Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

LE PHÉNOMÈNE POLYGAMIQUE À TRAVERS L’HISTOIRE AU CAMEROUN par Marius MOIFO FONKOU

Première partie: "Au commencement la noblesse"
Ce billet est le tout premier de l’année 2014. Je ne saurai commencer cette année dans mon blog sans vous formuler mes vœux les meilleurs de fertilité dans les productions scientifiques, spirituelles, intellectuelles et aussi familiales afin que bonheur, prospérité et succès suivent pour une meilleure santé de votre vie en 2014.
La nouvelle année n’a rien changé de mes ambitions de futur polygame que je réaliserai au trop tard en 2035. Mieux encore, je constate que même le français François Hollande, pape du mariage pour tous est de tout cœur avec moi et ne cache pas ambitions (je ne donnerai pas les détails). Ce qui m’intrigue c’est le fait que la polygamie est préférée dans ce pays phare de la liberté des individus comme une abomination. Bref à chaque pays ses habitudes. Nous nous sommes souvent demandés pourquoi est ce que des africains et des camerounais en particulier sont toujours restés polygames, ce malgré tous les rayons et les bâtons que les occidentaux ont essayés de mettre dans les roues de la polygamie pendant les différents contacts. Dans ce billet, je vais essayer de montrer comment est ce que certains phénomènes extérieurs et intérieurs aux us et coutumes des peuples d’Afrique ont favorisé et bouleversé le cour du phénomène polygamique chez les peuples d’Afrique.  Je vais prendre comme espace d’étude les peuples des Grassfields dans le grand Ouest du Cameroun (régions de l’Ouest, du Nord-Ouest et une partie du Sud-Ouest du Cameroun).
Ce premier billet est consacré à la base de la polygamie au Cameroun. Je n’ai pas voulu m’appesantir sur les origines lointaines en Égypte ancienne. La définition que je donne à la polygamie est toute simple. La polygamie est le fait, pour un homme, d’être marié simultanément à plusieurs femmes. Ce phénomène s’oppose à la polyandrie, qui est le fait pour une femme d’avoir plusieurs maris. C’est un phénomène social très ancrée dans les valeurs traditionnelles et cosmogoniques.
Au commencement, la noblesse et le prestige
Dès l’établissement des populations des Grassfields dans les différents abords du Noun, seuls les grands dignitaires avaient le droit de prendre plusieurs femmes pour épouses. Ceux-ci étaient les chefs de villages, les sous-chefs, les grands notables et les vaillants guerriers dont la bravoure devait être récompensée. Pour pouvoir ramener plusieurs épouses chez eux, ces dignitaires devaient présenter des garanties. Il fallait être capable de pouvoir leur construire à chacune dans la concession familiale, une case avec un grenier; d’avoir au moins de petites plantations dans lesquelles elles devaient pouvoir aller cultiver pour nourrir leur petite famille et prévoir les lendemains. Cependant, l’organisation des cases et de la hiérarchie chez les épouses dépendait du statut de chaque dignitaire.
Avant de parler des quartiers de femmes il convient de noter qu’officiellement dans les traditions des Grassfields, le chef d’un village a au maximum quatre femmes. Dans les chefferies, il existe deux quartiers de femmes. Le premier quartier est dirigé par la première femme qui a pour adjointe la troisième, tandis que le second quartier est dirigé par la deuxième femme qui a pour adjointe la quatrième. Les femmes qui arrivent à la chefferie à partir de la cinquième position jusqu’à la nième sont sous les ordres de la première femme, pour celles dont les rangs sont d’ordre impair et de la seconde femme pour celles dont les rangs sont pairs, ce dans leurs quartiers respectifs. Ce sont les responsables de quartier (première et deuxième femmes) qui organisent les travaux champêtres communautaires, le nettoyage de la chefferie, la nutrition du chef, etc. Elles reçoivent les présents et les réparties entre les épouses. Il convient de noter que dans l’architecture des chefferies, les quartiers des femmes sont situés à droite et à gauche, un peu au dessus de la case de résidence du chef.
Chez les grands dignitaires où il n’existe pas de quartiers de femmes, les cases sont situées à gauche et à droite, le long de la grande cour de la concession. Ici, la première femme dont la case est pour la plupart des cas située à droite de la case de résidence du dignitaire, est la responsable de la concession et la marraine de toutes les autres femmes.
Cette solide organisation présentée ci-haut nous permet de comprendre pourquoi est ce qu’à la base, seuls les dignitaires avaient le droit à la polygamie. En fait, la polygamie à la base avait pour but de donner au chef du village une petite population qui jouait le rôle de citoyens de bases qu’il devait savoir gouverner pour ne jamais faillir à sa mission lorsqu’il s’agit de tout un village. En plus, la polygamie a été très utile pour les hommes, notamment pour détenir une force de travail familiale gratuite, soient les femmes. En effet, avoir plusieurs femmes représentait une source de main-d’œuvre irremplaçable pour les travaux de champs. Les femmes représentent donc de nombreux bras pour l’autosubsistance de la famille en faisant la culture de champs, en allant chercher de l’eau pour la fournir à la famille. Cette organisation bien ancrée va se voir bouleversée par deux phénomènes liés au contact avec l’occident.
Deuxième partie: Aux moments des contacts avec l’occident.
Ce billet est le second de la série de trois consacrée à la polygamie au Cameroun. C’est juste mon point de vue et ma façon de lire le phénomène polygamique à travers l’histoire du Cameroun.
La particularité des peuples (Grassfields dans l’ouest du Cameroun) qui font l’objet de mon espace d’étude est qu’il ont connu trois grandes moments dans leurs histoire. Le premier fut le moment des mobilités avec les nombreuses migrations. Le second fut le grand moment du contact avec les occidentaux, qui s’est fait en deux phases: la traite des esclaves et la colonisation. Le troisième est celui de l’après colonisation avec les phases du maquis et de la mondialisation.
Le temps où la traite des esclaves bouleversa le système de la noblesse préétabli
L’avènement de l’esclavage au Cameroun en général et dans les Grassfields en particulier va avoir une incidence majeure sur les structures sociales. Notons que dans certaines civilisations au Cameroun, il existait l’esclavage coutumier qui était comme une sorte de prison où on donnait la possibilité à des condamnés (voleurs, sorciers, vampires, adultérins, et meurtriers) de pouvoir changer sous d’autres cieux mais sous les ordres d’un maitre. De nombreux hommes robustes et braves vont être forcés à la déportation vers l’Amérique, laissant derrière eux des vides.
Ces séparations brusques vont créer un déséquilibre hommes (moins nombreux) et femmes (plus importantes). Dès lors, pour palier à ce déséquilibre et permettre aux villages de pouvoir survivre, les hommes ordinaires et même les esclaves affranchis qui jadis n’avaient le droit à) la polygamie seront sommés de prendre plusieurs femmes pour épouses. Le but de ce changement dans les structures sociales était de combler le vide en repeuplant les villages (bref on se comprend). Avec la persistance grandissante de la traite, de nouveaux buts verront le jour. Il fallait non seulement être polygame, mais il fallait de surcroit faire au moins quatre enfants à chaque femme: un enfant pour la traite (donc qui devait être déporté aux Amériques), un enfant pour la guerre (parce que les peuples des Grassfields étaient à ce moment en perpétuels conflits pour la sauvegarde de leurs territoires), une enfant pour la succession et au moins une qui ira en mariage. Cette nouvelle forme de polygamie qui devenait une formalité sociale va au moment de l’abolition de la traite des esclaves, créer des problèmes de succession et va être à l’origine d’une nouvelle migration vers le Mungo. Le phénomène polygamique à la mode va connaitre un nouveau bouleversement: le phénomène colonial.
Le phénomène colonial contre les polygames au Cameroun
Je ne saurai vous dire si les occidentaux à leur arrivée dans l’hinterland sont conscients qu’ils ont été à l’origine de la vulgarisation de la polygamie chez certains peuples. Zintgraf l’a-t-il souligné dans les cahiers de ses explorations? Une chose est sure c’est que des mesures ont été prises pour décourager les polygames mais en vain. L’une d’entre elle c’est le christianisme.
Les missionnaires ont tout fait pour que les chefs traditionnels et autres grands dignitaires se convertissent au christianisme mais sans jamais avoir les résultats attendus. Ils savaient que si ceux-ci se convertissaient, ils pouvaient leur faciliter la tâche dans leurs villages respectifs. Les arguments apportés par les pères missionnaires butaient toujours à un niveau: la religion chrétienne n’accepte pas les polygames, les cranes et autres fétiches. Permettez-moi de dire qu’il y a exagération à ce niveau car les peuples des Grassfields n’adoraient pas des fétiches. Ils croyaient en un seul Dieu qui est « Si », « Ndem » et qui n’existe jamais au pluriel dans les différentes langues. Les chefs avaient le souci de pérenniser ce qu’ils ont acquis de leurs ancêtres comme le dirait Goethe. Et dans ce sens, la polygamie venait en tête. Seuls les citoyens traditionnels moyens (permettez la modernisation du terme), majoritaires et héritiers récents de la polygamie ont pu sacrifier ce bonheur de jouir de la présence à leurs cotés de plusieurs femmes pour embrasser le christianisme et la monogamie qui allait avec. Il faut tout de même signaler que ceci a été provoqué par l’administration coloniale et l’instauration de l’impôt de capitation, taxe par tête affligée aux populations et plus sévèrement aux polygames.
Le principal objectif de l’impôt de capitation est de combattre la polygamie. Il était payé par tout adulte mâle en âge de travailler. Le taux qui variait selon les circonscriptions fut purement et simplement étendu aux jeunes mâles et même aux enfants âgés de plus de douze ans. Comme si cela ne suffisait pas, un autre impôt sur les femmes était exigible seulement aux hommes polygames. Le mari était chargé de s’acquitter de cette taxe pour toutes ses femmes, à l’exception de la première. Ce qui n’avait pas plu à tous les hommes polygames qui, malgré cela, ont demeuré polygames. 
Ce que l’occident n’a pas encore compris en Afrique c’est que la polygamie est dans nos sociétés perçu comme un signe de puissance et de respect. Au départ, n’était pas polygame qui voulait mais qui avait le pouvoir et le devoir. Chaque noble devait son respect à la taille de sa concession. En plus, la polygamie contribuait à l’établissement de la paix dans les clans. De nos jours, lorsqu’un homme épouse plusieurs femmes de plusieurs régions différentes, il militait non seulement pour l’intégration nationale, mais il instaurait aussi une vaste aire de paix. Retenons tout simplement que la pratique de la polygamie a joué un rôle de ciment intérieur de la tribu du polygame autour de qui s’agglutinaient frères et serviteurs. De nombreux bras dont disposait dès lors le polygame concouraient au renforcement de la défense et au maintien de la sécurité. Ces bras constituaient également une importante force de travail utile à l’équilibre et au confort financier.
Terminons ce billet par ce proverbe Ewondo sur le respect et la richesse liés à la polygamie: « On est d’autant plus libre, d’autant plus puissant et riche qu’on a réalisé de mariages: qui dit richesse dit volume d’hommes à diriger ».
Avec ce petit bavardage que je viens de faire sur la polygamie, je me sens encore plus concerné par la perpétuation de la tradition qui était chère à nos ancêtres. Goethe avait raison. Surtout je comprends un peu que Hollande cherche peut être le pouvoir ou même le respect hein. Je parle même de lui pourquoi? Rendez-vous prochainement pour le dernier billet de la série sur la polygamie au Cameroun de nos jours. Ce sera toujours mon point de vue.
Mes ancêtres d’abords !
On se prend !
Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.