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Exposé des raisons de l’opposition du RACE à toute augmentation des tarifs de l’électricité au Cameroun par Jean Baudelaire BELENGUE

REF/BE/SGA/140402
Douala, le 02 avril 2014



A Monsieur Jean Pierre KEDI
Directeur général
ARSEL.

Objet : Exposé des raisons de l’opposition du RACE à toute
           augmentation des tarifs de l’électricité au Cameroun.

Monsieur le Directeur général,

Les 13 et 14 mars 2014, vous avez convié les associations de consommateurs à une concertation à laquelle j’ai personnellement pris part au nom du RACE et dont l’objet central était l’annonce d’un prochain réajustement à la hausse des tarifs de l’électricité.

Par la présente correspondance et au nom des consommateurs d’énergie, le RACE vous signifie sa ferme opposition à ce projet. Notre organisation se désolidarise totalement des conclusions du prétendu CCCE (Comité consultatif des consommateurs d’électricité). Nous récusons la légitimité de cette structure fictive à laquelle votre administration n’accorde d’intérêt que lorsqu’il faut entériner vos décisions de complaisance en faveur de l’opérateur AES/SONEL au détriment des consommateurs. 


SUR LA FORME : compte tenu de la délicatesse du sujet, le principe de la « consultation préalable » que vous avez initié pour cette fois est louable. Néanmoins, il aurait été souhaitable de nous communiquer l’ordre du jour un peu plus tôt, afin de nous permettre de mieux préparer cette rencontre. Nous vous rappelons que l’article 21 de la loi-cadre N°2011/012 du 06 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun donne un statut particulier aux organisations de défense des consommateurs et préconise leur  participation pleine et entière «… à toutes les structures de décisions les concernant au niveau de l’Etat… ».

SUR LE FOND : dans son allocution prononcée à cet effet, en plus de l’évocation des motifs justifiant cette future révision de la grille tarifaire, votre collaborateur et Directeur général adjoint, M. Honoré Demenou Tapamo, affirme que : « … l’Etat perd plus de 3 milliards de Fcfa chaque année du fait des pertes techniques dues au mauvais état du réseau de transport/distribution, mais aussi à cause des pertes non techniques essentiellement occasionnées à la fois par les abonnés qui ne paient pas leurs factures et la fraude orchestrée par les sous-traitants d’AES/SONEL… ». Avec ce discours et comme à l’accoutumée, l’Agence fait de la diversion, se contredit sur toute la ligne, tronque la réalité et se place loin des préoccupations des usagers de l’électricité.

Monsieur le Directeur général,

Justement à propos des tarifs, en août 2010, conformément aux dispositions du contrat de concession, votre administration avait annoncé son intention de procéder à la modification du mode de tarification de l’électricité. Il s’agissait alors de passer du « price cap » basé sur « une efficacité dans l’exploitation par la réduction des coûts en vigueur depuis le 18 juillet 2001 au mode tarifaire par plafonnement des revenus à partir du 1er Janvier 2011 » (Dixit Arsel Newsletter N°8 du 09 au 22 août 2010). Selon votre propre analyse figurant sur ce document, en plus des avantages du « price cap », cette nouvelle formule tarifaire aurait permis au régulateur que vous êtes, de mieux contrôler la gestion en amont du secteur par l’opérateur AES/SONEL en vue de minimiser les coûts et tirer les tarifs vers le bas. Force est de constater que plus de 03 ans après cette annonce, rien n’a encore été fait dans ce sens.

Par ailleurs, comme nous ne cessons de le dire depuis plusieurs années, il est possible d’influer positivement sur les tarifs de l’électricité en agissant sur la réduction des pertes techniques en lignes. En effet, nous ne vous apprenons rien en vous faisant remarquer qu’en disséquant la structure du tarif de l’électricité - que du reste vous rechignez toujours pour des raisons obscures à rendre publique - on découvre que les pertes transport/distribution représentent 30 à 40% du prix du kWh facturé et payé par les ménages et les entreprises - pourtant les normes internationales les fixent à 10%.

Ce sont là pour nous, les 02 principaux leviers que les pouvoirs publics devraient actionner pour agir avec efficacité et équité sur les tarifs de l’électricité. En somme, la spirale de l’augmentation qui se poursuit inexorablement depuis le 18 juillet 2001 - sous le fallacieux prétexte de l’application des clauses du contrat de concession d’AES/SONEL – n’est pas une fatalité.

Monsieur le Directeur général,

Concernant les pertes dites « non techniques », toujours faisant référence à la « mystérieuse » structure du prix à l’unité du kWh en vigueur, vous savez comme nous qu’elle intègre une composante pudiquement appelée « pertes commerciales » qui allie à la fois la mauvaise gestion clientèle et la fraude. Comme vous le savez certainement, dans la nomenclature de l’exploitation d’un réseau électrique classique, ce sont en réalité ces 02 éléments qui désignent les « pertes non techniques ». En d’autres termes, à travers les factures mensuelles payées par les usagers « honnêtes », une bonne partie de l’incivisme électrique supposé ou réel de quelques consommateurs indélicats est largement compensé. Mieux encore, ces « consommateurs vertueux » paient également pour les fautes managériales du service commercial d’AES/SONEL.

Sur ce même chapitre de la fraude électrique et en vous prenant au mot, le 24 août 2012, la restitution d’une « enquête de satisfaction sur un échantillon de 10000 abonnés au réseau public d’électricité » - menée par vos équipes avec l’aide technique de l’INS (Institut National de la Statistique) - a dévoilé toute une panoplie de mensonges de l’opérateur AES/SONEL, principalement sur la question liée à la fraude. En effet, cette étude que vous avez coordonné de bout en bout et qui s’est effectuée dans plusieurs localités urbaines et rurales du Cameroun a démontré que, contrairement à ce que claironne à tue-tête AES/SONEL, «… seulement 3% des abonnés prennent l’énergie hors du système de comptage ». C'est-à-dire d’après vos propres chiffres, 97% des usagers/abonnés d’AES/SONEL font preuve d’un civisme exemplaire. Si vous l’avez oublié, ce qui est humainement possible, nous vous renvoyons respectueusement à la relecture des conclusions de cette enquête inédite.

S’il est loisible et tout à fait normal de pourfendre le fléau qu’est la fraude électrique, en rappelant son caractère délictuel et le fait qu’elle ne sert pas les intérêts des consommateurs, il faut concomitamment rétablir toute la vérité sur ce phénomène. Et cela ne se fera pas en fabriquant de façon sibylline des bouc-émissaires faciles, à l’instar des sous-traitants d’AES/SONEL.

En définitive, avant d’engager un quelconque débat sur la tarification de l’électricité, il serait judicieux pour l’ARSEL, en tant que garante des intérêts de toutes les parties prenantes du secteur, d’apporter des solutions urgentes sur tous les points de friction susmentionnés, en associant sincèrement les organisations de défense des consommateurs, actrices de terrain par excellence.
Outre cela, pour lever complètement toute équivoque sur cette question, il est temps de dévoiler officiellement la structure du tarif de l’électricité en vigueur au Cameroun. Les usagers ont le droit de savoir en détail ce qu’ils paient exactement lorsqu’ils règlent leur facture chaque mois.

Monsieur le Directeur général,

Nous vous rappelons que dans notre pays, combinée aux effets pervers de la pénurie chronique de l’offre, l’électricité représente environ 20% des charges incompressibles des entreprises et jusqu’à 30% du fardeau énergétique des ménages, avec en prime une qualité du service d’une médiocrité endémique. Il est par conséquent plus qu’impératif d’agir pour inverser cette tendance qui affecte au plus haut point le pouvoir d’achat des usagers et mine gravement l’économie nationale.

Quoiqu’il en soit, connaissant l’état d’esprit des consommateurs en ce moment, qui est celui d’une résignation orageuse, nous vous exhortons humblement à surseoir à ce projet d’augmentation des prix de l’électricité. S’il est maintenu, il va inéluctablement exacerber les tensions déjà très vives entre les usagers et l’opérateur AES/SONEL.

Dans l’attente, veuillez agréer, Monsieur le Directeur général, l’expression de notre profonde considération.

Pour le Bureau exécutif du RACE  et par délégation
   
Jean Baudelaire BELENGUE
Pièce jointe :

- Exemplaire Arsel Newsletter N°8.

Ampliations :

-    Présidence de la République
-    Services du Premier Ministre
-    Ministère de l’Eau et de l’Energie
-    Ministère du Commerce
-    Associations de consommateurs.
____________
Membre de/Member of Consumers International - www.consumersinternational.org                            
Membre de l’Association Internationale Droit à l’Energie Sos Futur - www.energiesosfutur.org
Association agréée auprès de l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité – ARSEL
Membre du Comité National de Veille du Ministère de l’Energie et de l’Eau – MINEE
Membre du Comité Electrotechnique National – CEN/ANOR
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