
Il s’agit de ce couple de policiers menacé par leurs chefs pour une maison de
la Sic (Société immobilière du Cameroun), Joseph Moukaïssedi, inspecteur de
police de deuxième grade est sommé de quitter le logement Sic qu’il occupe à
Bonamoussadi et dont il paie régulièrement le loyer auprès de son bailleur
qu’est la Sic. Maison convoitée par un de ses supérieurs hiérarchiques pour les
besoins d’un parent.
Devant la résistance de l’IP Moukaïssedi, le commissaire de police du 12è
arrondissement mis à contribution s’est fait fort de constituer une escouade de
ses hommes pour aller déloger manu militari leurs collègues. Des policiers comme
eux. A cause de cette maison, le couple a été séparé. Le mari affecté à
Nkongsamba, l’épouse à Yabassi. Ils seront ramenés pour un temps à Douala, puis
affectés de nouveau à Kribi. Selon LNE « la note d’affectation des époux pour
Kribi est arrivée en juillet 2012, le délégué régional de la Sûreté nationale
pour le Littoral s’est assis sur le dossier et a attendu... janvier 2013 pour le
faire parvenir dans les services respectifs alors qu’on avait observé l’abandon
des postes par les époux ». Ce qui justifierait leur révocation.
Le même lundi, Le Messager faisait état des propos de l’ancien ministre
d’Etat Augustin Kontchou Kouomegni. Intervenant dans un forum des jeunes des
Hauts-Plateaux, l’illustrissime professeur agrégé de droit constitutionnel s’en
prenait à son confrère non moins agrégé de droit public, « frondeur » pour le
régime Rdpc, président d’un nouveau parti d’opposition. Pour A.K.K. « la
constitution de 1996 a été rédigée par le Rdpc. Nous allons nous organiser à
défendre nos ressources. Ceux qui veulent passer par le maquis ne réussiront pas
». Et si c’est un aveu du hold up réalisé par le Rdpc. L’éminent professeur de
droit constitutionnel a-t-il la mémoire si courte au point de savoir que dans la
vie tout évolue et que ce qui était valable ou faisable en 1996 ne saurait
plus l’être en 2013. Aussi, faut-il savoir s’arrimer à son temps.
La réalité de ce coup de gueule de l’ancien ministre de la Communication puis
des Relations extérieures est la phobie de voir le Mrc de Maurice Kamto
s’enraciner dans les Hauts-Plateaux. Dans ces conditions, comme il est de
coutume au Cameroun, cette unité administrative ne bénéficierait plus de la
magnanimité du président national du Rdpc qui ne fait développer que les bleds
et les patelins acquis à sa religion politique. Encore ! Raison pour laquelle
élites villageoises et intellectuels organiques se fondent en motions pour ne
pas parler « émotions... » de soutien à temps et à contre temps pour s’attirer
et magnifier les bienfaits de celui présenté pourtant, avec raison, comme « le
président de tous les Camerounais ». Dès lors que c’est lui qui est déclaré
vainqueur de toutes les présidentielles organisées jusqu’à présent au Cameroun.
On va faire comment ?
La pratique est courante au Cameroun de marquer les esprits « frondeurs et
rebelles » qui s’écartent de la pensée unique par les ménaces, le chantage
voire des privations de tous genres. Il n’est pas rare que les localités
entières soient marginalisées, sevrées de tout projet de développement parce
qu’elles comptent un libre penseur politique parmi ses ressortissants.
Voilà que pour un problème de maison, des commissaires de police organisent
une diabolique cabale contre des collègues moins gradés. On est allé jusqu’à
faire signer des arrêtés d’affection « disciplinaire » au Dgsn en attendant de
faire prendre un décret de révocation à leur encontre par le chef de l’Etat.
Pas pour " le bien du service » comme il se dit dans ces milieux lors des
cérémonies d’installation. « Vous lui obéirez dans tout ce qu’il vous
commandera pour « le bien du service ». Ainsi pour le « bien du service », on
peut prendre la femme de son collaborateur, au propre comme au figuré, on peut
lui arracher tout ce qui peut être bon pour le chef, on peut le faire mourir,
comme jadis le roi David d’Israël fit tuer Uri pour ajouter l’unique et belle
épouse de ce dernier à son abondant harem à lui.
Ainsi, le pauvre couple Moukaïssedi ne peut que subir l’enfer que lui
infligent les commissaires cupides et maffieux pour arracher une maison dont
ils sont des locataires réguliers. Ils ne pourront jamais aller se défendre
devant le chef de corps parce que entre le « petit » inspecteur de police et le
délégué général à la Sûreté nationale, il y a la cohorte d’officiers et de
commissaires une, deux, trois, quatre, cinq, six étoiles à franchir.
Comment faire pour franchir cette haie ? A moins de trouver une oreille
attentive dans l’entourage du Dgsn.
Les Moukaïssedi ne sont pas seuls dans
cet enfer. Ils sont légion, ces Camerounais qui croupissent dans les prisons et
autres lieux de détention parce qu’un « Grand » ou ceux qui ont « les relations
» ou le « pognon » leur ont promis l’enfer, la mort. Allez voir n’importe qui,
rien ne vous sortira de la fosse aux lions du Renouveau. Sauf peut-être si vous
comptez vous aussi un haut gradé de la police, de la gendarmerie ou de l’armée
dans vos relations.
Est-ce cela l’Etat de droit ? la bonne gouvernance ? C’est plutôt la jungle
où règne la loi du plus fort. Ainsi des enfants sont enlevés des orphelinats
et placés sans aucune traçabilité dans les familles des « Grands ». Avec la
couverture de la loi du silence. Les institutions qui s’occupent des droits de
l’homme peuvent secouer ciel et terre. En vain ! On va faire comment ? Le
Cameroun, c’est le Cameroun ! Avec les menaces, le chantage, les brimades, la
torture physique et psychologique au quotidien pour les sans recours.
C’est comme si l’écrivain français Honoré de Balzac pensait à la société
camerounaise d’aujourd’hui quand il rédigeait ces mots : « les lois sont comme
une toile d’araignée où passent les grosses mouches et où restent les petites
». Ainsi fait-on de l’insécurité collection ou individuelle un moyen de gestion
opaque du pouvoir.
- Blogger Comment
- Facebook Comment
Inscription à :
Publier les commentaires
(
Atom
)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Laissez nous un commentaire sur cet opinion.