En cette fin du deuxième trimestre 2014, quatorze adolescents, tous élèves au lycée classique de Bafoussam, ont été exclus de leur établissement à l'issue d'un conseil de discipline régulier. Il était reproché aux enfants de s'être livrés à des scènes de partouze et à la consommation d'alcool dans la chambre d'un de leur camarade.Face à cette situation, la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination fait les observations ci-après:
1 - La décision d'exclusion des enfants comme seule réponse à leurs écarts de conduite est profondément regrettable et constitue un échec pour l'encadrement social à tous les niveaux: échec pour les parents; échec pour le gouvernement; échec pour le système éducatif.
2 - Les enfants ne sont pas les premiers responsables de ce qui leur est reproché, mais plutôt les victimes d'une situation d'ensemble de dégradation, de dépravation, de travestissement et de ruine complète des moeurs. Quels enfants voudrait-on avoir dans un contexte marqué par la délinquance des adultes, des parents, des responsables publics et privés à tous les niveaux de la société?
3 - Les enfants ne sont pas responsables de l'implantation des bars, des salles de jeux et des commerces du sexe dans la proximité immédiate des établissements scolaires. Les enfants ne sont ni responsables de la production des alcools en achets couramment appelés KITOKO, qui détruit la jeunesse, ni responsables de l'expansion et la banalisation de la pornographie.
4 - Les enfants devraient-ils payer pour les actes irresponsables, le laxisme, l'imprévision, et la défaillance des adultes. Une vieille sagesse africaine ne dit-elle pas que c'est une mauvaise décision que d'envoyer l'enfant fautif dans la rue, au lieu de penser à trouver des stratégies pour le garder, le corriger et le redresser?
5 - Les faits pour lesquels les quatorze élèves ont été exclus, ne sont ni nouveaux, ni exceptionnels, ni extraordinaires dans les établissements du pays. Le mal est profond et généralisé. C'est donc à la source qu'il faut le combattre, le maîtriser et l'éradiquer.
6 - En choisissant d'exclure les enfants, les adultes dirigeants ont failli à leur devoir, et ont en fait choisi de produire des bandits, d'enraciner la délinquance, et de semer la discrimination. Les enfants exclus vont soit se retrouver dans la rue, soit être réorientés pour ceux ayant des parents capables, vers d'autres établissements. Par ailleurs, le risque est grand, au regard de l'origine sociale des lycéens et des actes de corruption nécessaires pour s'y inscrire, de voir l'école s'arrêter définitivement pour certains. Ces établissements sont en réalité payant et chaque rentrée scolaire est le moment de l'enrichissement des proviseurs, ouvertement et impunément. Le Comicodi n'a de cesse de dénoncer le crime.
7 - La situation de l'encadrement dans tous les lycées et collèges officiels du pays est catastrophique, lamentable, insoutenable et inacceptable. Des classes d'examen comptent jusqu'à deux cent (200) élèves dans certains cas. Les enseignants sont complètement débordés et le suivi est réellement nul, en plus du découragement et des ressentiments dus aux promotions fantaisistes, sectaires, tribalistes et inappropriées aux différents postes de responsabilité (Proviseur; censeur; surveillant général).
8 - Quels enfants, quels, élèves, et quelle jeunesse pour un pays dont les ministres chargés de l'éducation sont reconnus comme des délinquants notoires et traduits devant un tribunal criminel spécial?
9 - La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination estime, au regard des observations qui précèdent, que le mal ne vient pas des enfants, mais des adultes, des responsables à tous les niveaux de l'Etat et de la république, produits d'un système de gouvernance qui les prédestine à un destin des plus troubles, et des plus incertains.
10 - En tout état de cause, la Commission recommande que les enfants soient pris en charge par le ministère des affaires sociales, et placés dans un centre spécialisé. Une telle démarche fait naturellement partie des missions de ce Département ministériel. Aucun enfant ne devrait privé de solarisation, d'éducation et de formation par la faute des adultes, et aucun adulte ne devrait, quelle que soit sa position et quelle que soit la gravité de la faute imputée à un enfant, prendre la décision lourde de conséquence de l'exclure du système officiel d'éducation et de formation.
11 - Le droit à l'éducation est un droit fondamental des droits de l'Homme consacré par la Déclaration universelle des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, pendant que par ailleurs, l'éducation des enfants est un devoir pour l'Etat.
12 - IL est terriblement regrettable, que des journalistes, de hauts responsables, des leaders d'opinion, se soient bruyamment félicités de la décision des enfants, sans en analyser les implications sociales et sans en évaluer la signification éthique et politiques./.
Fait à Yaoundé, le 10 Avril 2014
Fait à Yaoundé, le 10 Avril 2014
Le Président de la Commission,SHANDA TONME
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