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Mohamadou Houmfa : DANS LA TÊTE DE MARAFA HAMIDOU YAYA

Depuis la publication de sa première lettre, le ministre d’Etat, est devenu l’un des personnages les plus controversés de la République. Nombreux sont ses sympathisants autant que le sont ses détracteurs. Eux qui suivent néanmoins ses activités épistolaires avec une impatience parfois mal dissimulée. Autour de ce personnage à la fois admiré et honni, fusent de nombreuses interrogations. Légitimes !
Certains s’imaginaient probablement que son incarcération allait signer sa mort politique. Que non ! Au contraire, Marafa Hamidou Yaya fait désormais partie du décor politique au Cameroun. Mieux, ses sorties semblent même rythmer le débat politique dans le pays. C’est certain ! Mais, il est aussi évident que même s’il parle depuis plusieurs mois, beaucoup de questions reviennent sans cesse.
Pourquoi parle-t-il maintenant et pourquoi ne le faisait-il pas quand il était dans la gouvernement ?
Cette question revient souvent. Il est accusé de n’avoir jamais parlé quand il avait « la bouche pleine » ou quand il était dans la mangeoire. Or, Marafa a lui-même esquissé une réponse à cette interrogation. Dès ses premières lettres, il a tenu à se présenter comme un homme critique qui ne se privait pas de dire ses quatre vérités au président Paul Biya. « J’ai toujours préféré garder une liberté qui me permettait de vous donner, en toute indépendance d’esprit, des avis vous permettant de gérer les affaires de l’Etat dans le plus grand intérêt de notre pays » a-t-il écrit dans sa première lettre au président de la République.
Il dit par exemple avoir déclaré au président qu’il y avait trop de ministres dans le gouvernement. « Monsieur le président de la République, Vous me connaissez très bien. Je ne cache ni mes opinions ni mes agissements » écrit-il d’ailleurs dans la même lettre. L’autre raison de son silence pendant ses années dans le sérail, c’est le devoir de réserve que lui imposait ses hautes fonctions. « Vous comprenez donc qu’ayant recouvré ma liberté de parole car n’étant plus tenu par une quelconque obligation de solidarité ou de réserve, je puisse exposer, échanger et partager avec tous nos compatriotes mes idées et mes réflexions que je vous réservais en toute exclusivité ou que je ne développais qu’au cours des réunions à huis clos. Ces idées et ces réflexions portent particulièrement sur la paix et la justice » indiquait-il déjà dès sa première lettre.
Pourquoi n’a-t-il jamais démissionné du gouvernement s’il n’était pas d’accord ?Pour de nombreux observateurs, si Marafa Hamidou Yaya avait démissionnait du gouvernement, son aura aurait été encore bien meilleur que celle dont il bénéficie aujourd’hui. A cet effet, on peut se demander pourquoi malgré les percussions et les intrigues dont il dit avoir été victime alors même qu’il était encore en fonction, il n’a pas quitté le navire. Là encore, il faut reparcourir les lettres de Marafa pour avoir une esquisse de réponse. D’abord, il a rappelé dès sa première sortie qu’il a exprimé à plusieurs reprises son désir de quitter le gouvernement. « A mon retour à Yaoundé, j’ai sollicité une audience au cours de laquelle je vous vous ai à nouveau présenté ma démission. A cette occasion, je vous ai renouvelé l’impérieuse nécessité de nommer à la tête du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation une personne qui non seulement jouirait de votre confiance, mais aussi que l’on laisserait travailler en toute sérénité.
A nouveau vous avez refusé ma démission et vous m’avez renouvelé votre confiance ». Il rappelle aussi avoir demandé de ne plus faire partie du gouvernement après l’élection présidentielle. « compte tenu de l’effritement continu de la confiance depuis bientôt (07) ans et finalement de la perte manifeste de celle-ci, je n’entendais plus continuer ma collaboration avec vous au niveau du gouvernement » écrit-il dans sa première lettre. Des réponses qui n’ont pas manifestement convaincu ses détracteurs. Eux qui rappellent que quand on n’est pas d’accord, on démissionne. Citant à souhait les ministres Garga Haman Adji et Maurice Kamto. Mais, la question n’est pas aussi simple à en croire certains « marafistes ». Pour eux, quand on est été le chef de l’Etat à un niveau aussi proche que celui de secrétaire général de la présidence de la République, démissionner un affront à l’endroit du chef de l’Etat. Le cas de Titus Edzoa est parlant à cet effet. Or, Marafa n’a jamais vraiment voulu combattre frontalement Paul Biya. D’où d’ailleurs le ton de ses lettres.
Marafa a-t-il des leçons à donner alors qu’il a servi le système ?Lui-même ne le nie pas et remercie d’ailleurs le président de lui avoir permis de servir à des hautes charges. «Vous m’avez donné l’opportunité de servir notre pays à un très haut niveau. Je l’ai fait avec enthousiasme, engagement et je l’espère modestement, avec une certaine compétence. […] J’ai été votre proche collaborateur pendant dix-sept (17) années sans discontinuer. D’abord comme conseiller spécial, ensuite comme secrétaire général de la présidence de la République et enfin comme ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation pendant près d’une décennie ». Il est donc en quelque sorte comptable de la situation dans laquelle se trouve le Cameroun. « Mais, vous avez vous-même exercé de hautes fonctions au gouvernement. Vous sentez-vous une part de responsabilité dans cet échec? » lui demandait le journaliste Assane Diop dans une interview accordée à slateafrique. « Je vais répondre à votre question par des questions.
Suis-je fier d’avoir sauvé l’organisation des élections législatives et municipales de 2002 dont l’impréparation nous menait droit aux émeutes? Suis-je fier d’avoir œuvré pour une amélioration sensible du processus électoral vers plus de transparence? Suis-je fier d’avoir amorcé, en dépit de toutes les entraves et résistances, le processus de décentralisation indispensable à la modernisation de notre pays? Ai-je avec insistance attiré l’attention du chef de l’Etat sur la nécessité d’engager des réformes institutionnelles et économiques? Mais je ne veux pas revenir sur le passé. Seul importe l’avenir, et pour le construire, mon expérience peut utilement servir mon pays » a-t-il répondu. Tout est donc dit ! Dans l’esprit de Marafa, l’expérience gouvernementale capitalisée pendant ses 17 années dans le gouvernement vont être utiles si jamais… La preuve, avec sa 6ème lettre, il montre qu’il a encore une bonne maitrise des dossiers.
N’a-t-il pas détourné les fonds publics pour se construire son imposant domaine de Garoua ?Dès les premières semaines de son incarcération, l’image satellite de son imposant domaine de Garoua a fait le tour d’Internet. Désormais, ses détracteurs s’en servent pour le présenter comme un détourneur de fonds publics à défaut de preuves matériels qu’il a détourné de l’argent dans l’affaire de l’avion présidentiel pour laquelle il est incarcéré. Là aussi, Marafa avait déjà apporté un élément de réponse. « Mon patrimoine est connu. Je l’ai acquis, et il est aisé de le vérifier, en ayant essentiellement recours à des prêts bancaires, que j’ai remboursés grâce à mon traitement de ministre et à mes jetons de présence comme président du conseil d’administration de sociétés publiques » a-t-il déclaré lors de son interview à Slatefrique. Une réponse qui ne satisfait pas tout le monde, dans un pays où l’opération dite Epervier et les révélations quasi-quotidiennes des actes de corruption dans la haute administration, ont fini par convaincre l’opinion qu’un ministre est un détourneur de fonds publics. Si d’aventure il devait finalement présenter son projet aux Camerounais, des éléments concrets s’avèrent nécessaires pour convaincre.
Pourquoi ne parle t-il pas du pétrole, son domaine de formation ?
Plusieurs Camerounais s’attendaient à ce qu’il fasse un « grand déballage » sur la gestion de la manne pétrolière. Lui, ingénieur en pétrochimie, diplômé de l’université du Kansas aux Etats-Unis et ancien cadre à la société nationale des Hydrocarbures. Il a certes été à la SNH, il a certes été président du conseil d’administration de cette structure. Mais, détient-il vraiment les chiffres et les informations clés sur cette société ? Difficile à le dire. Il est cependant certain que s’il y a un domaine dans lequel il a une meilleure expertise, c’est l’administration territoriale. Dans une tribune publiée dans le quotidien français « Le Monde », l’ex-Minatd a bien tenté d’aborder la question en indiquant qu’il faut déjà préparer « l’après-pétrole ». « Deux spectres hantent le Cameroun: le spectre de l’après-Biya et celui de l’après-pétrole. Je le dis sans hésiter: mon pays a la capacité d’en triompher » écrivait-il. Evidemment, s’il faut que Marafa disserte sur le pétrole, ce sera peut-être sur des aspects techniques sans grand intérêt pour le public qui veut en savoir plus sur les mouvements de fonds liés à la manne pétrolière. Or, dans ce domaine, c’est bel et bien le directeur général de la société nationale des hydrocarbures et de la caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures qui peuvent détenir des informations clés. Eux qui, à en croire certains connaisseurs du sérail, répondent généralement directement devant le président de la République pour des questions cruciales. Il ne faudra donc pas peut-être attendre Marafa sur ce terrain. En tout cas, pas exactement comme le lui demande un public désormais friand des révélations croustillantes sur la gestion du pays.
Que recherche-t-il à travers ses lettres et comment voit-il l’avenir ?
Convaincu de son innocence, Marafa continue d’envisager l’avenir avec sérénite si l’on en croit ses récentes sorties. « Le tribunal ne m’a trouvé coupable d’aucune malversation. Permettez-moi d’être plus détaillé, et de vous dire quelles ont été ses réponses aux questions essentielles suivantes: ai-je pris l’initiative de commander cet avion? Non. Ai-je pris la décision, ou ai-je été informé préalablement de la décision, de virer 31 millions de dollars à la société retenue au lieu d’émettre une lettre de crédit comme c’était prévu ? Non. Ai-je pris l’initiative ou ai-je décidé de commander un autre avion que celui initialement prévu? Non. Ai-je participé de près ou de loin à l’accord par lequel l’État du Cameroun et le vendeur se sont entendus pour solder cette affaire, et par lequel les deux parties renonçaient à toutes poursuites ultérieures? Non. Enfin, y a-t-il trace d’une somme d’argent que j’aurais reçue dans le cadre de ce dossier? Non.Vous voulez mesurer à quel point les accusations portées contre moi sont grotesques ? Un mois à peine après ma condamnation, mon successeur au Secrétariat Général à la Présidence de la République, a été condamné, et pourquoi? Pour avoir tenté de détourner ces mêmes 31 millions de dollars qui sont censés déjà avoir été dérobés! » a-t-il argumenté chez Slateafrique.
Lors d’un débat télévisé sur STV2, l’avocat Me Emmanuel Pensy semblait abonder dans le même sens en reconnaissant que le verdict prononcé contre Marafa reconnu coupable de « coaction intellectuelle de détournement » n’existe pas en droit pénal. Ajoutant que n’ayant aucun élément palpable pour le condamner, les juges avaient choisi de le condamner pour une faute « morale ». Un motif d’espoir pour le célèbre prisonnier du Secrétariat d’Etat à la Défense (Sed) qui annonçait déjà : « Nous avons entrepris avec mes avocats de faire appel du jugement. Nous avons la volonté d’épuiser tous les recours de droit. Cependant, je ne me laisserai pas enfermer dans la sphère judiciaire. Elle est secondaire par rapport au combat politique, que je poursuivrai sans relâche ». En fait de combat politique, Marafa est porteur d’un projet politique : la construction d’une « société de confiance ». Et, à travers ses lettres, Marafa tient non seulement à gagner la bataille de la communication qui semble déjà engagée pour l’après-Biya, mais elles lui permettent aussi de diffuser ses idées pour revêtir définitivement un costume de présidentiable. « Même si les coups sont rudes. Je continuerai à publier mes lettres. Les suivantes sont prêtes. Elles ne viseront pas à détruire, mais à reconstruire. Chacun des thèmes qu’elles abordent vise à servir le débat politique » avait-il déjà annoncé.
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