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De Ouagadougou à Yaoundé : Les leçons d’une révolution par Guy Zogo

Depuis la chute de Blaise Compaoré, beaucoup au Cameroun veulent espérer que cette évolution se répètera dans leur pays. Pourtant, de la coupe aux lèvres, il y a bien des dissemblances.
 
Vendredi 31 octobre 2014, Blaise Compaoré, le président du Burkina Faso  depuis 1987, a quitté le pouvoir sans gloire après que les populations se sont opposées violemment à sa tentative de modifier la constitution pour la troisième fois.

Si beaucoup ont vu en filigrane l’action du peuple s’opposant au dictateur y compris en mettant le feu à l’édifice abritant le parlement burkinabè, il y a lieu cependant de relever que c’est la guerre d’usure entre ses proches et lui qui a avant tout eu raison du Chef de l’Etat du Faso. En effet, la démission de 75 membres du bureau politique du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), parti au pouvoir, le 4 janvier 2014 et plus particulièrement le refus des compagnons de 25 ans de Blaise Compaoré, en l’occurrence Simon Compaoré, Marc Christian Roch Kabore et Salif Diallo, les plus connus, de le voir s’éterniser au pouvoir a constitué le coup le plus rude qui lui a été asséné.


Dès lors, leur décision de rejoindre les rangs de l’opposition a donné des assurances à celle-ci sur la fragilité de Blaise Compaoré mais aussi à une opinion de plus en plus convaincue que la fin du régime était proche.

Au Cameroun, ce schéma est peu probable. Que ce soit sous Ahmadou Ahidjo comme sous Paul Biya, leur entourage n’a jamais nourri aucune ambition contrairement à celui de Blaise Compaoré qui estimait que son heure était venue. Pour preuve, c’est Ahmadou Ahidjo qui décida lui-même de quitter le pouvoir le 6 novembre 1982 pour le transmettre à Paul Biya alors même que nombre de ses proches s’étaient déjà rendus compte de ses problèmes de santé qui déteignaient sur sa capacité à gouverner mais n’osaient faire par exemple ce que Ben Ali allait faire en Tunisie en 1987, en débarquant Habib Bourguiba de la présidence.

Il y a pire, la Constitution de 1972 n’a jamais explicitement interdit le multipartisme même si de fait il existait un parti unique qui faisait sa loi, mais aucun proche déchu par Ahmadou Ahidjo n’a jamais osé regimber lorsqu’il tombait en disgrâce. Même pas le truculent Moussa Yaya Sarkifada, qui fut exclut du bureau politique de l’Union Nationale Camerounaise (UNC) en 1983 pour avoir rappelé à Ahidjo qu’il lui avait conseillé de ne pas quitter le pouvoir, n’osa chercher une autre voie pour exprimer ses idées.

Sous Paul Biya, ce n’est guère mieux. Le clientélisme ambiant a donné naissance à une classe politique qui attend tout de Paul Biya. Ainsi, tous ceux qui disposent de la moindre responsabilité, une fois qu’ils en partent ne songent qu’à revenir aux affaires quitte à se morfondre pendant des années en attendant qu’un décret les «réhabilitent ». Qu’on observe Augustin Kontchou Kouemegni, l’ancien ministre de la Communication et des Relations Extérieures, qui en est le parfait exemple.

Au sein du RDPC, le débat sur l’éventualité du départ de Paul Biya d’Etoudi n’a pas non seulement cours mais il n’est même pas envisageable. Qu’il s’agisse des progressistes comme des modernistes, ces initiatives au sein du parti au pouvoir, visant à lui donner un souffle nouveau, ont toutes fait long feu,  le cas des modernistes prêtant à sourire lorsqu’on s’aperçoit que son implosion est survenue lorsque d’aucuns y ont évoqué l’idée d’un départ de Paul Biya.

Quant au bureau politique, seul Marafa Hamidou Yaya, comme il l’a expliqué lui-même dans sa première lettre après son arrestation, s’est opposé à l’idée d’un nouveau mandat de Paul Biya en 2011. Depuis, il a été emprisonné et estime qu’il est un prisonnier politique tout comme les Etats-Unis qui soutiennent que sa culpabilité dans quelque affaire que ce soit n’a pu être prouvée. Un cas qui est à rapprocher de celui de Jean Jacques Ekindi dont la démission du RDPC en 1990 n’a pas eu l’effet escompté chez les autres cadres de ce parti.

Bien évidemment, personne ne lève le petit doigt, chacun préférant assister à la mise à mort des impudents , à l’image de ceux à qui on prête une appartenance à un G11 qui entendait prendre la place de Paul Biya, lesquels, depuis sont frappés par l’Opération Epervier.

C’est donc peu, trop peu même pour espérer faire bouger les lignes au Cameroun et qui explique sans doute pourquoi les mouvements populaires ont souvent échoué avec fracas : aucun relais n’a jamais été établi entre le bas peuple protestataire et l’élite politique autour de Paul Biya. Bref, cette capacité de mettre d’abord le Cameroun au centre du débat avant toute chose n’existe pas. Après tout, Karl Marx était de la bourgeoisie, ce qui ne l’a pas empêché de se révolter contre les inégalités provoquées par le capital. Jean Paul Sartre aussi, qui brocarda pourtant sans relâche le monde capitaliste.
Peu être sûres de leur fait, les responsables politiques des cercles du pouvoir ont déjà répondu en chœur que le scénario burkinabè ne saurait se produire au Cameroun parce que les jeunes Camerounais aiment la paix.

Seulement, à la vérité, les voies des révolutions et autres mouvements appelant au changement sont insondables. Nul ne sait comment l’exaspération, les frustrations et les injustices qui s’accumulent se muent subitement en révolution. Le roi Louis XVI de France en a fait l’amère expérience. A un émissaire des services de sécurité venu lui rendre compte de l’excitation de la foule dans les rues de Paris, il risqua cette question : «  Que se passe t-il ? C’est une révolte ? ». L’autre lui répondit «  Non mon roi, c’est une révolution ». Alors gare à celui qui s’y fait prendre !
Par  zogo Guy



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