Injustifiable envie de nuire davantage ou alors de paraître carrément ? La ministre des Arts et de la Culture peaufine, depuis quelques semaines, l’avant-projet de loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur (un document de 42 pages constitué de 10 titres avec 26 chapitres). Sans doute, les résultats du Comité de normalisation qu’elle a créé le 21 janvier 2014. Ce Comité, qui a été présidé par le Docteur Seuna Christophe, avait en effet pour missions : l’évaluation et la révision du cadre juridique régissant le droit d’auteur et les droits voisins du droit d’auteur d’une part et la révision des textes fondamentaux des organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur d’autre part.
Tout çà pour couvrir la réalité d’un voile mensonger en pointant du doigt le dispositif juridique laissé par son illustre prédécesseur, Son Excellence Ferdinand Léopold Oyono, pour justifier son échec cuisant au ministère des Arts et de la Culture et se présenter par le fait même, véritable paradoxe, comme celle par qui « un nouveau jour se lève » en matière de droit d’auteur et de gestion collective du droit d’auteur au Cameroun. Au grand mépris de son prédécesseur et de son œuvre. Au grand mépris des exigences de continuité et de solidarité gouvernementales. Comme si la contribution de l’ancien ministre d’Etat en charge de la Culture a été tellement négligeable et justifie qu’elle construise à tout prix son « rayonnement » sur les cendres de l’œuvre antérieure.
Je ne reviendrai pas sur l’œuvre de Ferdinand Léopold Oyono. Perfectible, elle ne saurait non plus prétendre réaliser l’unanimité autour d’elle. Mais l’unanimité est-elle de ce monde ? L’essentiel est qu’aujourd’hui, comparativement à l’œuvre de son successeur en sept ans, les faits parlent d’eux-mêmes. Et pour les témoins avisés de l’évolution du droit d’auteur au Cameroun, sauf à falsifier les faits et à masquer la vérité, depuis la nomination de Son Excellence Ama Tutu Muna à la tête du ministère des Arts et de la Culture le 07 septembre 2007, le droit d’auteur et la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur au Cameroun, qui se sont illustrés par le paroxysme de la controverse, gisent aujourd’hui dans la fange et la nébuleuse.
Un regard rétrospectif renseigne sur ce qu’il faut qualifier d’énorme gâchis. Fraîchement nommée à la tête du ministère des Arts et de la Culture, elle crée la confusion en mettant, entre parenthèses, toutes les décisions prises par son prédécesseur et afférentes à l’application de la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur à travers la mise sur pied, le 16 octobre 2007, d’un Comité d’évaluation de l’application de la loi susvisée.
Alors que les perceptions de redevances du droit d’auteur sont bloquées comme aujourd’hui et les sociétés de droit d’auteur paralysées parce que privées de ressources adéquates, le travail de ce Comité, pourtant créé et organisé à grand renfort de publicité, s’est réduit curieusement à la transformation, en un projet de texte général relatif aux modalités de perception du droit d’auteur, de la décision du 13 janvier 2006 (décision d’approbation de l’accord avec le GICAM), élaborée sous l’autorité directe de Son Excellence Ferdinand Léopold Oyono et signée par Son Excellence Ferdinand Léopold Oyono.
Le 09 mai 2008, à la veille de l’assemblée générale de la Cameroon Music Corporation - CMC (une société de droit privé), dont le point le plus important de l’ordre du jour est le renouvellement de son conseil d’administration, Son Excellence Ama Tutu Muna disqualifie la candidature de Sam Mbende à l’élection du lendemain pour de prétendues malversations financières graves. En violation flagrante des articles 7 et 10 du code électoral de la CMC qui ne font pas de la ministre des Arts et de la Culture le juge de la recevabilité des candidatures aux élections au sein de la CMC.
Le 10 mai 2008, au mépris de la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur, du décret N°2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de ladite loi et des dispositions statutaires de la CMC, elle annule les résolutions de l’assemblée générale ordinaire de la CMC et lui retire également son agrément.
Plus grave, elle crée un comité ad hoc ayant pour principales missions la gestion des affaires courantes de la CMC et la préparation d’une assemblée générale extraordinaire dudit organisme de gestion collective. Quelle règlementation lui conférait ce pouvoir de se substituer aux statuts et autres textes fondamentaux de cette structure en annulant les travaux de son assemblée générale et en y nommant un comité de gestion ?
C’est sur ces entrefaites qu’elle crée, en juin 2008, la Société civile camerounaise de l’art musical (SOCAM). Une société fictive en droit, illégale et en rébellion contre la justice. Toute chose ayant donné droit, fait inédit au Cameroun, au bicéphalisme paradoxal dans la gestion collective du droit d’auteur du domaine musical : la CMC, société légale au regard du droit en sa faveur, d’une part. Et la SOCAM, société illégale parce que fictive en droit mais soutenue malgré tout sur le plan administratif par le ministère des Arts et de la Culture, d’autre part. Dès lors, on va assister à une avalanche d’actions judiciaires sur lesquelles je ne reviendrai pas, le droit ayant demeuré, à ce jour, favorable à la CMC. C’est une vérité juridique que le ministère des Arts et de la Culture ne saurait nier.
La seule évocation de ce contexte suffit à révéler l’hérésie qui a entouré le fonctionnement de la SOCAM entre 2008 et 2012. Les états des recettes et des dépenses d’une part et les bilans d’autre part n’ont jamais été présentés et certifiés par des commissaires aux comptes élus. Au-delà de ce délit relatif à la non-présentation des bilans, les dirigeants de la SOCAM ont poussé l’affront, entre 2008 et 2012, en refusant de convoquer les assemblées générales.
Lesquelles ont pourtant, seules, le pouvoir de valider la gestion passée par un quitus et d’autoriser la dépense future par l’approbation du projet de budget.
La gestion de fait a ainsi été érigée en système, motivée qu’elle était par cette sorte d’impunité que lui garantissait l’absence du contrôle le plus élémentaire de la part du conseil d’administration, des artistes eux-mêmes qui auraient pu exiger la convocation des assemblées générales, du commissaire aux comptes, des représentants de l’Etat auprès de la SOCAM, singulièrement du côté de la Commission Permanente de Médiation et de Contrôle des organismes de gestion collective de droit d’auteur dont c’est précisément le rôle.
Un tel contrôle aurait, sinon empêché, du moins considérablement limité les proportions de ce qui restera comme le scandale absolu, c’est-à-dire l’infraction continue que constitue le fait que 20% à peine des recettes de la SOCAM ont été consacrés aux répartitions revenant aux artistes , au lieu de 70% prévus par les dispositions légales qui régissent le droit d’auteur au Cameroun ; et que près de 80% desdites recettes ont été affectés au « fonctionnement » de la SOCAM, c’est-à-dire aux choses qui n’ont rien à voir avec le renforcement du dynamisme et de l’efficacité de l’entreprise dans son développement.
C’est au travers de toutes ces failles qui ont entraîné le naufrage de la SOCAM que se sont incrustés divers opportunistes avec des scandales en tous genres. Et Son Excellence Ama Tutu Muna, dans un sursaut surprenant de bonne gouvernance, a cru devoir signer, le 18 octobre 2013, un communiqué convoquant une assemblée générale extraordinaire élective à la SOCAM le 02 novembre 2013. Incroyable initiative de la ministre des Arts et de la Culture dont l’emprise paradoxale sur cette société civile n’a pas manqué de surprendre alors que la règlementation en vigueur est claire concernant tout organisme indélicat.
Comme avec la Cameroon Music Corporation en mai 2008, l’histoire s’est donc répétée. Alors que la première crise plombe davantage la gestion collective du droit d’auteur au Cameroun, l’on s’est acheminé vers une crise supplémentaire. Toujours dans le domaine de la gestion collective du droit d’auteur du domaine musical.
Ainsi donc, que ce soit dans l’affaire opposant la Cameroon Music Corporation au ministère des Arts et de Culture ou encore dans celle opposant la SOCAM, version Ndedi Eyango, au même ministère, malgré que le droit soit en faveur de la CMC concernant le premier litige, nonobstant les incongruités qui ont entouré la convocation de l’assemblée générale extraordinaire élective du samedi 02 novembre 2013 avec toutes les conséquences fâcheuses qui en ont découlé à propos du second démêlé, la controverse n’a guère faibli concernant la gestion collective du droit d’auteur de l’art musical au Cameroun d’une part et le strict respect des textes fondamentaux des sociétés de droit d’auteur ainsi que des lois et règlements en vigueur d’autre part.
Et il me semble qu’il y’a davantage lieu d’apporter quelques éléments d’analyse à ces précédents qui constituent des entorses graves aux principes juridiques qui gouvernent l’exercice collectif des droits d’auteur au Cameroun au point de remettre grandement en question la nature juridique des pouvoirs et du contrôle des organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur.
En effet, aujourd’hui, les échecs sont largement consommés aussi bien dans la politique du ministère des Arts et de la Culture en matière de droit d’auteur et le fonctionnement de la Commission Permanente de Médiation et de Contrôle des sociétés de droit d’auteur (CPMC) chargée du contrôle du respect des normes en matière de perception et de répartition que dans celui des organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur. Ce qui a poussé et pousse encore à s’interroger sur les causes réelles qui ont entraîné ce considérable effondrement.
Et tout s’explique aisément aujourd’hui : les divisions renaissent et s’accentuent au sein de la communauté des artistes ; les usagers du droit d’auteur, d’habitude rétifs à s’acquitter de leur redevance, trouvent dans l’agitation actuelle un motif supplémentaire de refus de payer ; les sociétés de gestion collective du droit d’auteur se meurent, du fait de leur impossibilité de recouvrer la redevance du droit d’auteur; les conditions de vie des artistes se dégradent ; les répartitions deviennent hypothétiques ; pour des raisons évidentes, l’événementiel prend le pas sur le développement durable du droit d’auteur.
Au-delà, une question mérite d’être posée : peut-on en effet sérieusement penser que c’est le dispositif juridique (la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et le décret N°2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de ladite loi) laissé par Son Excellence Ferdinand Léopold Oyono qui est à l’origine du désastre de la politique de la ministre des Arts et de la Culture en matière de droit d’auteur ? Les faits présentés plus haut conduisent à une réponse négative.
Curieusement, Son Excellence Ama Tutu Muna, elle, préfère se focaliser, non pas sur les conditions de fond (son incompétence d’une part et sa violation flagrante et récurrente des lois et règlements en vigueur et des textes fondamentaux des sociétés de droit d’auteur d’autre part) et les exigences de forme qui règlementent la gestion collective du droit d’auteur au Cameroun et les insuffisances de ceux qui sont supposés veiller au respect de l’orthodoxie en la matière, mais sur les problèmes d’égo, les discours pompeux, les calomnies, les persécutions et les mensonges éhontés, sources de conflits de toutes sortes et présentement appréhendés comme facteurs principaux de blocage, sinon de paralysie de la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur.
On s’aperçoit alors que tout le monde n’attribue pas le même sens au concept de « droit » au Cameroun et cette divergence de vues explique la divergence des objectifs, les luttes d’intérêt et même les résultats catastrophes d’aujourd’hui. Le cas du ministère des Arts et de la Culture est tout simplement symptomatique de la mauvaise foi qu’affichent les responsables dudit ministère dans le processus d’assainissement du secteur du droit d’auteur. Quelle valeur peut avoir une nouvelle loi sur le droit d’auteur si son application n’est pas garantie ? De quelle crédibilité de cette législation en gestation peut-on parler si, au bout de plusieurs mois, elle sera également ignorée et violée par une ministre des Arts et de la Culture convaincue de sa « toute puissance » ?
Il faut néanmoins reconnaître que la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et le décret N°2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de ladite loi, plus de dix ans après, sont à parfaire. Mais, n’y relever que des points appendiculaires de discorde, ne confine pas moins au pernicieux et à une critique pyromane.
La critique est en effet aisée, et l’art difficile. Encore latent, ce dispositif juridique, avant sa révision globale, demandait pourtant à être totalement mis en activité (en fonctionnement), afin de lui permettre de produire tous ses effets bienfaisants sur les conditions de vie des artistes. Son Excellence Ama Tutu Muna, dans son omniscience et son infaillibilité, a préféré prendre des distances par rapport auxdits textes.
Ainsi en est-il par exemple des redevances dues au titre de la représentation ou de la fixation du folklore conformément aux dispositions de l’article 2 du décret N°2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de la loi N°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur d’une part, des modalités de versement de la taxe sur les spectacles au Compte d’affectation spéciale pour le soutien de la politique culturelle conformément aux dispositions de l’article 10 du décret susvisé d’autre part, de la rémunération pour copie privée de phonogrammes et de vidéogrammes conformément aux dispositions de l’article 13 du décret susdit de troisième part et de la décision constatant la composition de la commission d’arbitrage conformément aux dispositions de l’article 12 du décret susvisé de quatrième part.
Pour tout dire, une appréciation objective du fonctionnement du ministère des Arts et de la Culture laisse apparaître beaucoup de failles. Les incompétences, les insuffisances, les incongruités l’emportent, et de très loin, sur quelques actions de façade mal suggérées telles que la création des comités ou des commissions pour faire ci ou ça. Il n’y a aucune outrecuidance à suggérer que le Premier Ministre et le Président de la République prennent enfin leurs responsabilités pour sauver le droit d’auteur, la gestion collective du droit d’auteur et les artistes. L’échec de la ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, est évident. Et c’est une lapalissade que de le souligner ici.
Manfred MOUMI N.
Responsable de la Communication
Cameroon Music Corporation (CMC)
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/ DROIT D’AUTEUR: LA DEUXIEME MORT DE FERDINAND LEOPOLD OYONO par Manfred MOUMI N.
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