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Grâce présidentielle sur mesure pour Atangana et Titus. Qu’en est-il des autres prisonniers politiques ? Et Paul-Eric Kinguè dans tout ça ? par Félicité Ngadja

Quand le système juduciaire camerounais est en déroute…Dans un communiqué de presse commentant le décret de grâce présidentielle qui permet de libérer Michel Thierry Atangana, le ministre de la communication a parlé de « magnanimité du chef de l’État », en martelant que le Cameroun est un État souverain qui n’a de comptes à rendre à personne en matière de justice. De nombreux observateurs sont restés perplexes, car cette libération vient à point nommé pour obéir aux recommandations faites par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU. On a l’impression que cette grâce présidentielle a été taillée sur mesure pour le Franco-Camerounais, même si les critères s’étendent à d’autres prisonniers célèbres, comme Titus Edzoa puisque sa situation était identique à celle d’Atangana.

On a presqu’envie de dire que d’autres ont bien de la chance de profiter de l’aubaine puisqu’ils remplissent les conditions très sélectives de libération, comme l’ancien ministre Mounchipou Seidou qui a été libéré aujourd’hui. On peut se demander qui ils doivent remercier le plus : Paul Biya, ou l’ONU… ?



Bien qu’officiellement, comme l’a répété Paul Biya face à la presse sur le perron de l’Elisée, il n’y a pas de prisonniers politiques au Cameroun, l’opération Epervier a parfois des allures de règlements de compte politiques. On ne compte plus les anciens dignitaires de l’État emprisonnés : Marafa Hamidou Yaya, Pierre Désiré Engo, Inoni Ephraïm… et d’autres personnages médiatisés comme Enoh Meyomesse ou Paul Eric Kinguè.

Ne connaissant pas les dossiers, nous nous garderons bien d’émettre un jugement sur leur culpabilité ou leur innocence. C’est aux juges de le faire, et nous ne pouvons qu’espérer que la justice soit rendue selon les règles d’un État de droit. Mais voilà, il faut reconnaître que bien souvent les procès sont entachés d’irrégularités, d’erreurs de procédure, et on peut alors douter de l’intégrité et de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Si on s’attarde par exemple sur le cas de Paul Eric Kinguè, on constate que depuis son arrestation arbitraire tapageuse sans mandat d’il y a aujourd’hui six ans jour pour jour jusqu’aux manœuvres dilatoires auxquelles on assiste en ce moment, les lois ont constamment été bafouées comme tout semble l’indiquer selon la revue de presse. Ça va des faux témoignages aux preuves fabriquées de toute pièce, ce qui l’a mené à être condamné sur base de lois abrogées depuis belle lurette, d’un article de loi qui n’a jamais existé, sur base aussi d’un postulat, ce qui par définition est quelque chose qui reste à prouver…etc… etc. Même les preuves d’innocence ont été balayées d’un revers de main. On est alors en droit de douter de la Justice avec un grand J.

Tout semble indiquer que le cas de Paul Eric Kinguè est emblématique d’un procès politique maladroitement maquillé en simple affaire de droit commun. Les véritables motifs de son emprisonnement n’ont jamais été évoqués en justice, bien qu’ils soient aujourd’hui connus de tous selon la revue de presse.

Alors que nous commémorons en cette fin février les victimes des événements qui ont endeuillé le Cameroun en 2008, il en est une qui a été emprisonnée à la suite des émeutes et qui pourtant n’était pas descendue dans les rues pour crier sa colère, qui n’a rien saccagé, rien détruit selon sa défense. Au contraire, Paul Eric Kinguè alors maire de Njombé et Penja a tout fait pour calmer les esprits chauffés à blanc de « ses » jeunes qui hurlaient leur colère et leur désespoir. Le Colonel Kalsoumou et les éléments du Gmi de Douala présents sur le terrain l’ont félicité pour le courage et le rôle qu’il a joué pour maîtriser la colère des jeunes en fureur, ce qui est confirmé par une vidéo réalisée par Canal 2 pendant les émeutes.

Pourquoi alors a-t-il été jeté en prison avec les autres, le 29 février 2008 ? Parce que, lui aussi avait exprimé, à sa manière, les mêmes revendications. Lui aussi s’est battu contre la corruption qui gangrenait la commune de Penja, lui aussi s’était révolté contre la misère qui accablait « ses » gens, lui aussi voulait de l’eau, de l’électricité, des routes praticables, des salaires décents pour les ouvriers agricoles des bananeraies. Il avait entrepris ce combat de manière certes moins spectaculaire qu’en montant aux barricades, mais peut-être plus efficace encore en entreprenant le grand nettoyage des malversations qui maintenaient sa population en état de misère.

A en juger par la manière dont il fut arrêté et jeté en prison, puis humilié et torturé, à en juger par l’acharnement judiciaire dont il a été accablé, par la férocité de ses bourreaux depuis février 2008 jusqu’à aujourd’hui encore, on comprend bien que sa révolution à lui a fait trembler le système en place peut-être plus encore que des jets de pierres ou des pneus brûlés dans les rues.

Car il s’agissait bien d’une révolution. Refuser de se laisser corrompre comme il était de coutume pour fermer les yeux sur les petites magouilles institutionnalisées, faire payer par la commune des frais fictifs, et comble de chamboulement dans les habitudes, exiger en toute légalité et avec l’appui du ministère des finances que les sociétés agroalimentaires implantées sur sa commune payent les taxes communales dont elles avaient été exemptées depuis toujours sans raison, du-moins sans raison légale, n’était-ce pas une véritable révolution ? En demandant simplement que les lois soient appliquées, PEK a fait figure de dangereux chef rebelle dans un système où les malversations sont devenues la normalité. Il fallait donc l’éliminer. Ce qui fut fait.

Voilà l’exemple-type d’un sordide règlement de comptes maquillé en procès pour délit de droit commun. Paul Eric Kinguè n’entre pas dans les conditions de libération du récent décret présidentiel car son affaire est toujours pendante puisqu’il attend la décision de la Cours Suprême. Il persiste à clamer son innocence pour les faits qui lui sont reprochés en réclamant justice et rien que justice.

Face à tant de doutes, l’amnistie accordée par le chef de l’État n’est-elle pas un cadeau qui cache mal les disfonctionnements du système judiciaire ? On peut imaginer que les quelques prisonniers ainsi libérés auraient de loin préféré pouvoir bénéficier de procès équitables, quitte à être condamnés pour les fautes qu’ils auraient effectivement commises, mais pas pour des raisons inavouables aux relents de règlements de comptes politiques
Grâce présidentielle sur mesure pour Atangana et Titus. Qu’en est-il des autres prisonniers politiques ? Et Paul-Eric Kinguè dans tout ça ?

Félicité Ngadja
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