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Éric Essono Tsimi : DEUXIÈME MORT D’AHMADOU AHIDJO : TOI AUSSI MA FILLE !

Insensible à la critique, au ridicule et au déshonneur, la fille d’Ahmadou Ahidjo, l’ancien Président camerounais, dont il ne reste pas un seul atome de poussière au Cameroun, cette fille donc, touchée par la grâce d’une révélation tardive, prêche désormais la bonne nouvelle du RDPC (catalyseur de toute la corruption possible au Cameroun).
Ahmadou Ahidjo est mort, mais sa mort ne saurait le sanctifier ni faire oublier qu’il fut un dictateur sur la tombe duquel on serait bien allé cracher. C’est comme s’il n’a jamais existé. Après Mohamadou ambassadeur, Aminatou émissaire. Les enfants Ahidjo n’ont décidément pas de mémoire. Leur apport à une « réconciliation » est imaginaire et nul, parce que la guerre qui nécessitera un tel raccommodement est encore à venir.
Il y a chez Badjika Mohamadou et Aminatou Ahidjo comme une tare, une congénitale propension à se faire humilier par Paul Biya. Ils ont rengainé leur fierté et leur dégoût et se sont attablés avec celui qui avait condamné à mort leur père. Est-on jamais allé aussi loin dans le vomissement de la mémoire d’un père ?
Tout ceci, en dépit de l’énergie de réprobation produite à la fois dans l’édito d’un certain Haman Mana, dans le mouvement spontané et ô combien sympathique dénommé « Aminatou, tu mens » et dans une lettre probablement apocryphe d’un membre indigné de la fratrie Ahidjo.
Ceux qui ont dit non
Samuel Nana Sinkam qui se croyait un Hébreu en exode aux Nations Unies l’avait fait, il avait dit non à une nomination de Paul Biya. Mais il a fini par en payer le prix, et, aujourd’hui, rase les murs d’un pouvoir qu’il avait snobé. Garga Haman Adji avait démissionné de manière héroïque, mais il s’est retrouvé nommé plus tard à un poste mieux rémunéré que celui de ministre.
Il va de soi que Maurice Kamto ne dirait pas non à une nouvelle nomination au gouvernement : quand on exècre le pouvoir de Paul Biya, on ne rentre pas dans son Assemblée nationale. Connaissez-vous un député camerounais qui dirait non à un strapontin ? Paul Biya nomme aux emplois civils, militaires et aux mandats électifs : le président du sénat, avant ses messes d’actions de grâce au Dieu du Ciel, a participé aux meetings de remerciements au tout puissant président de l’exécutif camerounais.
Combien de temps Eric Mathias Owona Nguini tiendra-t-il sa place dans les taxis et se contentera de la reconnaissance du menu peuple ? À quoi a servi le "non" d’Henriette Ekwe ? Aucun surcroit de notoriété, sa parole publique n’en a pas été davantage valorisée… Pas sûr que l’Histoire leur rende la justice qui leur est due.
La conscience de ce que le destin des Camerounais, quels que soient leur degré d’intégrité et leur bord politique ou affectif, est irrémédiablement le même, a-t-elle pesé dans la décision des enfants Ahidjo ? Pourquoi dire non ? Comment dire non ?
Le Président Paul Biya corrompt les vivants et les morts, il rallie qui il veut à la cause de son régime perpétuel. Existe-t-il des gens qui lui aient dit non ? Lui qui ramène à la vie publique des fossoyeurs de notre économie (Akamé Mfoumou, PCA de Camairco, on croit rêver), fonctionnarise à vie Mendo Zé et les chefs traditionnels (comme jadis les colons Allemands fonctionnarisaient Douala Manga Bell… avant de le pendre), fait et défait ses alliés et ses opposants, tous d’une tragique impuissance. Paul Biya est conseillé par l’un des plus savants de ses détracteurs savants (Luc Sindjoun), sa parole est portée par un opposant acquis à sa cause éternelle (Issa Tchiroma Bakary) ; à peine libérée de Kondengui, Haman Adama bat campagne pour lui.
Biya « frustre » les biyaÏstes (ce dernier mot est si mal façonné qu’on ne doit en dénombrer qu’un seul ou deux à l’extrême rigueur). Mais les biyaïstes, contre toute attente, continuent d’attendre le grand soir du décret de leur nomination.
A quoi pourrait-on encore comparer le Président Biya ?
Les enfants Ahidjo ont-ils eu le choix ? A-t-il été ouvert, ce choix ? Ont-ils l’imagination qu’il faut pour le prendre par lâcheté ? Si Paul Biya qu’on dit doux (il n’a pas le profil habituel des dictateurs : grondeur, colérique, narcissique, brutal) est si fort, pourquoi le Cameroun va-t-il si mal ? Et s’il est aussi mauvais ou faible qu’on l’en accuse, pourquoi ne parvient-on pas à le renverser ?
C’est le Sphinx d’Etoudi, presque un phénix, aimé jusqu’au simulacre, craint par ceux qui osent le haïr ouvertement, qui revient toujours de manière inattendue au-devant la scène politique… C’est qu’il ne s’est pas encore trouvé d’Œdipe pour répondre à l’énigme de sa durée.
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