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MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR

L’apparente stabilité du Cameroun et les récentes améliorations institutionnelles ne dissimulent plus sa vulnérabilité. Alors que le régime du président Paul Biya a verrouillé le jeu électoral et consolidé son emprise, la vie politique est anémiée, le mécontentement social se généralise et de nouvelles menaces sécuritaires émergent. La combinaison des menaces externes (Boko Haram et la crise centrafricaine) et de l’insatisfaction interne constitue un cocktail déstabilisateur.
Paradoxalement, la force du régime ne réside pas dans le parti au pouvoir ou les services de sécurité, mais dans le fait que la plupart des Camerounais pensent que ce régime est un moindre mal. Pour minimiser le risque de crise violente avant la prochaine élection en 2018, le pouvoir et l’opposition doivent renouer le dialogue et s’accorder sur une profonde réforme politique et institutionnelle.

La question pour tous les observateurs de la vie politique camerounaise, qu’ils soient camerounais ou étrangers, est toujours la même : celle de la transition politique post-Biya et de la stabilité du pays. Après 32 années de présidence, Paul Biya, âgé de 81 ans et réélu en 2011 pour sept ans, ne semble pas prêt à renoncer au pouvoir en 2018. L’International Crisis Group soulignait déjà en 2010 les fragilités dissimulées par le statu quo non violent et les dangers d’une trop grande fracture entre le régime et la société. Depuis lors, les fragilités se sont accentuées.
Malgré des améliorations institutionnelles demandées de longue date par l’opposition et la société civile (nouveau code électoral et création du Sénat), le parti présidentiel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), exerce toujours une domination outrancière du champ politique. Sur fond d’allégations de fraudes électorales, les scrutins de 2011 et 2013 ont réduit l’opposition à un rôle de figurant au parlement, dans les villes et communes, et signifié l’improbabilité d’une alternance par les urnes.
Malgré la prolifération des médias et des associations, la société civile a perdu l’influence qu’elle avait durant les années 1990. Une partie est sous l’influence du régime, l’autre sous la perfusion des financements étrangers. A cause de la corruption, du chômage et de la pauvreté, le secteur des organisations non gouvernementales (ONG) et des associations est devenu un véritable marché, avec comme conséquence une faible influence sur les politiques publiques.
Par ailleurs, certains des piliers du régime se fissurent. Le RDPC est travaillé par des tensions internes tandis que les forces de sécurité apparaissent divisées et sous forte pression. Leur mise à l’épreuve par les menaces extérieures que sont Boko Haram, qui a étendu ses activités à l’extrême Nord du Cameroun, et la crise centrafricaine, pourrait accentuer la fragilité de l’appareil de sécurité et amplifier le mécontentement interne.
La conjonction d’une pression sécuritaire externe et d’un blocage social et politique interne est un cocktail explosif en cas de transition imprévue. Comme l’ont démontré les scrutins de 2011 et 2013, ni l’opposition ni la société civile ne sont en mesure de canaliser un mécontentement social qui s’approfondit sur fond de fracture générationnelle et laisse augurer des luttes sociales violentes, marquées par l’irruption des cadets sociaux. La population majoritairement jeune (l’âge moyen de la population est de dix-neuf ans) et souvent sans emploi perçoit l’élite dirigeante vieillissante comme le principal facteur de blocage du pays.
Les recommandations du précédent rapport de Crisis Group (transparence du processus électoral, mise en place des institutions prévues par la Constitution et réforme de la lutte contre la corruption) demeurent valides. Elles doivent être complétées par un accord de gestion de la transition post-Biya entre les tenants du régime, l’opposition et la société civile, garanti par un témoin international (l’Union africaine) et qui prévoit :
  •  la création d’un cadre de dialogue entre le pouvoir et l’opposition pour négocier et adopter les réformes institutionnelles ;
  •  le rajeunissement de la classe politique camerounaise, notamment par l’instauration de quotas d’âge dans les instances dirigeantes des partis politiques ;
  •  la promesse du président Biya de ne pas se représenter en 2018 en échange d’une absence de poursuites (hors crimes relevant du statut de Rome) et du maintien de ses avoirs ;
  •  l’organisation de primaires dans les partis politiques camerounais, y compris au sein du parti au pouvoir, avant 2018 ;
  •  la réorganisation des modes de désignation des membres de la Cour suprême, du Conseil constitutionnel et de l’instance chargée de l’organisation des élections pour garantir l’indépendance de ces organismes ; et
  •  la réduction du mécontentement au sein des forces de défense par l’octroi des mêmes équipements, salaires et avantages financiers aux unités d’élite et aux unités de l’armée régulière déployées à l’extrême Nord, et par leur rotation régulière.
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