Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

David EKAMBI DIBONGUE : APRES LE DOUBLE SCRUTIN DE 2013 : EST-CE LE RETOUR DU TEMPS DE LA POLITIQUE AU KAMERUN ?

Cette fois encore, après les grands moyens déployés pour les inscriptions des populations sur les listes électorales et le retour significatif des masses aux urnes, le Rdpc a gagné, malgré d’énormes déchirements en son sein à la suite des investitures de leurs candidats au double scrutin. Avec la percée électorale du nouveau venu, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) et les victoires, malgré tout,  de l’Union des populations du Cameroun (Upc), la scène politique nationale a été marquée par des frémissements, mais sans changement notable du rapport de force dans l’échiquier politique. Tout porte à croire que malgré la permanence des irrégularités, un nouveau temps de la politique s’ouvre au Kamerun. Il reste aux entrepreneurs politiques de lire objectivement les signes de ce temps et de savoir et pouvoir convertir celui-ci en de nouvelles visions et productions politiques pour le Kamerun.

 Après la grande effervescence des masses populaires pour la participation à la vie politique lors du retour au multipartisme au Kamerun, on observera très vite de ces mêmes masses,  un certain abandon du terrain politique. Quelles peuvent en être les causes ?  Les positions inexplicables d’une partie de l’opposition qui n’a pas su saisir l’opportunité d’une participation aux élections législatives de 1992, et encore moins, pour celle qui avait accepté d’y participer, l’incapacité d’utiliser de façon judicieuse des victoires engrangées. Cette dernière, au lieu d’user de sa majorité politique parlementaire pour s’imposer et offrir aux kamerunais des perspectives d’ouverture d’une ère politique nouvelle, accepta s’allier au Rdpc. Viennent ensuite la présidentielle d’octobre 1992 avec la victoire volée à l’opposition, et la grande secousse politique qui faillit emporter le pouvoir Rdpc et son Président Paul Biya. Toutefois, ce dernier saura se ressaisir et tout mettre en œuvre pour bâillonner complètement l’opposition politique. Toutes les échéances électorales qui suivront, seront entachées des plus graves irrégularités. Il en résultera une participation minable de l’électorat national, malgré les multiples manipulations du fichier électoral.

S’agissant d’une meilleure gestion d’un processus électoral très critiqué, après l’échec du Minadt, et à la demande de l’opposition politique et la Société civile, bientôt rejointes par les chancelleries occidentales et les  organismes internationaux, d’une Commission nationale électorale indépendante (Ceni), en lieu et place, Paul Biya, sous pression, concèdera Onel 1,  Onel 2 et enfin Elecam. Dès sa mise en place, la configuration anti constitutionnelle d’Elecam donnera assez de  doutes quant à sa neutralité politique et même à sa capacité organisationnelle, vu sa constitution ainsi que les moyens à sa disposition. 

Enfin, notre  code électoral, non consensuel, demeure décrié. Sans oublier les difficultés de l’expression politique publique ainsi que la répression brutale dont les partis politiques d’opposition et les associations sont systématiquement victimes lors de leurs manifestations, à cause de loi de la déclaration de toute manifestation publique à l’autorité publique. De son côté, l’autorité publique, afin de museler l’opposition politique, surfe sur toute déclaration des manifestations publiques, sujette, aujourd’hui,  à un refus habituel, au motif de trouble à l’ordre public. Ce qui par ricochet, réduit très sensiblement la présence active et habituelle des partis politiques sur le terrain.  


Ainsi, le double scrutin des législatives et des municipales du 30 septembre 2013 va s’annoncer et se préfigurer sous de lourds nuages de soupçons des irrégularités habituelles et de tiédeur participative de l’électorat national, tel que décrit plus haut…

A ce moment, on s’interrogera, comme on ne nourrit pas sa poule le jour du marché, comment attendre des partis politiques d’opposition qui ont été à peine visibles sur le terrain pendant la période pré électorale, pour les raisons précitées, qu’ils puissent accepter aller aux échéances et compétir avec un maximum d’espoir de réussite dans de telles conditions ?

DE NOUVELLES DONNES ET DES VICTOIRES…
Néanmoins, la majeure partie de la classe politique kamerunaise s’est présentée à ces deux échéances, à l’exception d’une minorité de partis politiques. Cette frange politique qui se compose de ceux  qui ont été recalés par Elecam, pour voir ensuite le rejet de leurs candidatures confirmé par les juridictions compétentes, et de ceux  qui consciemment et politiquement continuent à combattre la légitimité d’Elecam et militent pour son remplacement pur et simple par la Ceni consensuelle (Commission électorale nationale indépendante).
Malheureusement, au lendemain du double scrutin, les mêmes griefs faits, lors des échéances politiques antérieures au Minatd, à Onel 1 et Onel 2, refont surfacent avec Elecam. A telle enseigne, Le Messager a titré : Municipales et législatives : La victoire des irrégularités (1), le journal Mutations a renchéri : Législatives et municipales 2013. Elections sur fond de tensions et d’irrégularités (2). Et Xavier Messe de conclure : « Elecam fort décrié au départ par la manière dont ses membres furent désignés, rassure progressivement au fil des consultations électorales. Si la numérisation du système électoral camerounais apporte de plus en plus de la sécurité et la sérénité, l’élément humain demeure un gros handicap. La tricherie, l’achat des consciences, les intimidations de toute nature sont autant de maux relevés plus haut, qui font partie des comportements humains qu’aucune machine numérique, fut-elle la plus sophistiquée ne saurait éliminer. » (3)   

Cependant, la journée du double scrutin fut globalement calme et sereine sur toute l’étendue du territoire. Contrairement à la situation qui avait prévalu lorsque Alain Didier Olinga, pour les législatives et les municipales de 2002,  s’inquiétait à raison : « Quant à l’abstention, elle a été unanimement considéré comme vainqueur des dernières élections. Plus d’un million et demi d’électeurs inscrits se seront abstenus de voter. Cette donnée est une interpellation sérieuse pour tous ceux qui aspirent à un enracinement de la démocratie au Cameroun. La démocratie ne peut fonctionner qu’avec des citoyens intéressés à la chose publique. » (4). Le journal Mutations quant à lui, déclarait au lendemain de l’élection présidentielle de 2011 : « Présidentielle 2011. Le triomphe de l’abstention. » (5). 

Cette fois-ci plusieurs compatriotes s’accordent sur le fait que, malgré un taux de participation encore en deçà du potentiel électorat réel du Kamerun, il y a un retour effectif des électeurs aux les urnes. Pour Ekanè Anicet : « Ce que je note concernant ce vote, c’est que la participation est importante. Les gens sont vraiment sortis pour aller voter. Le taux de participation sera élevé. » (6).   


Effectivement, on note un retour sensible des Kamerunais aux urnes avec un taux de participation avoisinant les 75,4% selon Elecam, tandis que d’autres observateurs modèrent celui-ci à 65% des inscrits (7). Objectivement, ce taux est déjà mieux en termes de participation électorale des masses populaires par rapport aux années précédentes.

Sûrement, cela serait le résultat de l’avènement de la refonte des fichiers électoraux informatisés et du lourd investissement financier réalisé à cet effet. A noter également, la mobilisation de plusieurs partis d’opposition qui se sont investis à la tâche. A l’occasion, Cameroon Tribune titrait : «  Partis politiques. La chasse aux électeurs est ouverte » (8). Et dans cette campagne pour de larges inscriptions sur les listes électorales, relevons que les militants et sympathisants du Rdpc auront été les plus nombreux à se présenter aux divers bureaux d’Elections cameroon et également les plus nombreux à se rendre aux urnes en rapport de ce faible taux d’inscription, relevé plus haut. Il faut mentionner avec insistance, qu’en dehors des irrégularités décrites plus haut, cette particularité indiquait déjà le sillage du verdict probable des urnes.

Comme il fallait s’y attendre, c’est un  verdict sans appel. En effet, malgré plusieurs déchirures en son sein suite aux investitures de ses candidats et à la faveur d’une misère galopante dans la société, le Rdpc a encore largement gagné aux municipales comme aux législatives. Au Nord-Kamerun, la rude bataille de Garoua, bruyamment annoncée avec renfort de soldats de dernière heure, a-t-elle été un flop ? Les positions politiques du Rdpc dans l’ensemble du « Grand Nord » n’ont point été considérablement ébranlées. Partout, ailleurs le Rdpc a encore hélas consolidé son obésité électorale politique. Et son éclatement annoncé n’a pas eu lieu. A certains endroits, où le parti des flammes a perdu, la bataille a opposé le Rdpc au Rdpc, tel Yabassi, Bafia etc … Il est vrai qu’un analyste a titré : « Elections. Et les vainqueurs sont le Rdpc… et les irrégularités » (9).

Mais plus sérieusement, ce ne sont pas seulement les irrégularités qui ont fait gagner le parti administratif. La contexture de la démocratie au Kamerun (qui en est somme toute une irrégularité aussi) est à questionner autant que celle des partis politiques d’opposition. C’est pour cela que l’expérience de la plate-forme (Udc, Afp, Cpp et Upc) bien qu’elle n’ait pas produit les résultats escomptés, mérite une réflexion approfondie : à savoir si ce sont les limites de temps, de moyens organisationnels ou la qualité du déroulé du discours qui ont fait problème ? Car face à l’ogre Rdpc, sans plate-forme politique de l’opposition réelle, un changement patriotique demeure hypothétique.

Pour ce qui est des victoires, le Social democratic front (Sdf), parmi tant d’autres partis, en a obtenues d’assez symboliques, à l’instar de la Mairie de Douala III. Mais en même temps, il a enregistré des défaites significatives dont Bamenda I et Santa (ville natale du Chairman).
Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (Mrc), pour une première participation  aux échéances électorales, a fait une entrée remarquable, malgré toutes ces irrégularités. L’Union nationale pour le progrès et le développement (Undp), malgré sa déculottée aux Sénatoriales, a pu se ressaisir en cette occasion, sans perdre particulièrement du terrain politique. Quant au Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc), malgré d’énormes moyens financiers engagés pour ce double scrutin, à grand renfort de déclarations fracassantes, a affiché une piètre prestation.

Par ailleurs, l’autre nouvelle donne de cette journée électorale, hormis le taux de participation des électeurs en augmentation, est constituée par les victoires de l’Union des populations du Cameroun (Upc) dans les mairies de la Sanaga-Maritime et celles du Nyong et Kellé, et également les députations du même département.

Les victoires de l’Upc, que certains assimilent à des « bonus » accordés aux copains et coquins de la dictature parasitaire d’Etoudi, nous interpellent, au-delà des clichés. Car, même si la réunion d’Edéa du 29 juin 2013, qui avait scellé la volonté de présenter des listes upécistes uniques au double scrutin du 30 septembre 2013, a été finalement ombragée par la rencontre du ….à Yaoundé avec le Minatd, notre lecture ne doit nullement  ignorer les dynamiques locales assez fortes, qui sous-tendent le débat politique pour le Mouvement national upéciste dans le Kamerun et surtout dans le « pays bassa ». Effectivement, toutes les listes de l’Upc n’ont pas gagné partout où elles ont été présentées. Des raisons d’ordre stratégico-organisationnel, socio culturel, de même que la qualité du discours déroulé pendant la campagne électorale expliquent sans doute les résultats obtenus. Dans la Région de l’Ouest où la culture est fortement établie sur le leadership d’un Chef, l’Upc n’a, aujourd’hui, personne de ce terroir qui illustre sa vision. Le département du Nyong et Kellé est plus homogène ethno culturellement que partout où l’Upc a gagné. Il s’agit plus d’un cri de cœur des masses upécistes…

Malheureusement, les ténors upécistes qui ont participé au double scrutin ne jurent que sur l’alliance Upc-Rdpc.

QUELLES PERSPECTIVES ?

Néanmoins, pour ces victoires de l’Upc, toute analyse qui ne tiendrait pas compte des dynamiques internes et externes de tout fait réel, tout regard superficiel porté sur elles, risque devenir un stéréotype. Car il ne suffit pas d’affirmer des positions de  résistance. Il est mieux de démontrer des voies politiques de sortie. Car au-delà, de la nature politique réelle de certains militants qui ont porté ces victoires et de la volonté du Rdpc et ses maîtres sorciers de vassalisation de l’Union des populations du Cameroun, toute réflexion sérieuse ne disqualifierait pas  le cri de cœur des masses upécistes face aux  listes « unifiées » de l’Upc. Pour preuve, après le décompte des bureaux des votes, qui donnait l’Upc vainqueur à la Mairie d’ Eséka : « un jour avant la fin des travaux de la commission départementale de recensement, une rumeur persistante a circulé selon laquelle le Rdpc aurait mobilisé plusieurs dizaines de milliers de FCfa pour tenter de corrompre les membres de cette commission. Et curieusement, le lendemain, 3 octobre, les premières tendances de décomptes donnaient le Rdpc vainqueur avec une différence de 200 voix. (…). La commission a dû reconnaître ce qui a alors été qualifié d’erreur imputée à la saisie des données. Car les résultats avaient tout simplement été inversés. Informés, des militants (de l’Upc) avaient déjà pris d’assaut le palais de justice d’Eséka déterminés à sécuriser leurs votes » (10).


Concrètement, toute victoire de l’Upc doit s’éloigner de toute recherche des strapontins d’un pouvoir moribond, mais être axée sur la réorganisation efficace des structures du Mouvement, pour la conquête du pouvoir politique d’Etat. La possibilité de la réussite de cette conquête passe par l’unification de l’Upc. Nous sommes d’accord avec Woungly Massaga : « Pour un rassemblement sans exclusive » (11), et fermes aussi avec Ndema Samé pour « Une orientation politique claire » (12). Car ne l’oublions pas : « La question n’est pas  tant celle de savoir qui ressemble le plus à Um Nyobè ou Ouandié, mais plutôt, de savoir qui, le mieux, en portant « l’âme immortelle du peuple camerounais », permettra aux citoyens de prendre en leur destin, d’améliorer leurs conditions de vie, bref de répondre aux questions de l’heure. » (13). 

Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais a obtenu des victoires pour cinq années encore, malgré toutes les turbulences en son sein, la misère galopante du peuple, des multiples irrégularités mais aussi de la turpitude de l’opposition kamerunaise. Pour une rare fois, nous nous accordons avec Issa Tchiroma qui dit : «Nous avions pensé que nous avions affaire à des forteresses inébranlables ; nous les avions secouées et elles ont résisté. Nous leur avions trouvé des failles, des talons d’Achille. Je peux vous l’assurer : la prochaine sortie sera la bonne. » (14).

Assurément, pour ceux des entrepreneurs politiques qui ont enfin compris que l’amateurisme  doit céder le pas au professionnalisme, et que les toutes les pesanteurs rencontrées ne sont pas des obstacles infranchissables mais plutôt des occasions de faire chaque fois montre d’une maturité politique grandissante, il faut en être convaincu : le temps de la politique est de retour au Kamerun.  

1- Le Messager n° 3932 du mardi 1er octobre 2013. P, 1
2- Mutations n° 3496 mardi 1er octobre 2013. P, 1
3- Xavier Messe, Encore du chemin à faire. Mutations n° 3500. Lundi 07 octobre 2013. P, 3
4- Alain Didier Olinga, « Bilan politique et sociologique de législatives et des municipales de 2002.  La Nouvelle Expression n° 2031 du vendredi 27 juillet 2007. P, 8
 5- Mutations n° 3008 Lundi 10 octobre 2011. P, 1
6- Anicet Ekanè, Une participation importante. Cameroon Tribune mardi 01 octobre 2013. P, 11
7- Nicolas Vounsia, Elections. Controverse autour du taux de participation. Mutations n° 3503. Jeudi 10 octobre 2013. P.4
8- Armand Essogo, Partis politiques. La chasse des électeurs est ouverte. Cameroon Tribune vendredi 18 janvier 2012. P.5
9- Serge D. Bontsebe, Elections. Et les vainqueurs sont, le Rdpc… et les irrégularités. Mutations n° 3507. Vendredi 18 octobre 2013. P, 7
10- Claude Tadjon, La pression monte dans le Nyong et Kellé. Le Jour n° 1538 du jeudi 10 octobre 2013. P, 4
11-Steve Libam et J.B. Ketchateng, Woungly Massaga : « Pour un rassemblement sans exclusive ». Cameroon Tribune jeudi 29 décembre 2011. P, 11
12- Steve Libam et J.B. Ketchateng, A. Ndema Samé : « Pour une orientation politique claire ». Cameroon Tribune jeudi 29 décembre 2011. P, 11
  13- Brice T. Sigankwé, Raoul Simo : « L’Upc est morte avec Um Nyobè ». L’Actu Quotidien  n°138 du jeudi 3 novembre 2011. P, 10
14- Victorine Byi-Nfor et J.B. Ketchateng, Issa Tchiroma « Bravo à toute la classe politique ». Cameroon Tribune. Vendredi 18 octobre 2013. P, 5
Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.