Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

le régime autoritaire cherche à intimider la population et augmente la dette par Eric Toussaint

La loi « antiterroriste », adoptée début décembre 2014 par le Parlement au Cameroun et qui instaure la peine de mort, provoque une levée de boucliers chez les opposants et les mouvements sociaux locaux. Les opposants à la loi dénoncent en particulier l’article 2, qui déclare passible de la peine de mort quiconque « commet tout acte ou menace susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique, d’occasionner des dommages corporels ou matériels, des dommages de ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturel ». Le code pénal camerounais prévoit déjà la peine capitale pour les coupables de meurtres et d’assassinats, le texte de la loi y ajoute donc désormais les personnes qui ne commettent qu’une menace... On mesure la latitude que se donne le pouvoir pour renforcer brutalement la répression et criminaliser la protestation sociale.

C’est ainsi que mercredi 10 décembre 2014, des associations citoyennes et des mouvements sociaux ont manifesté à Yaoundé pour exiger du président Biya qu’il ne promulgue pas cette loi |1|, qui « criminalise les réunions et manifestations publiques », selon le collectif Dynamique citoyenne, qui regroupe une centaine d’associations et qui est animée notamment par des membres de la Plate-forme d’information et d’action contre la dette (membre du CADTM international).


Dynamique citoyenne explicite la dénonciation : « vous serez considéré comme terroriste si, par exemple, lors d’une manifestation publique organisée pour exiger l’amélioration du code électoral, pour dénoncer l’incurie des gouvernants en place, pour revendiquer la revalorisation des salaires ou l’harmonisation de l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour tous, votre action peut, selon les humeurs des tenants du pouvoir, tomber sous le coup de « tout acte ou menace d’acte susceptible de causer la mort, de mettre en danger l’intégrité physique [si en défendant vos droits vous résistez à Abraham ou Mamiwata et aux forces du désordre], d’occasionner des dommages corporels ou matériels [si vous cassez les kiosques du PMU], des dommages aux ressources naturelles, à l’environnement [si vous brûlez les pneus en polluant l’atmosphère] ou au patrimoine culturel [si vous vous en prenez à la statue de Charles ATANGANA ou au monument LECLERC] «. …Si M. Biya promulgue cette loi, nous allons l’assimiler à une déclaration de guerre et nous n’entendons pas nous laisser faire…, prévient Jean-Marc Bikoko , porte-parole de Dynamique citoyenne, dirigeant syndical bien connu et membre actif du CADTM international.

Manifestement le pouvoir fort veut se prémunir contre d’éventuels troubles avant la présidentielle de 2018. Président depuis 1982, Paul Biya, 81 ans, entretient le mystère sur ses intentions mais il est clair qu’il est tenté de prolonger une fois encore son mandat. Ce texte apparaït manifestement comme sa réponse au soulèvement populaire qui a entraïné la chute du régime dans divers pays africains et en particulier au Burkina Faso en novembre 2014 : il cherche à terroriser les mouvements sociaux et la jeunesse pour les empêcher de sortir en masse dans la rue, même si le dispositif légal pour réprimer la protestation sociale est déjà très grave avant même l’entrée en vigueur de cette loi. Le pouvoir en use et abuse. Par exemple, la garde à vue est d’une durée de quinze jours renouvelables.

En-dehors des activités organisées par le parti au pouvoir et ses satellites, toute manifestation ayant trait à la protestation, à la dénonciation ou à la revendication se heurte toujours à l’abus d’autorité et à l’excès de zèle de l’administration qui crée sciemment l’amalgame entre « déclaration « et « autorisation «, et pour qui ces réunions et manifestations sont toujours susceptibles de troubler l’ordre public.

Tel a été le cas en 2007 dans le cadre de la manifestation organisée par les organisations membres de la CSP devant le siège du Parlement camerounais relative à la revalorisation des salaires dans la fonction publique. La même situation s’était reproduite le 11 novembre 2010 dans le cadre de la mobilisation organisée par la CSP à Yaoundé devant les services du Premier ministre qui a vu l’arrestation de 7 militants syndicalistes inculpés pour « délit de réunion et manifestation illégale «, inculpation qui avait donné lieu à un procès de 15 mois, lequel s’est soldé par l’acquittement des prévenus par le tribunal de première instance de Yaoundé |4|.

Dans la même optique, les autorités n’ont pas permis que se déroule à l’endroit prévu la manifestation convoquée par Dynamique citoyenne le 10 décembre 2014. La veille, cette association a été obligée de convoquer le public à un autre endroit de la ville. L’objectif du pouvoir était de décourager les manifestants potentiels et de limiter strictement la possibilité d’exprimer son opinion de manière organisée sur la place publique. On peut constater que cette politique du régime atteint partiellement son objectif : les mobilisations de rue sont faibles pour le moment.

La Grande palabre sur la dette

Le 11 décembre 2014, plusieurs associations avaient uni leurs efforts pour convoquer une conférence publique dans le cadre de « La Grande Palabre ». La veille, le public convoqué pouvait lire sur la toile de médias alternatifs : « La Grande Palabre a été annulée pour la troisième fois. L’organisateur veut se plaindre auprès de la justice ».

Cet article précisait : « La session de La Grande Palabre, du 11 décembre 2014, avait pour thème » le Cameroun et l’Afrique pris dans les tenailles de la dette odieuse et de l’imaginaire occidental «. Eric Toussaint devait entretenir l’auditoire. « Pour la troisième fois, nous sommes victimes des abus du sous-préfet de Yaoundé 1er qui refuse de nous délivrer le récépissé de déclaration de réunion publique en prétextant que Germinal, personne morale, ayant une personnalité juridique conférée par son récépissé de déclaration nO 034/RDDJ/J06/BASC délivré le 25 juillet 2003, n’est pas habileté à organiser une réunion publique (conférence-débat). Pourtant 38 fois, ce même sous-préfet et son prédécesseur ont délivré à Germinal 38 récépissés de déclaration de réunion publique «. Jean-Bosco Talla |5| le directeur de publication du journal Germinal est outré. A cause des raisons qu’il vient d’énoncer, la session de la « Grande Palabre », la conférence-débat qu’il organise, ne se tiendra plus comme prévu à l’hôtel Franco de Yaoundé, le 11 décembre 2014. Il annonce sa délocalisation à l’hôtel Jouvence 2000, toujours dans la capitale. Le sous-préfet Jean-Paul Tsanga Foé explique que l’objet du débat de la « Grande Palabre » est contraire au récépissé de dépôt de déclaration de l’organe de presse de Jean-Bosco Talla. Une mesure que Jean-Bosco Talla conteste naturellement. «

                 Cela donne une idée des tracasseries et des obstacles mis par le pouvoir en travers de l’action de toutes les associations indépendantes et critiques. La réunion a donc eu lieu dans un autre endroit alors qu’une partie du public s’était rendue vers l’endroit initial. D’autres, découragés ou inquiétés par ce qui allait se passer, avaient décidé de rester chez eux. Malgré cela, environ 70 personnes ont participé à la conférence, retransmise en direct sur les ondes de la radio alternative Cheikh Anta Diop |7|. Quatre jours plus tard, une deuxième conférence publique sur « Les enjeux de l’endettement « prolongeait les débats du 11 décembre |8|. Cette conférence était notamment convoquée par la plate d’information et d’action sur la dette et par la confédération syndicale des services publics (CSP).

Le gouvernement camerounais a réussi jusqu’ici à convaincre la population que la dette ne constituait plus un problème réel pour le pays. La dette publique interne et externe représente moins de 20% du PIB en 2014 alors qu’en France elle atteint 96%, aux états-Unis elle atteint 100%, en Belgique elle dépasse 100%, en Italie 130%, sans parler de la Grèce dont la dette dépasse 170%. Néanmoins, le remboursement de la dette représente 9% des dépenses du budget de l’état en 2014 tandis que la santé publique ne représente que 5% du budget. En 2015, selon le budget officiel, le remboursement de la dette augmentera de 33%. Ce sont les banques privées camerounaises qui en profitent largement car elle prêtent à l’Etat à du 5,5%.

En 2015, il faut également prendre en compte l’impact de la chute du prix du pétrole sur le marché mondial. Le Cameroun est un pays exportateur de pétrole et la chute du prix provoquera une chute des recettes de l’Etat et rendra plus difficile le remboursement de la dette. Dans un pays où le salaire mensuel minimum légal n’atteint que 50euros (32.000 francs CFA) alors que la plupart des denrées se vendent au prix du marché mondial, les Camerounais paient une taxe unique de 19,5% de TVA sur tous ces produits (à quelques exceptions près), ce qui transforme la vie quotidienne en une lutte permanente, il est essentiel de trouver une solution au problème de la dette illégitime. C’est pourquoi la Plate-forme d’information et d’action sur la dette, membre du CADTM, a décidé de lancer une campagne en faveur de l’audit citoyen de la dette. Le réseau CADTM est mobilisé sur le thème de l’audit citoyen et de l’abolition de la dette odieuse, au Cameroun comme ailleurs.


Eric Toussaint
Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.