Un adage populaire dit : « qui veut
aller loin, ménage sa monture.» Bien avant de ménager sa monture, il est déjà nécessaire
de s’assurer qu’elle est capable de supporter le voyage dans lequel l’on
projette de l’engager.
Le président de la république, dans
un discours programme s’est engagé à faire du Cameroun un « pays émergent »
à l’horizon 2035. Au-delà des réactions aussi bien positives que négatives que
ce discours a suscitées, il se dégageait clairement que le président voulait
nous engager dans un « long voyage «. D’où la question légitime de savoir si la
monture que constitue nos institutions et nos ressources était capable de l’aider
à mener à bien cette aventure.
En examinant nos ressources tant
humaines que naturelles, l’on est forcé d’admettre que nous avons des atouts:
un sol et un sous-sol riches, des ressources énergétiques abondantes, une cote
maritime et un réseau fluvial qui font envie, une population jeune et
dynamique, des hommes qualifiés et compétents dans presque tous les domaines.
Dès que l’on tourne le regard du côté
des institutions, l’origine de nos problèmes commence à transparaitre: une
administration congestionnée dans laquelle tous les centres de décision sont concentrés
en haut, d’où découle l’infantilisation des responsables locaux et du reste de
la population; cette infantilisation dégénère en un déficit d’initiative et de
responsabilité individuelles, la sous-exploitation des compétences avec comme
corollaire le manque de discipline sociale, et la désinvolture collective vis-à-vis
du progrès.
Le déséquilibre dans les
responsabilités est tel que l’immense majorité des camerounais sont mis à la
touche et attendent tout de l’Etat, pendant qu’au même moment un petit groupe
de personnes concentrent en leur mains des charges de travail qu’il est
humainement impossible d’assumer.
A titre d’exemples, si l’on analyse
de près les responsabilités du président de la République et de la plupart de
ses ministres, quel que soit le modèle mathématique que l’on utilise, l’on
aboutit à la conclusion qu’afin d’assumer correctement sa fonction, le président
aurait besoin d’au moins 35 heures de travail par jour et les ministres d’au
moins 24 heures, ce qui est bien évidemment une impossibilité sur la planète
terre.
D’où la nécessité de trouver une
organisation alternative viable qui mette à contribution la participation
effective du plus grand nombre de camerounais, et qui soit compatible avec
notre esprit communautaire naturel.
C’est pour cela que, dans le souci d’améliorer
l’efficacité de notre machine nationale dans la conquête de l’avenir, nous
proposons les dix points suivants:
1-
Transférer les activités des sous-préfets aux maires qui seront aussi entre-autres choses responsables de
la gestion des écoles primaires, et soins de santé primaire dans leurs communes
respectives. Ce qui implique par voie de conséquence, la suppression des
sous-préfectures.
2-
La création d’une police de proximité sous-forme de
police municipale qui est
directement en charge du maintien de l’ordre publique au quotidien. En dehors
des communes, devrait exister une police régionale avec un rôle équivalent aux
polices d’Etat aux Etats-Unis sous l’autorité du gouverneur, et une police
nationale équivalente au FBI dépendante directement du gouvernement central.
3-
Bien que les
ministères de l’éducation et de la santé doivent continuer d’exister, la
gestion au quotidien des établissements d’enseignement secondaires, des hôpitaux
départementaux et provinciaux devrait être faite comme actuellement sous l’autorité
des préfets ou au plus des gouverneurs. Ce qui sous-entend : Ces ministères
fixent les standards, organisent des examens de certification pour l’exercice
des métiers d’enseignants, d’infirmiers, de techniciens et de médecins mais que
les recrutements se fassent au niveau des départements et des régions, avec
comme exception les hôpitaux de référence.
4-
Au niveau de
l’enseignement supérieur, les recteurs ou présidents d’Université doivent
cesser d’être nommés par décret, mais devraient plutôt être élus par leurs collègues;
les professeurs du Supérieur sont quand même assez intelligents pour que l’on
leur laisse le soin de choisir eux-mêmes leur propres dirigeants. L’Etat serait
là pour s’assurer que les standards sont respectés.
5-
Introduire
la formation militaire comme partie intégrante de notre éducation, de sorte qu’à
terme, tous les camerounais soient des officiers de réserve prêts à répondre à
l’appel au combat. Ce qui devrait réduire le personnel militaire professionnel à
un nombre limité de brigades et d’unités spécialisées capables d’exécuter des tâches
spécifiques qui justifieraient leur existence permanente, allégeant ainsi la
charge d’entretient par l’Etat d’un effectif pléthorique des forces armées,
sans pour autant réduire notre capacité de réaction en cas d’attaque ennemi.
6-
Chaque
camerounais devrait accomplir un certain nombre d’heure de service national
avant l’entrée en classe de première ; subir un entrainement direct au combat
en classes de première et terminale dont le succès lui garantirait des études
gratuites ou des frais de scolarité réduits à l’université. Au niveau de l’université,
deux cours de spécialisation militaire doivent être exigés comme faisant partie
intégrante de tous les cursus aboutissant à un diplôme. L’instruction militaire
pourrait devenir une filière universitaire.
7-
Notre système
éducatif doit impérativement sortir de la prison coloniale, et jouer le même rôle
que l’éducation joue dans les pays dits avancés, c’est- à -dire devenir notre
arme la plus puissante pour résoudre nos problèmes. Nous ne pouvons pas
demander à notre jeunesse de résoudre nos problèmes si, très tôt à l’école,
nous ne les instruisions pas au préalable à y réfléchir et à s’y impliquer.
8-
En clair: Nos
leaders doivent s’accorder sur les 5 ou 10 problèmes clés que notre société
doit absolument résoudre (comme la maitrise locale de l’autosuffisance
alimentaire, la maitrise de l’énergie, la maitrise de l’exploitation de nos
matières premières, le maitrise des maladies qui déciment notre population etc…)
ne pas seulement en parler dans les discours, mais articuler et construire
notre système éducatif autour de la résolution de ces problèmes ; sans balayer
l’aspect culture générale de l’éducation, nous ne devrions à aucun moment
perdre de vue nos objectifs. Il y aura bien sûr des ajustements et des
corrections, mais c’est ce que tous les « grands » pays du monde font.
9-
Nous devons
nous débarrasser du système archaïque qui consiste à maintenir des formations
que l’on dispense dans des écoles comme l’ENAM, l’école Normale, l’ESSTI et
bien d’autres en dehors du circuit ordinaire de l’Université, car rien ne
justifie cette démarche ; en effet, il n’Ya rien que l’on enseigne dans ces écoles
que l’on ne peut enseigner à l’Université. Par contre, en ouvrant ces filières
au plus grand nombre, l’Etat augmenterait ses chances de recruter de grandes
compétences écartées par les concours.
10- Afin que les choses se mettent correctement en place
et que nos communes prennent la pleine mesure de leurs rôle comme principal
moteur de la lutte contre la misère pour le bien-être de la population, nos
communes devront d’une part apprendre à générer des revenus, d’autre part, les
camerounais dans leur ensemble devront faire une distinction claire entre un
voisinage et une communauté.
Par opposition à un voisinage qui
est un groupe d’individus qui vit ensemble dans un environnement où ce groupe
ne contrôle pas les activités économiques autour de lui, une communauté est un
voisinage qui contrôle tout ou l’immense majorité des activités économiques qui
se déroulent sur son territoire. C’est cette culture de communauté que nous
devons inculquer au plus profond de l’âme des camerounais, et gérer nos
communes avec cela à l’esprit. Ce n’est que de cette manière que nous gagnerons
le défi de l’avenir, car c’est une illusion que de croire que la lutte contre
le chômage se gagnera par le haut; ou que quelqu’un d’autre viendra résoudre
nos problèmes à notre place.
Par Paul Daniel Bekima
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