Le plus grand défaut de Bell Joseph Antoine est qu’il n’est pas prophète chez
lui. L´ancien Lion indomptable a été récemment intronisé au Panthéon de la
gloire du sport africain par la Convention internationale du sport en Afrique
(Cisa) à Dakar.
Si "Jojo" a été nominé dans la catégorie ‘Athlète homme 2013’ de cette
prestigieuse distinction, les siens ne l’ont pourtant point reconnu, comme des
dizaines d’autres Camerounais qui mériteraient que l’on pose un regard national
sur leur mémoire.
C’est vrai qu’il est difficile de consacrer un homme de son vivant. Les
statues les plus rivées sur leur socle finissent par être déboulonnées un jour,
après la disparition de leur modèle. Pourtant, on a beau être « l’homme Lion »,
« Nnom Nguii » et tout le bataclan, de son vivant, la déification d’un homme
fut-il illustre précurseur de la démocratie, n’est jamais saine car comportant
une part importante de flagornerie et de « larbinisme». Le général De Gaulle,
Charles de son prénom, n’a été véritablement reconnu par les siens qu’après
avoir tiré sa révérence. On se souvient pourtant qu’il a été chassé du pouvoir
par le fameux « non » des Français à ses réformes. Mais mis sur la balance, ses
hauts faits de guerre l’emportent confortablement sur les vicissitudes et les
aléas politiques.
Le général Leclerc de Haute Cloque lui, s’est égaré sur la place de Bonanjo,
Douala-Cameroun. S’il fait partie de l’histoire française des forces dites
libres de la deuxième guerre, c’est l’histoire du vainqueur ou l’histoire vu
selon le vainqueur qui s’enseigne généralement dans les écoles. Ses hauts faits
et sa tribu son difficilement cernable au Cameroun où nous comptons tout de
même, disent-ils…250 ethnies ; pas moins, mon colonel ! On dit qu’à la tête
d’une colonne, l’ami Leclerc nous a libérés du joug allemand ; nous aurions bien
pu nous passer de son coup de pouce, il y a des remèdes pires que le mal,
n’est-ce pas, Mboua Massock Ma Batalong…
Créé en 2007 à l’initiative de la Société sénégalaise de management et
d’évènementiel sportif Jappo Sports & Entertainment, initiatrice de la
Convention internationale du sport en Afrique (Cisa), unique plateforme
d’échanges sur le sport en Afrique, le Panthéon de la gloire du sport africain
est devenu un symbole. Le Panthéon de la gloire du sport africain a été créé en
guise de reconnaissance à des acteurs ayant apporté une contribution décisive au
développement du sport sur le continent africain. Dans la catégorie des sportifs
africains avant Joseph Antoine Bell, le Malien Salif Keita et l’athlète
franco-congolais Mpélé ont déjà été placés au Panthéon. Dans son intervention au
cours de la cérémonie, Bell a insisté sur « l’importance de construire un pont
entre les anciennes générations de sportifs africains et les nouvelles».
Les ponts ? Vous avez dit les ponts, Jojo ! Chaque jour qui passe au Cameroun
voient les ponts s’effondrer. Passe encore que les ouvrages traversiers comme le
pont du Wouri soient chaque fois, renvoyé aux calendes bantoues, avec en sus la
pose de la première pierre qui est la marque déposée du triangle national. Mais
les ponts humains, les ponts sociaux qui cimentent la nation sont déconstruits à
longueur de proclamation de l’unité nationale, qui s’effondre chaque jour un
peu plus.
Où est la passerelle introuvable qui lie l’actuelle génération à l’ancienne
et à la nouvelle ? La célébration des cinquantenaires de l’Indépendance et
peut-être un jour de la Réunification aurait été une occasion exceptionnelle
pour ouvrir le débat sur une période qui a frustré beaucoup de Camerounais. La
gomme des dirigeants nationaux travaille activement pour effacer les repères
d’hier sur lesquels se serait adossées les nouvelles générations. Le panthéon
camerounais est vide de ses héros. Les figures qui ont marqué l’histoire de
notre pays de 1884 à 1990 sont passées aux oubliettes ou vouées aux gémonies
alors qu’elles méritaient d’être portées au panthéon.
Qui a œuvré pour que le Cameroun se bâtisse dans ses fondations actuelles ?
Pour qu’il devienne indépendant ? Des nationalistes comme Rudolf Manga Bell et
des indépendantistes tels que Ruben Um Nyobé, Félix Moumié ou Kinguè Abel
devraient cohabiter avec des personnalités comme André-Marie Mbida, Charles
Okala ou Douala Manga Bell. Ils sont absents de la mémoire collective, certes
fragile et oublieuse. A défaut d’une maison commune pour commémorer leur
mémoire, où sont leurs tombes éparpillées aux quatre vents des blancs de nos
livres d’histoire et des errements culturels de nos officiels ?
Les journaux qui construisent à la « diable » le panthéon du Cameroun, ont de
plus en plus de la gêne à commémorer l’anniversaire de la mort d’Ahmadou Ahidjo,
le plus contemporain de nos repères qu’aucune cérémonie officielle ou privée n’a
osé célébrer. Avec lui, la conspiration nationale du silence avance à grands
pas, comme hier la chape qui plombait l’évocation du nom du Mpodol Um Nyobe.
Richard Keuko vient de s’essayer dans un livre à repérer 56 visages, 56 repères
à caser au panthéon de notre identité. Il estime que « les blessures et les
rancœurs accumulées à l’époque étaient si vives qu’il paraissait difficile »
d’aborder certains souvenirs « sans que ne ressurgissent les démons du passé
».
Dans le message à la nation du chef de l’Etat à la fin d’année 2009 il était
question de ceux qui se sont battus pour l’indépendance de ce pays, des gens qui
méritent de la considération. Etait-ce l’affirmation d’une volonté politique
vite ensevelie dans l’immobilisme ambiante comme tant d’autres projets? Comment
libérer les langues et les esprits pour prendre le chef de l’Etat au mot, dans
un pays où la vérité vient du haut pour le bas ? En dehors du Prince, qui
oserait bousculer le mur de la peur pour créer dans les faits une dynamique de
souvenirs, sans être mal vu ou finir dans les rets de l’opération Epervier ?
Pierre Désiré Engo quoique emmuré vivant est toujours là pour rappeler qu’en
dehors du Renouveau point de salut...
Bon mercredi et à mercredi
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