La révision
ou la modification de la constitution d’un l’état est un acte important,
surtout si c’est pour l’intérêt de la nation. Toutefois, il y a eu souvent une
manipulation aléatoire des dispositions fondamentales des constitutions en
Afrique et cela pour des intérêts personnels. Le cas du Burkina Faso qui a été
plongé dans la tourmente politique, le cas récent du Togo, sont des exemples
flagrants.
Fait intéressant,
systématiquement les dispositions constitutionnelles relatives à la durée du
mandat des chefs d’état ont été modifiées de manière à prolonger la durée du
mandat de ces dirigeants s’accrochant au pouvoir. N’existe t-il pas de mesures
juridiques et institutionnelles en place pour dissuader ces dirigeants et leurs
régimes de manipuler ces textes fondamentaux? N’y a-t-il pas des mécanismes
politiques qui peuvent être mis en place afin d’empêcher ces dirigeants de
manipuler les dispositions fondamentales ?
Dans la
plupart des Constitutions des états africains telles que celles de la République
démocratique du Congo, du Gabon et de la Guinée équatoriale, la disposition
relative aux mandats des chefs d’état est facilement modifiable. Il n’existe
pas de dispositions qui empêchent la manipulation de clauses aussi importantes.
L’Afrique du
Sud et le Botswana ont mis en place des cours constitutionnelles qui
garantissent la séparation des pouvoirs. Par exemple en Afrique du Sud, il est
difficile pour le pouvoir exécutif (le gouvernement) de réviser les
dispositions fondamentales de la Constitution de 1994. D’autres états comme le
Togo et le Burkina Faso ont mis en place des Conseils constitutionnels qui se
sont avérés être inefficaces dans la prévention de la manipulation des
constitutions.
La séparation
entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire dans les états africains,
reste précaire. Le pouvoir exécutif demeure le plus puissant. Les juges des
tribunaux sont toujours nommés par les chefs d’état et sont ainsi contraints de
lui prêter allégeance. Avec une telle configuration des rapports de force entre
les différents pouvoirs, les chefs d’état continueront à manipuler les
dispositions fondamentales des Constitutions de manière à rester au pouvoir le
plus longtemps possible.
Une
opposition faible est aussi une raison majeure pour laquelle les dirigeants
africains continuent de manipuler les constitutions. Selon un article daté du
18 novembre 2014 par « Oeil d’Afrique «, les leaders politiques de l’opposition
de la République démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, du Burundi, du
Gabon, du Sénégal et de la Guinée équatoriale se sont réunis à Paris et ont
signé une déclaration en vue de stopper le tripatouillage des Constitutions,
notamment le nombre et la durée des mandats au pouvoir, par les chefs d’Etat
africains. Il est indéniable que la tenue de telles réunions et la signature de
ces déclarations ne sont pas la panacée. Les dirigeants des partis d’opposition
dans la plupart des états africains n’ont pas été en mesure de parvenir à un
consensus pour choisir un candidat, lors des élections présidentielles.
Les états
africains ne disposent pas d’une société civile structurée et institutionnalisée
en mesure d’empêcher les dirigeants de modifier les dispositions fondamentales
des constitutions. Selon un rapport de France 24 en novembre 2014, les groupes
de la société civile ont tenté de rejoindre les dirigeants des partis d’opposition
dans une campagne pour empêcher le Président de la République du Togo, de
manipuler les dispositions fondamentales de la Constitution. Cette action a échoué
parce que les groupes de la société civile ne parlent toujours pas d’une seule
voix au sujet des raisons pour lesquelles les dispositions fondamentales comme
la durée du mandat du chef de l’état ne devraient pas être modifiées.
La presse
dans les états africains est encore fragile. De nombreux états africains comme
la Gambie ne peuvent pas se vanter d’une presse indépendante. De nombreux
journalistes ont été arrêtés et sont morts dans les prisons suite à leur
contestation de la modification des dispositions fondamentales des
Constitutions.
Il faut donc
remettre en cause ce statu quo. Les rédacteurs des constitutions en
collaboration avec une société civile dynamique et des dirigeants de partis
politiques unis doivent s’assurer qu’il y a une disposition dans les
constitutions des états qui interdit expressément la manipulation de la durée
et le nombre de mandats du chef de l’état. Un des rôles des Cours
constitutionnelles est de prévenir les tentatives d’abus de pouvoir par l’exécutif.
Il est donc indispensable que les institutions de l’état comme les Cours et les
Conseils constitutionnels soient indépendants pour être en mesure de contester
la modification des dispositions fondamentales des Constitutions en Afrique.
Les différents
groupes de la société civile en Afrique doivent être bien organisés et parler d’une
seule voix lorsqu’il s’agit de questions importantes, comme la manipulation de
la durée du mandat des chefs d’état. Pour ce faire, il y a tout un
apprentissage pour apprendre à travailler ensemble. L’amélioration du
financement et de l’encadrement de ces différentes structures est la seule voie
pour faire émerger une société civile servant de contrepouvoir effectif aux
caprices des dirigeants africains. Dans le même ordre d’idées, il est
incontournable de réformer le cadre juridique des métiers de presse pour améliorer
la protection des journalistes contre l’arbitraire. Une protection synonyme d’une
presse dynamique et audacieuse capable de dénoncer et de mobiliser contre toute
tentative de tripatouillage des Constitutions.
Il ne suffit
pas d’avoir une faible séparation des pouvoirs comme c’est le cas dans la
plupart des états africains. Encore faut-il qu’il existe des mécanismes
politiques et institutionnels qui jouent le rôle de contrepouvoirs pour prévenir
la manipulation des excès.
Article
publié en collaboration avec Libre Afrique : Chofor Che, analyste pour
www.libreafrique.org
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